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Absence d’identification de l’organe ou du représentant et obligation de supplément d’information

Lorsque les juges constatent l’absence d’identification de l’organe ou du représentant de la personne morale poursuivie malgré la matérialité des manquements, il leur appartient d’ordonner les mesures d’instruction dont ils reconnaissent eux-mêmes la nécessité. 

par David Aubertle 28 octobre 2016

À la suite de la chute d’un cycliste causée par des travaux de décaissement effectués sur la voie publique, une société est poursuivie du chef de blessures involontaires. Elle est relaxée en appel au motif de l’absence d’identification de l’organe ou du représentant à l’origine de l’infraction, condition requise pour engager sa responsabilité en application de l’article 121-2 du code pénal. À l’appui de leur pourvoi, les parties civiles reprochent notamment aux juges d’appel de ne pas avoir ordonné de supplément d’information, alors même qu’en constatant des manquements dont les auteurs ne sont pas identifiés, ils en reconnaissaient la nécessité. Ils invoquent par ailleurs l’existence d’une délégation de pouvoirs de fait au bénéfice du conducteur de chantier, interlocuteur privilégié de la ville pour la signalisation du chantier qui a par ailleurs reconnu s’occuper de la mise en place du chantier. Au visa des articles 121-2 du code pénal et 463 du code de procédure pénale, la chambre criminelle accueille le pourvoi au motif que, lorsqu’est constatée la réalité de manquements dont les auteurs ne sont pas identifiés, « il appartient aux juges d’ordonner les mesures d’instruction dont ils reconnaissent eux-mêmes la nécessité ».

En réhabilitant la condition d’identification de l’organe ou du représentant de la personne morale dont la responsabilité pénale est recherchée, la chambre criminelle se trouve de nouveau face au dilemme de sa très grande rigueur. Elle choisit très judicieusement d’y répondre, dans le présent arrêt, par un mécanisme de renforcement de l’investigation.

Quant à la consolidation de la condition de l’article 121-2 du code pénal tout d’abord, la chambre criminelle poursuit ici une entreprise menée depuis une dizaine d’années dans le but d’inverser une tendance amorcée en 2006. Elle décidait en effet à l’époque qu’il suffisait aux juges du fond de montrer que l’infraction n’avait pu être commise que par une personne ayant la qualité d’organe ou de représentant pour que la condition d’identification de l’article 121-2 du code pénal soit remplie (Crim. 20 juin 2006, n° 05-85.255, Bull. crim. n° 188 ; D. 2007. 617, et les obs. , note J.-C. Saint-Pau ; ibid. 399, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé et S. Mirabail ; ibid. 1624, obs. C. Mascala ; AJ pénal 2006. 405, obs. P. Remillieux ; Rev. sociétés 2006. 895, note B. Bouloc ; RSC 2006. 825, obs. Y. Mayaud ; RTD com. 2007. 248, obs. B. Bouloc ; JCP E 2006. 2105, note Véron [2e esp.] ; JCP 2006. I. 10199, note Dreyer ; RJDA 2006, n° 1139 ; 26 juin 2007, n° 06-84.821, D. 2008. 1573, obs. C. Mascala ; Dr. pén. 2007, n° 135, obs. Véron). Une telle présomption d’imputabilité présentait le double inconvénient de désamorcer l’exigence d’identification et de porter atteinte au principe d’interprétation stricte de la loi pénale. À la suite d’une série d’arrêts, la Cour de cassation semble être revenue sur sa position. Elle rappelle désormais régulièrement la nécessité de rechercher « si les manquements relevés résult[ent] de l’abstention d’un des organes ou représentants » pour aboutir à une conclusion sur la responsabilité de...

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