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Affaire des faux électeurs : un point de vue juridique

Outre l’intérêt médiatique de cette affaire, le présent arrêt de la Cour de cassation permet de préciser les conditions de recevabilité des constitutions de partie civile d’une personne morale de droit public et d’électeurs, dans le cadre d’une infraction au code électoral.

par Lucile Priou-Alibertle 11 mars 2015

Dans cette affaire, des candidats évincés aux élections municipales de juin 1995 et aux élections législatives de mai 1997 avaient porté plainte au mois de mai 1997 en dénonçant l’inscription indue sur les listes électorales d’électeurs ne résidant pas dans la circonscription. À l’issue d’une longue information judiciaire, onze prévenus avaient été renvoyés devant le tribunal correctionnel, dont les époux Tibéri et la première adjointe au maire, du chef de manœuvres frauduleuses tendant à porter atteinte à la sincérité du scrutin et complicité consistant à employer de fausses attestations de résidence et de faux certificats destinés à permettre l’inscription ou le maintien sur les listes d’électeurs ne résidant pas dans l’arrondissement considéré mais censés apporter leur suffrage au maire de celui-ci, Jean Tibéri. Au terme d’un long arrêt de vingt pages, la Cour de cassation examine méthodiquement et rejette les multiples moyens formés par les époux Tibéri et par la première adjointe au maire contre l’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris et portant condamnation des prévenus.

L’intérêt juridique de cet arrêt réside, à notre sens, dans le troisième moyen soulevé par les époux Tibéri. Aux termes de celui-ci, en effet, les auteurs du pourvoi critiquaient la décision d’appel en ce qu’elle avait écarté leur exception d’irrecevabilité de la constitution de partie civile de la Ville-de-Paris et de certains électeurs. La chambre criminelle approuve cependant l’argumentaire des juges d’appel qui avaient relevé, « d’une part, que la ville de Paris avait subi un préjudice personnel et certain, en relation directe avec les infractions, du fait de la répercussion de celles-ci sur sa gestion administrative des élections, tant en ce qui concerne l’atteinte à son image publique que dans les résultats des scrutins municipaux, en trompant la confiance des électeurs et pouvant modifier la composition du conseil de Paris et, d’autre part, que les atteintes à la sincérité du scrutin sont constitutives d’un préjudice moral direct et personnel dont peuvent se prévaloir, en application de l’article L. 25 du code électoral, les personnes inscrites sur les listes électorales de la commune ».

S’agissant de la constitution de partie civile d’une personne morale de droit public, il est acquis que ses conditions de recevabilité ne diffèrent pas de celles imposées aux personnes physiques comme aux personnes morales de droit privé. La Cour de cassation rappelle à cet égard que « l’action civile est ouverte à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage, matériel ou moral, découlant des faits objets de la poursuite, sans en exclure les personnes morales de droit public » (V. Crim. 7 avr. 1999, n° 98-80.067, D. 1999. 127 ; RSC 1999. 827, obs. J.-H. Robert ; ibid. 2000. 645, obs. A. Giudicelli ; 8 mars 1995, n° 94-82.566, Bull. crim. n° 93 ; RSC 1997. 846, obs. J.-H. Robert ). Encore faut-il que la personne établisse l’existence d’un préjudice personnel et direct qui se distingue de la seule atteinte...

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