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CJUE et prestations sociales : les citoyens inactifs peuvent être exclus

Les citoyens de l’Union européenne qui se rendent puis résident dans un autre État membre sans y exercer d’activité économique peuvent être exclus de certaines prestations sociales tant qu’ils ne bénéficient pas d’un droit de séjour permanent au sens de la directive n° 2004/38.

par Olivia Tamboule 21 novembre 2014

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a admis, le 11 novembre 2014, que le Jobcenter Leipzig pouvait refuser l’octroi d’une prestation de subsistance, d’une allocation sociale et de participation aux frais d’hébergement et de chauffage à une citoyenne roumaine n’exerçant aucune activité professionnelle en Allemagne un an après son arrivée sur le territoire de cet État, tout en l’autorisant pour ses nationaux se trouvant dans la même situation.

Le champ d’application du principe de non-discrimination était au cœur de cette affaire. Ce principe structurant du marché intérieur est, d’une part, consacré à l’article 18 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) puis précisé à l’article 4 du règlement n° 884/2004 relatif à la coordination des systèmes de sécurité sociale et l’article 24 de la directive n° 2004/38 relatif au droit de séjour des citoyens européens.

La CJUE a d’abord vérifié la nature juridique des prestations suscitées afin de s’assurer qu’elles relevaient du principe de non-discrimination. Elle a considéré que les prestations constituaient bien des « prestations sociales en espèces à caractère non contributif » soumises au principe de non-discrimination en vertu de l’article 4 du règlement n° 884/2004. Elle a précisé que ces prestations étaient aussi « des prestations d’assistance sociale » au sens de l’article 24, § 2, de la directive n° 2004/38. Cette notion plus large fait référence à l’ensemble des régimes d’aides instituées par des personnes publiques afin de permettre à un individu ne disposant pas de ressources suffisantes de faire face à ses besoins élémentaires.

La CJUE a ensuite examiné la situation de la requérante qui ne recherchait pas un emploi et ne disposait d’aucun droit de séjour permanent sur la base du droit de l’Union européenne puisqu’elle ne résidait pas en Allemagne depuis cinq ans. Ces particularités rendaient inapplicable la seule dérogation expresse à l’application du principe de non-discrimination figurant à l’article 24, § 2, de la directive n° 2004/38.

Face à ce vide juridique, la CJUE a dû se livrer à une interprétation de l’esprit de la directive 2004/38. Celle-ci repose sur le principe dit « de graduation » du droit de séjour des citoyens européens en fonction de la durée de leur résidence sur le territoire d’un autre État membre. La solidarité financière de l’État membre d’accueil dépend de l’existence d’un certain degré d’intégration du citoyen européen installé sur son territoire. La directive prévoit une première phase de séjour allant jusqu’à cinq ans de résidence ininterrompue dans l’État d’accueil. Durant cette période, les citoyens européens non économiquement actifs ne doivent pas devenir « une charge déraisonnable pour le système d’assurance sociale ». (dir. n° 2004/38, consid. 10). Autrement dit, le droit de séjour de ces citoyens non actifs est conditionnel à la différence de celui des agents économiques (travailleurs, indépendants, prestataires de services). Ce n’est que lorsque ces citoyens européens économiquement non actifs acquièrent un droit de séjour permanent qu’ils obtiennent un droit de séjour équivalent à celui des agents économiques. Cette différence de traitement entre les agents économiques et les agents non économiques est une réminiscence de la construction historique de la libre circulation des personnes. L’émergence en 1992 de la citoyenneté européenne n’a jamais complètement gommé le caractère privilégié de la mobilité économique.

La codification organisée par la directive n° 2004/38 a repris les conditions antérieures du droit de séjour des citoyens européens résidant au-delà de trois mois dans un autre État membre. L’article 7 précise que s’il n’est pas un agent économique, le citoyen de l’Union européenne devra démontrer qu’il dispose pour lui et sa famille « de ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d’assistance sociale de l’État d’accueil au cours de son séjour et d’une assurance maladie complète dans l’État membre d’accueil ».

La CJUE en déduit que l’objectif de cet article est bien d’« empêcher que les citoyens de l’Union économiquement inactifs utilisent le système de protection sociale de l’État membre d’accueil pour financer leurs moyens d’existence ». Ce raisonnement permet à la CJUE de lier les conditions du droit de séjour au champ d’application du principe de non-discrimination. Lorsqu’un citoyen de l’Union...

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