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Servitude et travail forcé : la France toujours sur la sellette européenne

Dans deux arrêts, la Cour européenne des droits de l’homme réaffirme et précise sa jurisprudence relative à l’interdiction de la servitude et du travail forcé. 

par Olivier Bacheletle 22 novembre 2012

En un peu plus d’un mois, la Cour de Strasbourg a réaffirmé, à deux reprises, sa fermeté dans la lutte contre la servitude et le travail forcé. Dans la première affaire, à la suite du décès de leurs parents au Burundi en 1993, deux sœurs furent confiées à leur oncle et tante vivant en France. Dès leur arrivée, elles furent logées dans un local insalubre et contraintes de s’occuper de toutes les tâches ménagères, sans rétribution ni jour de repos. Des poursuites pénales furent engagées en 1999 mais la cour d’appel de Versailles prononça une relaxe du chef de soumission de personnes vulnérables à des conditions de travail et d’hébergement indignes au motif notamment que « les conditions d’hébergement et de travail étaient compatibles avec la dignité humaine de[s] [requérantes] ». Cet arrêt fut confirmé par la Cour de cassation. Dans la seconde affaire, une ressortissante ougandaise était parvenue à entrer sur le territoire britannique avec l’aide de son cousin. Début 2003, elle commença à travailler comme aide à demeure pour un couple d’Irakiens âgés sans recevoir aucune somme significative, son cousin percevant l’essentiel de son salaire. Bien que des enquêtes aient été ouvertes par la police, sur le fondement d’actes relevant de la traite des êtres humains, de l’esclavage et du travail forcé, leur clôture fut rapidement prononcée.

Saisie notamment d’allégations de violation de l’article 4 de la Convention européenne, relatif à l’interdiction de l’esclavage et du travail forcé, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) rappelle que ce texte « consacre l’une des valeurs fondamentales des sociétés démocratiques » mais, se prononçant sur l’existence d’un « travail forcé ou obligatoire » dans la première affaire, précise que tout travail exigé d’un individu sous la menace d’une « peine » ne méconnaît pas nécessairement la Convention et qu’il convient de prendre en compte « la nature et le volume de l’activité en cause » (V. CEDH 23 nov. 1983, Van der Mussele c. Belgique, n° 8919/80). Or, si la Cour considère que la première requérante a été forcée de fournir un travail d’une telle importance que, sans son aide, son oncle et sa tante « auraient dû avoir recours à une employée de maison professionnelle et donc rémunérée », elle estime...

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