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CEDH : le droit de critique « acerbe » des avocats à l’égard des magistrats

Dans l’affaire du décès du juge Borrel, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) considère que la condamnation pénale de l’avocat des parties civiles, maître Morice, n’a pas été équitable et a méconnu le droit à la liberté d’expression.

par Olivier Bacheletle 13 mai 2015

En 1995, à la suite de la découverte du cadavre du juge français Bernard Borrel, à plusieurs kilomètres de la ville de Djibouti, une information judiciaire fut ouverte pour rechercher les causes de la mort au cours de laquelle le rapport d’autopsie du corps du magistrat conclut à l’absence d’élément suspect. En 1997, contestant la thèse du suicide de son époux, la veuve du juge Borrel se constitua partie civile en déposant plainte du chef d’assassinat et désigna maître Morice pour la représenter dans le cadre de cette instruction préparatoire. Les informations judiciaires furent alors jointes et la juge M., à laquelle était adjoint le juge L.L., fut chargée de diriger les investigations. En juin 2000, les deux magistrats instructeurs furent dessaisis du dossier par la cour d’appel de Paris qui le confia à un autre juge d’instruction.

Le 7 septembre 2000, parut un article de presse relatif à une lettre adressée par les avocats de madame Borrel au ministre de la justice, accompagnée de déclarations de maître Morice. À la lecture de l’article, il apparaissait que les conseils de madame Borrel avaient « vivement » mis en cause la juge M., l’accusant notamment d’avoir « un comportement parfaitement contraire aux principes d’impartialité et de loyauté ». L’article évoquait, par ailleurs, le texte d’un « mot manuscrit et assez familier » adressé par le procureur de Djibouti à la juge M., lequel démontrait, selon les avocats, « l’étendue de la connivence [existant] entre le procureur de Djibouti et les magistrats français ». L’article faisait également référence à l’existence de poursuites disciplinaires contre la juge M., notamment pour la disparition de pièces du dossier dit « de la Scientologie » dans le cadre duquel maître Morice, qui représentait les parties civiles, avait obtenu son dessaisissement.

En octobre 2000, les juges M. et L.L. déposèrent plainte avec constitution de partie civile du chef de diffamation publique envers un fonctionnaire public à l’encontre, notamment, de maître Morice. Ce dernier fut déclaré coupable et condamné, notamment, au paiement d’une amende. Par un arrêt du 10 novembre 2009, la chambre criminelle rejeta le pourvoi de maître Morice, estimant que, « si toute personne a droit à la liberté d’expression et si le public a un intérêt légitime à recevoir des informations relatives aux procédures en matière pénale ainsi qu’au fonctionnement de la justice, l’exercice de ces libertés comporte des devoirs et responsabilités et peut être soumis, comme dans le cas d’espèce où les limites admissibles de la liberté d’expression dans la critique de l’action des magistrats ont été dépassées, à des restrictions ou sanctions prévues par la loi qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la protection de la réputation des droits d’autrui » (V. Crim. 10 nov. 2009, n°...

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