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Le droit en débats

Le nouveau divorce sans juge est-il une option pour un couple international ?

Par Béatrice Weiss-Gout le 16 Février 2017

Partout en France, les avocats de la famille sont confrontés à des situations présentant un élément d’extranéité, nationalité ou résidence étrangère.

Dans ces situations, il a toujours été délicat de s’engager sur la voie de la négociation, et dans le cas fréquent d’une double compétence, on recommandait, pour ne pas perdre la course à la juridiction la plus favorable aux intérêts de son client, de la saisir en toute hypothèse.

Sous cette réserve, toujours vraie, le nouveau divorce peut apparaître comme une solution plus simple : avec la disparition du juge, disparition des règles de compétence territoriale, qui ne concernent que les juridictions, fin du contrôle du juge sur la loi applicable.

Mais ce n’est qu’une illusion, car la convention va devoir voyager, être reconnue, exécutée dans les pays concernés.

Or la variété des législations nationales, des conventions internationales et des règlements européens relatifs au divorce et à ses conséquences, imprégnés de concepts judiciaires, rend très délicate l’utilisation du nouveau divorce à la française.

La loi est silencieuse sur le sujet international ; le décret donne un seul outil, l’article 509-3 du code de procédure civile, qui confère au notaire compétence pour délivrer le certificat de l’article 39 du règlement Bruxelles II bis, permettant la reconnaissance dans l’Union européenne du divorce et de ses dispositions relatives à l’autorité parentale.

Les fiches 4 et 10 de la circulaire (V. Dalloz actualité, 2 févr. 2017, art. C. Fleuriot isset(node/183154) ? node/183154 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>183154), qui se veulent le mode d’emploi du nouveau divorce dans le monde, démontrent surtout qu’il va requérir des avocats, au-delà de la compétence, grande prudence, mais aussi imagination et agilité d’esprit.

La grande prudence d’abord, lorsque les éléments d’extranéité sont hors de l’Union européenne : deux petits paragraphes de la fiche 10 de la circulaire invitent à obtenir exequatur et/ou décision de reconnaissance… autant le dire clairement à saisir le juge étranger !

Tout simplement, sans même parler des questions d’ordre public, le divorce sans juge ne franchit pas les frontières de l’Europe, et donc ne voyage pas non plus au Danemark (extérieur aux règlements européens) ni bientôt en Grande-Bretagne.

L’imagination et l’agilité d’esprit ensuite si le divorce doit voyager en Europe : il faudra composer entre le besoin des époux d’être rapidement divorcés et la nécessité que les effets de leur divorce soient efficacement traités ; c’est notamment là que l’on mesurera l’évidente plus-value apportée par l’avocat sérieux et compétent.

C’est en effet bien d’ingénierie juridique qu’il s’agit. Le règlement Bruxelles II bis permettra la reconnaissance du divorce et des mesures sur l’autorité parentale ; elles bénéficieront d’une exequatur simplifiée, avec le certificat de l’article 39 du règlement délivré par le notaire ; mais dans l’hypothèse de futures difficultés sur les mesures d’autorité parentale, il sera impossible d’obtenir un certificat article 41 qui permet l’exécution sans autre formalité judiciaire. Il faut donc anticiper le risque de difficultés sur les droits de visite et d’hébergement.

Les pensions alimentaires et la prestation compensatoire, régies par le règlement européen « Obligations alimentaires » ne seront ni reconnues ni dispensées d’exequatur, car le règlement ne vise que les décisions de justice, les actes authentiques et les transactions judiciaires, et le nouveau divorce ne peut être assimilé à aucune de ces catégories juridiques, ni l’avocat assimilé à l’autorité administrative visée par le règlement.

Il faudra donc, pour la reconnaissance de cette partie des effets du divorce, passer soit par une convention parentale extraite de la convention de divorce, homologuée par le juge, ou par un acte authentique, ou encore quand ce sera adapté, par une transaction homologuée par le juge.

Pour l’exécution, il faudra toujours l’exequatur, ce qui doit inciter à beaucoup de prudence au regard de l’ordre public, notamment de la détermination de la loi applicable.

La fiche 4 de la circulaire n’évoque que l’hypothèse de la loi française applicable, mais ce divorce ne lui est pas réservé. On devra donc déterminer avec les époux la loi applicable, conformément aux règles de conflit de lois européennes et internationales et même si cette mention n’est pas obligatoire, la faire figurer dans la convention.

Enfin, juste pour mémoire, il faudra prendre en compte la future entrée en vigueur des dispositions du règlement européen sur les régimes matrimoniaux !

On mesure bien au terme de cette analyse la compétence qu’il faudra aux avocats, pour choisir ce nouveau divorce dans un contexte international, aussi la nécessité d’une intelligente coopération entre les professions juridiques règlementées. Mais, sous cette réserve, il ne faudra pas l’écarter, car il peut rester la meilleure solution pour la famille.

Au-delà, il y a sans doute un enjeu de politique internationale.

En effet, partout dans le monde, les besoins juridiques croissants se heurtent à l’impossibilité des pouvoirs publics de financer leur traitement judiciaire. La déjudiciarisation du droit de la famille est un mouvement européen, voire mondial. Avec ce nouveau divorce, la France est seulement un peu en avance.

Il appartient peut-être alors aux avocats français de faire de ce divorce à la française, le futur modèle d’un divorce européen.