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Référé-liberté : les carences de Pôle Emploi portent atteinte au droit à l’emploi

Les carences graves de Pôle emploi dans sa mission d’accompagnement d’un demandeur d’emploi durant sa recherche d’emploi, constitue, au sens de l’article L. 521-2 du code de la justice administrative, une atteinte au droit d’obtenir un emploi consacré par l’alinéa 5 du Préambule de la Constitution de 1946.

par Bertrand Inesle 25 septembre 2012

Le tribunal administratif de Paris a décidé de faire droit à la requête présentée contre Pôle emploi par un demandeur d’emploi qui n’a eu, malgré des demandes formelles et répétées, que trois rendez-vous et une proposition de formation en trois ans, sans que jamais son projet d’accès personnalisé à l’emploi ne soit actualisé. Pour la première fois, une juridiction administrative, dans sa formation de référé, considère que les manquements de Pôle emploi aux dispositions de l’article L. 5312-1 du code du travail portent atteinte au droit d’obtenir un emploi consacré par l’alinéa 5 du Préambule de la Constitution de 1946, caractérisant par là même une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale au sens de l’article L. 521-2 du code de justice administrative. Après avoir constaté que le requérant se trouvait dans une situation financière précaire, relevant d’une situation d’urgence, le tribunal ordonne une mesure de référé-liberté en enjoignant Pôle emploi d’effectuer des entretiens et d’assurer l’accompagnement du demandeur d’emploi dans ses recherches.

Pour innovante qu’elle soit, la position adoptée par le tribunal administratif de Paris reste néanmoins critiquable quant à l’application faite des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative. Il n’est pas sûr, en effet, que, comme l’exige ce texte, il y ait une situation d’urgence ainsi qu’une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.

Bien que le texte de l’article L. 521-2 du code de justice administrative vise les seules libertés fondamentales, il s’applique en réalité, bien au-delà, à tous les droits et libertés ayant une valeur constitutionnelle (L. Favoreu, La notion de liberté fondamentale devant le juge administratif des référés, D. 2001. 1739 ). Or, le droit d’obtenir un emploi mentionné à l’alinéa 5 du Préambule de la Constitution de 1946 revêt une telle valeur, le Conseil constitutionnel acceptant de confronter ce droit à d’autres libertés ou droits constitutionnel, voire à le faire prévaloir sur eux (Cons. const., 28 mai 1983, n° 83-156 DC ; 10 juin 1998, n° 98-401 DC, AJDA 1998. 540 ; ibid. 495, note Schoettl ; D. 2000. 60, obs. L. Favoreu ; RTD civ. 1998. 796, obs. N. Molfessis ; ibid. 1999. 78, obs. Mestre ; 28 déc. 2006, n° 2006-545 DC). Il ne s’agit là, cependant, que d’un droit dit « créance », c’est-à-dire d’un objectif qui s’impose au législateur dans l’élaboration de la loi, mais qui ne peut être invoqué directement par les particuliers (Cons. const., 10 juin 1998, préc. [cons. 26] ; 4 févr. 2011, n° 2010-98 QPC ; JO 5 févr. 2011, p. 2355 ; Constitutions 2011. 238, note C. Radé ). Des auteurs se sont donc montrés défavorables à ce qu’un requérant puisse invoquer directement le droit...

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