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Détention provisoire : quand le parquet oublie de prendre la porte

Monsieur X est mis en examen à Nantes pour complicité de vol aggravé – une carte bancaire, un véhicule, des extincteurs… –, pour complicité d’escroquerie – le même jour, en utilisant la carte de paiement volée – et il est également mis en examen pour refus d’obtempérer et conduite de véhicule sans permis. Le 31 mars 2017, le juge des libertés et de la détention (JLD) reçoit Monsieur X, son avocat, le procureur, une éducatrice de la PJJ et l’escorte afin de se prononcer sur l’éventuel placement en détention provisoire du mis en examen. Le juge invite alors les parties à quitter son cabinet pour prendre sa décision. Mais voilà, « la porte du cabinet du juge des libertés et de la détention a alors été refermée après que Monsieur X et son escorte, son conseil, l’éducatrice présente et les deux stagiaires du conseil soient sortis, note l’avocate Marie-Emmanuelle Beloncle. Le procureur de la République était alors toujours à l’intérieur du cabinet, porte fermée, ne le quittant que plus tard ». L’ordonnance rendue prononce la détention provisoire.

Sauf que l’associé de Me Beloncle, Loïc Cabioch, demande que soit immédiatement donné acte sur le procès-verbal de cet incident. Appel est également fait contre l’ordonnance entachée de nullité, selon les conseils, puisque violant le principe du contradictoire. L’article 145 du code de procédure pénale dit clairement que « le juge des libertés et de la détention statue après un débat contradictoire au cours duquel il entend le ministère public qui développe ses réquisitions prises conformément au troisième alinéa de l’article 82 puis les observations de la personne mise en examen et, le cas échéant, celle de son avocat ». Point. « Dès lors, continue Me Beloncle, le fait pour le procureur de demeurer, même quelques instants dans le cabinet du JLD après la clôture des débats et hors la présence du mis en examen ou de son conseil, porte close, ne permet pas d’assurer du respect du principe du contradictoire, principe directeur du procès pénal, voire, constitue une violation manifeste de celui-ci ». En 1990, la Cour de cassation s’était prononcée sur une affaire à peu près similaire – un procureur de la République était resté dans le bureau du juge d’instruction « mais en la présence d’un greffier ». Les magistrats en avaient conclu que le principe du contradictoire avait « pu ne pas être respecté ». « Cette analyse de la Cour de cassation ne souffre que d’une exception : le cas où des éléments objectifs établissent que les contacts entre le JLD et le ministère public étaient sans rapport avec l’affaire en cours de délibéré ».

Dans cette affaire, l’élément de preuve objectif n’y est pas. La chambre de l’instruction de la cour d’appel de Rennes, dans un arrêt du 14 avril 2017, le dit sans ambages : « en l’absence de toute mention ou observation de nature à mettre la cour en état de s’assurer que le contact entre le juge et le procureur était sans rapport avec ‘l’affaire en cours de délibéré, la cour, n’étant pas en mesure de vérifier que le principe du contradictoire a été respecté, prononcera la nullité de l’ordonnance du juge et des libertés et de la détention du tribunal de grande instance de Nantes en date du 31 mars 2017 ; elle constatera en conséquence l’inexistence d’un titre de détention régulier et ordonnera la liberté de Monsieur X, s’il n’est détenu pour autre cause ». Monsieur X n’est plus en détention provisoire.


Par Marine Babonneau