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Au Mesnil-Amelot, la justice sur le tarmac

Depuis 18 mois, le tribunal de Meaux a délocalisé ses audiences JLD dans une annexe située au Mesnil-Amelot. Symbole de la justice désincarnée, ce tribunal, qui statue sur la liberté des étrangers en instance d’éloignement, est loin de tout sauf du centre de rétention administrative et de l’aéroport.

par Julien Mucchiellile 13 avril 2015

Le policier tape au carreau, M. Luiz se lève. Il sort du dépôt où il s’ennuie avec une dizaine d’autres sans-papiers, puis pénètre dans la minuscule cellule format garde à vue, dédiée à l’entretien. Il porte encore ses habits d’ouvrier et affiche un air inquiet. Son avocat Bruno Vinay détend tout de suite l’ambiance : « Vous avez un bon dossier, j’ai trouvé l’erreur, ça va aller vite. » M. Luiz se décrispe et explique les conditions de son interpellation. Quelques notes rapidement griffonnées et les deux filent – séparément – à l’audience.

Bruno Vinay a décelé trois moyens de nullité qu’il plaide une heure plus tard devant le juge des libertés et de la détention (JLD) de l’annexe du tribunal de grande instance (TGI) de Meaux, sise au 10, rue de Paris, Mesnil-Amelot (Seine-et-Marne). Un tribunal dans un village de 800 habitants, tout près des échangeurs de Roissy, opportunément signalé par une plaque du ministère de la justice. Le portail est fermé par une lourde chaîne en raison du plan Vigipirate en alerte attentat. Il faut le pousser et s’infiltrer par cet interstice, traverser un petit parking désormais condamné, pour accéder au bâtiment.

Ils sont une petite douzaine de sans-papiers ce samedi matin, plus encore l’après-midi, à défiler à la barre d’une salle exiguë. Un magistrat en costume de ville et une greffière débordée sur sa droite, qui fait des allers-retours avec son bureau qui jouxte l’arrière de la salle d’audience. Elle doit traverser l’enclos du public, douze places assises, séparé du prétoire par une grille verte. La porte à battant qui permet d’y accéder pollue l’audience, à chaque fois qu’on la pousse, d’un tintamarre lancinant, sous l’œil las de deux agents de la police aux frontières (PAF). Les avocats de la défense et de la préfecture – en robe – s’affrontent à leur pupitre, à coups de nullités extraites du code des étrangers (CESEDA). Deux Roumaines, un Brésilien, un Haïtien, un Sri Lankais, un Tunisien, un Ivoirien, un Malien et un Géorgien devenu apatride depuis que son village natal est passé sous contrôle abkhaze. Et M. Luiz., qui est péruvien. Huit sont libérés, dont les deux clients de Bruno Vinay. En moyenne, c’est un peu moins de la moitié.

Cet avocat de 39 ans, inscrit au barreau de Seine-Saint-Denis, ne fait que du droit des étrangers. Il s’est même ultra spécialisé, depuis 5 ans, dans le contentieux de la rétention : le triptyque tribunal administratif (TA), JLD, cour d’appel. Melun, Mesnil-Amelot, Paris (chambre 35 bis, pôle 2 chambre 8). « Je libère 90 % de mes clients – moyenne sur 3 ans – à un moment où un autre de la procédure », assure-t-il. La phase...

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