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Clause de médiation préalable : inapplication aux demandes reconventionnelles

Une instance étant en cours au moment où elle est formée, la recevabilité d’une demande reconventionnelle n’est pas, sauf stipulation contraire, subordonnée à la mise en œuvre d’une procédure contractuelle de médiation préalable à la saisine du juge.

par Mehdi Kebirle 2 juin 2017

C’est une décision importante qu’a rendue la chambre commerciale le 24 mai 2017. Pour la première fois, à notre connaissance, la haute juridiction se prononce sur la question, importante en pratique, de savoir si une clause de règlement amiable est applicable aux demandes reconventionnelles formulées, par définition, en cours d’instance.

L’affaire opposait deux sociétés qui ont conclu un contrat comportant une clause de règlement amiable. Celle-ci stipulait qu’en cas de litige, de différend ou de réclamation découlant du contrat, les parties s’efforceraient de régler le problème à l’amiable, que si elles ne parvenaient pas à un accord dans les soixante jours à compter de la première notification faisant état de ce litige, de ce différend ou de cette réclamation, elles choisiraient ensemble un médiateur qui aurait soixante jours pour trouver un accord entre les parties et qu’à défaut, elles se soumettraient à la juridiction du tribunal compétent, qui serait chargé de le régler.

Après qu’une médiation fut tentée sans succès, l’une des sociétés a agi en paiement de sommes dues en exécution de cette convention et, à titre subsidiaire, en résiliation du contrat. Sa cocontractante a formé une demande reconventionnelle en résiliation judiciaire du contrat.

Une cour d’appel a considéré que cette demande reconventionnelle était irrecevable au motif que la situation de défenderesse de la partie l’ayant formée ne lui interdisait nullement de saisir le médiateur des nouveaux griefs qu’elle opposait. Autrement dit, elle aurait dû mettre en œuvre la clause en respectant la procédure de règlement amiable.

La décision est cassée au visa des articles 122 et 126 du code de procédure civile et de l’article 53 du même code.

La Cour de cassation énonce que l’instance étant en cours au moment où elle est formée, la recevabilité d’une demande reconventionnelle n’est pas, sauf stipulation contraire, subordonnée à la mise en œuvre d’une procédure contractuelle de médiation préalable à la saisine du juge. Le contrat n’instituant pas une fin de non-recevoir en pareil cas, la cour d’appel ne pouvait déclarer ces demandes reconventionnelles irrecevables.

Cette décision s’inscrit dans une série d’arrêts qui ont façonné la nature et le régime procédural des clauses instituant un préalable amiable à la saisine du juge. Le premier temps de cette construction jurisprudentielle fut le rattachement à la catégorie des fins de non-recevoir, dont la définition est donnée à l’article 122 du code de procédure civile, de la méconnaissance d’une clause instituant un préalable obligeant les parties contractantes à mettre en œuvre une tentative de règlement amiable (Cass., ch. mixte, 14 févr. 2003, n° 00-19.423, D. 2003. 1386, et les obs. , note P. Ancel et M. Cottin ; ibid. 2480, obs. T. Clay ; Dr. soc. 2003. 890, obs. M. Keller ; RTD civ. 2003. 294, obs. J. Mestre et B. Fages ; ibid. 349, obs. R. Perrot ). Une prétention soumise au juge prématurément est par conséquent irrecevable et ce quelle que soit la nature de l’instance judiciaire (Civ. 1re, 1er oct. 2014, n° 13-17.920, Dalloz actualité, 17 oct. 2014, obs. X. Delpech ; ibid. 2541, obs. T. Clay ; ibid. 2015. 287, obs. N. Fricero ; ibid. 1339, obs. A. Leborgne ; AJDI 2015. 442 , obs. F. Cohet ; RTD civ. 2015. 131, obs. H. Barbier ; ibid. 187, obs. P. Théry ). Cette qualification est tout à fait pertinente techniquement en ce que ces clauses touchent directement le droit d’agir, entendu comme le droit de soumettre une prétention au juge pour qu’il la dise bien ou mal fondée (C. pr. civ., art. 30). En instaurant un préalable à la saisine du juge, les parties régissent « le temps pour agir » (v. Rép. pr. civ., Action en justice, par N. Cayrol, n° 306). Elles retardent l’existence du droit de soumettre leur prétention en renonçant temporairement au juge.

S’agissant de leur régime juridique, il a été jugé que, lorsque les parties saisissent le juge prématurément, c’est-à-dire sans avoir mis en œuvre le préalable convenu, elles ne peuvent mettre en œuvre la possibilité offerte par l’article 126 du code de procédure civile, de régulariser la fin de non-recevoir en cours d’instance. La solution a été affirmée, après une période de divergences, par un arrêt remarqué rendu en chambre mixte (Cass., ch. mixte, 12 déc. 2014, n° 13-19.684, Dalloz actualité, 6 janv. 2015, obs. M. Kebir , note C. Boillot ; ibid. 287, obs. N. Fricero ; RDI 2015. 177, obs. K. De la Asuncion Planes ; AJCA...

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