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Baux commerciaux : dénégation du statut en cours d’instance

un bailleur qui a délivré un congé avec refus de renouvellement peut, au cours de l’instance en fixation de l’indemnité d’éviction, dénier l’application du statut des baux commerciaux.

par Maxime Ghiglinole 18 novembre 2016

Le principe d’interdiction de se contredire au détriment d’autrui – ou estoppel – sanctionne le comportement par lequel une partie adopte des positions procédurales de nature à induire son adversaire en erreur sur ses intentions (Civ. 1re, 24 sept. 2014, n° 13-14.534, Dalloz actualité, 13 oct. 2014, obs. F. Mélin ; ibid. 2015. 649, obs. M. Douchy-Oudot ; RTD civ. 2015. 452, obs. N. Cayrol ; JCP 2014. 1141, note Houtcieff ; ibid. 1232, n° 4, obs. Serinet ; ibid. E 2014. 1608 note N. Dupont ; LPA 3 nov. 2014, p. 10, obs. Boillot ; ibid. 27 nov. 2014, p. 20, note Brus ; Dr. et proc. 2015, suppl. Droit du recouvrement, n° 2, p. 4, note Putman). Ce principe consacré avec réserves par un arrêt d’assemblée plénière du 27 février 2009 (Cass., ass. plén., 27 févr. 2009, n° 07-19.841, Bull. ass. plén., n° 1, rapport Boval et concl. de Gouttes ; D. 2009. 1245 , note D. Houtcieff ; ibid. 723, obs. X. Delpech ; ibid. 2010. 169, obs. N. Fricero ; RTD civ. 2010. 459, étude N. Dupont ; JCP 2009. I. 142, n° 7, obs. Serinet ; JCP 2009. II. 10073, note Callé ; RDC 2009. 1019, note Viney ; Gaz. Pal. 19 mars 2009. 10, note Janville ; confirmation not. par Com. 20 sept. 2011, n° 10-22.888, Dalloz actualité, 29 sept. 2011, obs. X. Delpech ). L’exigence de cohérence est limitée aux seules prétentions objet du litige. Les allégations formulées par le plaideur au soutien de ses prétentions ne sont donc pas concernées.

En l’espèce, une commune a donné à bail à un particulier diverses parcelles de terre pour une durée neuf années à compter du 1er janvier 1994. Ce bail a été renouvelé jusqu’au 31 décembre 2011 par délibération du conseil municipal. Toutefois, le 30 juin 2011, la commune a délivré au preneur un « congé sans offre de renouvellement de bail commercial » pour le 31 décembre 2011, « en application de l’article L.145-14 du code de commerce ». Le congé rappelle également au preneur les termes du dernier alinéa de l’article L.145-9 de ce code relatif à la possibilité de contester le congé ou de demander une indemnité d’éviction. Le preneur a donc saisi le tribunal de grande instance afin d’obtenir le paiement de cette indemnité d’éviction. La commune s’est opposée à ces demandes en contestant la qualification du bail. Selon cette dernière, ce bail doit être exclu du statut des baux commerciaux puisqu’il porte sur des terrains nus. En première instance, le tribunal a débouté le preneur de sa demande en refusant d’appliquer le statut des baux commerciaux. Toutefois, la cour d’appel a infirmé cette décision, les magistrats ayant estimé que la contestation sur la qualification du bail était en contradiction avec les termes du congé. Or il s’induit de cette contradiction que la contestation était infondée, le bail relevant du statut des baux commerciaux.

La commune forme alors un pourvoi dont le moyen unique reproche à la cour d’appel d’avoir violé les articles 12 et 73 du code de procédure civile. Au terme de la première branche, la commune soutient que la dénomination du bail dont elle avait usé dans le congé ne pouvait l’empêcher de contester par la suite l’application du statut des baux commerciaux. Cette contestation n’est pas, en soi, une atteinte au principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d’autrui. Les défenses au fond pouvant être invoquées en tout état de cause, les parties peuvent justifier leurs prétentions en recourant à des...

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