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Budget 2021 : une promesse intéressante

Le budget 2021 annonce une hausse importante, + 8 %, soit plus que ce que prévoyait la loi de programmation votée en 2019. Une hausse qui concerne autant la justice judiciaire que l’administration pénitentiaire, la PJJ ou les programmes informatiques. Un budget intéressant, à condition que l’exécution budgétaire soit au niveau.

par Pierre Januelle 12 octobre 2020

Un budget est d’abord une promesse. Le Parlement vote des plafonds de crédits et d’emplois proposés par le gouvernement, qui promet en échange qu’ils seront bien exécutés. Ce fut le cas en 2019 (v. Dalloz actualité, 7 mai 2020, art. P. Januel). Pour 2020, Nicole Belloubet avait renoncé à des crédits, sachant que l’administration pénitentiaire n’arriverait pas à tout consommer. Des interrogations subsistent pour 2020, dont l’exécution sera plombée par la crise sanitaire et pour 2021 : le ministère arrivera-t-il à consommer tous les crédits ?

Justice judiciaire et sucres rapides

Le budget de la justice devrait augmenter de 220 millions d’euros (+ 6,3 %). La hausse des crédits concerne en particulier le fonctionnement (+ 15,7 %). 318 emplois devraient être créés et, hors « cas pensions » et transferts, les dépenses de personnel augmenter de 2 %. Depuis fin juillet et l’arrêté du garde des Sceaux stabilisant les postes offerts aux concours de l’École nationale de la magistrature (250 places), la hausse relative du nombre d’emplois de magistrats était actée (+ 50 postes en 2021). Même problème chez les greffiers dont le taux de vacances stagne depuis plusieurs années à 7 %.

Le ministère a donc préféré se centrer sur l’embauche d’assistants spécialisés et d’assistants de greffe, annonçant 150 créations de plus par rapport à la loi de programmation de 2019. Des « sucres rapides » censés booster la justice et permettre de développer une « nouvelle juridiction chargée de réprimer les délits et incivilités de la vie quotidienne », prononçant des alternatives à l’incarcération. Il est envisagé de doubler le nombre de délégués du procureur.

Le ministère affiche une politique volontariste sur les frais de justice, pour améliorer l’accueil des victimes au sein des unité médico-judiciaire (UMJ) (20 millions d’euros), revaloriser plusieurs tarifs et systématiser les enquêtes sociales rapides. L’élargissement de la plateforme nationale des interventions judiciaires (PNIJ) à la géolocalisation, la création d’une base de données nationale des experts et l’embauche de traducteurs devraient entraîner des économies.

Parmi les grands projets immobiliers lancés : la cour d’appel d’Aix-en-Provence et le pôle pénal de Bobigny. Plusieurs projets accusent des retards importants, notamment Lille et Mont-de-Marsan.

Administration pénitentiaire

Les crédits de paiement de l’administration pénitentiaire seraient en hausse de 9 %, avec 1 092 emplois supplémentaires, dont 390 chez les surveillants, 300 dans les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) et 415 pour les nouveaux établissements.

Les crédits immobiliers sont en forte hausse (+ 41 %). Ils seront consommés à condition de résoudre les problèmes de recherche de terrain qui expliquent une partie des retards déjà pris. Par ailleurs, la très forte augmentation des autorisations d’engagement indique que l’administration souhaite renouveler en gestion déléguée, et non en gestion publique, un certain nombre d’établissements pénitentiaires dont les contrats arrivés à échéances.

Concernant la prise en charge spécifique des détenus terroristes, la direction de l’administration pénitentiaire (DAP) souhaite ouvrir deux nouveaux quartiers d’évaluation de la radicalisation (QER), dont un pour femmes ainsi que quatre quartiers de prise en charge de la radicalisation (QPR) à Condé-sur-Sarthe, Aix-Luynes, Nancy et Bourg-en-Bresse. Les crédits consacrés à la sécurisation des établissements augmentent de 9 %, notamment pour l’achat de brouilleurs. L’équipement des cellules en téléphonie fixe devrait se généraliser en 2021 (62 % des établissements étaient équipés en août 2020).

Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) : des constructions

Le budget de la PJJ augmenterait de 5,7 % à 944 millions d’euros, avec 154 emplois supplémentaires. En 2021, 5 millions seront prévus pour construire de nouveaux centres éducatifs fermés (CEF). Emmanuel Macron avait promis 20 nouveaux CEF dans la mandature. Toutefois, le taux d’occupation des CEF stagne à 68 % en 2020, ce qui fait douter de la pertinence de ce programme.

Une hausse de l’aide juridictionnelle

Les crédits de l’aide juridictionnelle seront en augmentation de 50 millions pour atteindre 534 millions. Le nombre de bénéficiaires, qui a dépassé le million en 2019, devrait continuer à grimper avec l’adoption du revenu fiscal de référence comme critère d’attribution. L’enveloppe devrait aussi financer la hausse des missions due à la réforme de la justice pénale des mineurs et l’amélioration de la rétribution des avocats, comme le préconisait le rapport Perben (v. Dalloz actualité, 26 août 2020, art. P. Januel). Les crédits pour l’aide aux victimes devraient, quant à eux, augmenter de 11 % (violences conjugales et médiation familiale).

Reste un point noir : hormis une légère baisse pour les conflits du travail (les affaires prud’homales sont toutefois traitées en moyenne en quinze mois), la plupart des délais de jugement des affaires se dégradent. Le confinement n’a pas aidé : de janvier à mai 2020, le stock d’affaires civiles s’est accru de 18 000. Par ailleurs, malgré les promesses d’une nouvelle échelle des peines, les taux d’aménagement de peine devraient stagner, tandis que le taux de mise à exécution des peines d’emprisonnement ferme à douze mois restera à 82 %.

Nouveaux projets informatiques

La question numérique est prioritaire au ministère de la justice. L’indicateur de satisfaction des agents vis-à-vis de l’informatique n’était que 22 % en juin 2019 (28 % en juillet 2020). Le plan de transformation numérique du ministère augmentera de 30 millions d’euros pour passer à 207 millions. Un plan d’équipement de plus de 10 000 portables est prévu.

Mais 2021 devrait permettre la mise en service de nouvelles fonctionnalités. Fin 2020, le justiciable pourra, sur Portalis, saisir en ligne la justice sur la protection des majeurs (hors ouverture de mesure) et se constituer partie civile. En 2021, cette possibilité s’élargira aux contentieux prud’homaux. Portalis a deux nouvelles priorités : la communication électronique avec les avocats ainsi que l’intermédiation du paiement des pensions alimentaires.

Le ministère prévoit aussi de soutenir le renouvellement complet des logiciels de gestion de l’aide juridique.

Autre application, TIG 360°, qui devrait permettre mi-2021 la gestion complète des mesures de travail d’intérêt général (TIG) en ligne. En 2021, la prise de rendez-vous parloirs devrait être entièrement numérisée, via le portail famille du numérique en détention (NED). À terme, il y aura aussi un portail agent ainsi qu’un portail détenu (permettant la saisine électronique de l’administration, la gestion de la cantine et des modules sur l’enseignement et la formation).