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CEDH : condamnation de l’Espagne pour violation du droit au respect de la vie privée

Par cet arrêt relatif à des faits de détention et diffusion d’images de mineurs présentant un caractère pornographique, la CEDH condamne l’Espagne pour violation du droit au respect de la vie privée du propriétaire des fichiers.

par Dorothée Goetzle 6 juin 2017

Le 17 décembre 2007, un ressortissant espagnol dépose son ordinateur dans un magasin d’informatique pour y faire remplacer l’enregistreur. Après avoir remplacé la pièce défectueuse, le technicien procède à un test en ouvrant plusieurs fichiers du dossier « mes documents ». L’ordinateur n’étant pas protégé par un mot de passe, il découvrait, en procédant à cette pratique habituelle pour ce type de réparation, plusieurs fichiers contenant des éléments pédopornographiques. Le lendemain, le technicien dénonçait les faits auprès des autorités et remettait l’ordinateur aux agents de police. Après un examen du contenu de l’ordinateur (accès au dossier « mes documents » ainsi qu’au fichier « incoming » du programme Emule), les policiers remettaient l’appareil aux experts informatiques de la police judiciaire puis portaient l’investigation policière à la connaissance du juge d’instruction. Le 20 décembre suivant, alors qu’il se rendait au magasin d’informatique pour récupérer son bien, le propriétaire de l’ordinateur était arrêté. Il était ensuite condamné à une peine de quatre ans d’emprisonnement par l’audiencia provincial de Séville pour détention et diffusion d’images de mineurs présentant un caractère pornographique. L’intéressé usa sans succès des voies de recours du droit espagnol pour contester cette décision. Il considérait en effet comme nuls les éléments de preuve à charge en raison de leur obtention en violation de ses droits fondamentaux. Précisément, il revendiquait une violation de son droit à la vie privée en raison de l’accès au contenu de son ordinateur par la police. À la suite du rejet de son appel, il forma, toujours sans succès, un pourvoi en cassation ainsi qu’un recours d’amparo devant le tribunal constitutionnel. 

Devant la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH), l’intéressé persiste à soutenir que la saisie et l’examen de son ordinateur par la police ont constitué une ingérence dans l’exercice de son droit au respect de sa vie privée et de sa correspondance, garanti par l’article 8 de la Convention européenne. Le paragraphe 1 de ce texte pose en effet le principe selon lequel « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ».

La CEDH constate qu’effectivement, l’accès aux archives de l’ordinateur personnel du requérant et la condamnation qui s’en est suivie constituent une « ingérence des autorités publiques » dans le droit à la vie privée de l’intéressé. Toutefois, une telle immixtion n’enfreint pas systématiquement la Convention. Tel est le cas uniquement si l’ingérence ne satisfait pas les exigences du paragraphe 2 de l’article 8. Selon ce texte, « il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l’ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits...

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