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Reportage 

L’Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité, pour que « la justice reste »

Créé en novembre 2013, il a été conçu comme le bras technique du pôle crimes contre l’humanité du TGI de Paris. Sa mission : enquêter sur ces crimes de masse. Au départ très focalisé sur le génocide rwandais, l’OCLCH a peu à peu diversifié ses dossiers et s’intéresse notamment aux crimes de guerre commis en Syrie.

par Anaïs Coignacle 7 avril 2017

Une spécialisation récente

Il faut s’enfoncer dans le fort de Rosny, en Seine-Saint-Denis, pour arriver jusqu’à l’Office central de lutte contre les crimes contre l’humanité, plus couramment appelé OCLCH. Une quarantaine de minutes, plutôt 1 heure 15 aux heures de pointe, séparent l’Office de la rue des Italiens où se situe le pôle avec lequel il travaille en étroite collaboration. Une organisation peu commode pour les enquêteurs qui vont revenir boulevard Davout, dans le XXe arrondissement de Paris. Ce n’est pas la seule difficulté de fonctionnement de l’Office, qui après trois ans d’existence, commence seulement à se déployer grâce aux nouveaux effectifs attribués comme aux dossiers internationaux pour lesquels il est saisi.

La création de l’OCLCH, par le décret du 5 novembre 2013, a suivi celle du pôle judiciaire du même nom en janvier 2012, au TGI de Paris. À cette époque, la section de recherche de la gendarmerie de Paris était déjà en charge des dossiers du génocide rwandais et d’autres crimes internationaux mais « les dossiers avançaient difficilement car les juges étaient également en charge du service général. D’où la création d’un pôle judiciaire spécialisé », explique Aurélia Devos qui en est le chef de section. L’idée de créer « un service d’enquêteurs spécialisés dans le prolongement de la création du pôle » mettra « près de deux ans » à aboutir, précise la magistrate. « La naissance de ce pôle était une nécessité, confie Emmanuel Daoud, avocat de la FIDH intervenu dans le deuxième procès en France de présumés génocidaires rwandais. On ne pouvait pas à la fois dire que la France était à la pointe de la défense de la compétence universelle et ne pas se donner les moyens matériels et humains de faire avancer certains dossiers. En dépit de l’immense qualité des magistrats en charge des dossiers rwandais, cela n’avançait pas ». 

Le colonel Jean-François Caparos arrive le 15 décembre 2013 pour prendre la tête de l’Office après une longue expérience de police judiciaire. « Les dossiers de génocide et de crimes contre l’humanité arrivaient en France mais ils végétaient un peu, confirme-t-il. On sentait qu’on ne savait pas très bien comment les traiter ». Et de citer l’arrêt Mutimura contre France de la Cour européenne des droits de l’homme qui, en 2004, condamne la France pour sa lenteur à juger le présumé génocidaire rwandais, dix ans après les événements. Il faudra attendre un consensus entre les ministères de l’intérieur et de la justice pour que l’Office, à vocation interministérielle, voie le jour. Et trois ans de plus, à savoir ces jours-ci, pour qu’il atteigne le niveau de personnel prévu à l’origine. Soit une vingtaine de personnes issues des services de gendarmerie et des services de police ainsi qu’un officier détaché du ministère de la défense chargé d’apporter son expertise et de faire le lien avec les militaires. « Nous avons besoin de capteurs de terrain pour nos enquêtes, il est intéressant d’avoir un retour des militaires qui se trouvaient sur place pendant que les crimes avaient lieu », souligne le colonel qui a développé des partenariats avec de nombreux organismes internationaux et nationaux. En particulier avec Eurojust, qui héberge le réseau européen des points de contact sur les crimes internationaux. « L’Union européenne a poussé les États membres à trouver des services spécialisés, dit-il. Nous avons créé au sein d’Eurojust un réseau de contacts crimes contre l’humanité et génocide. On se coordonne régulièrement et nous avons une réunion semestrielle. »

Des compétences partagées

C’est en vertu de sa compétence universelle que la France peut se saisir des affaires concernant des génocides, crimes et délits de guerre, crimes contre l’humanité, crimes de torture et crimes de disparition forcée, quels que soient la nationalité de l’auteur ou de la victime ou encore le lieu de commission des faits. Seule compte la présence passée ou présente de l’auteur sur le territoire français « même si c’était pour assister à une conférence », commente le colonel. Et au nom du principe de complémentarité, la France peut se saisir de faits que la Cour pénale internationale (CPI)...

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