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Article
Coemploi exclu dans le cadre de l’exercice d’un mandat social
Coemploi exclu dans le cadre de l’exercice d’un mandat social
Une situation de coemploi entre une société et son président peut résulter d’une confusion d’intérêts, d’activités et de direction à condition toutefois qu’elle soit détachable du mandat social exercé par le président dans cette société.
par Bertrand Inesle 24 juillet 2014
Le coemploi est caractérisé dans deux séries d’hypothèses : soit lorsqu’une personne exerce conjointement à une autre les pouvoirs attachés à l’état de subordination du salarié (Soc. 22 janv. 1992, n° 90-44.697, Bull. civ. V, n° 23 ; D. 1992. 155 ; 12 juill. 2005, n° 03-45.394, Bull. civ. V, n° 244 ; Soc., 12 juill. 2005, D. 2006. 344, et les obs. , note J. Mouly ; ibid. 29, obs. Centre de recherche en droit social de l’IETL, Université Lumière Lyon 2 ; Dr. soc. 2005. 1045, obs. J. Savatier ; RTD civ. 2006. 308, obs. J. Mestre et B. Fages ; JCP S 2005. 1333, note J. K. Adom ; 15 mars 2006, n° 04-45.518, Dalloz jurisprudence) ; soit lorsqu’il existe entre plusieurs personnes une confusion d’intérêts, d’activités et de direction (Soc. 26 juin 1997, n° 94-45.173, Dalloz jurisprudence ; 18 janv. 2011, n° 09-69.199, Bull. civ. V, n° 23 ; Dalloz actualité, 14 févr. 2011, obs. L. Perrin ; Rev. sociétés 2011. 154, note A. Couret ; Dr. soc. 2011. 372, note G. Couturier ; ibid. 2012. 995, étude B. Gauriau ; RDT 2011. 168, étude F. Géa ; ibid. 285, Controverse L. Drai et C. Pares ; Dr. ouvrier 2011. 273, note P. Darves-Bornoz ; Sem. soc. Lamy 2011, n° 1476, p. 6, rapp. P. Bailly ; JCP S 2011. 1065, note P. Morvan ; 18 déc. 2013, n° 12-25.686, Bull. civ. V, n° 312 ; Dalloz actualité, 21 janv. 2014, obs. F. Mélin ; RDT 2011. 634, obs. G. Auzero ; 28 sept. 2011, n° 10-12.278, D. 2012. Pan. 901, obs. P. Lokiec et J. Porta ; JCP S 2011. 1548, obs. H. Guyot). Il est, dans la très grande majorité des cas, question de déceler, au sein de montages contractuels ou de groupe de sociétés, les personnes morales qui détiennent et exercent, concrètement et ensemble, les prérogatives d’un employeur (V. not. P. Bailly, Le coemploi : une situation exceptionnelle, JCP S 2013. 1441, spéc. nos 4 à 6 ; G. Auzero, Les effets avérés et à venir du coemploi, JCP S 2013. 1440, spéc. nos 1 et 2).
Jamais il ne s’est agi de savoir si une situation de coemploi pouvait naître entre une société et son dirigeant à l’égard des salariés de la première.
La chambre sociale décide donc, pour la première fois, qu’une situation de coemploi entre une société et son président peut être caractérisée en cas de confusion d’intérêts, d’activités et de direction, mais à condition qu’elle soit détachable du mandat social que le président exerce dans cette société.
La Cour de cassation admet ainsi que le coemploi n’est pas réservé aux personnes morales et, encore moins, aux seuls groupes de sociétés. Elle avait déjà eu l’occasion de reconnaître que deux coemployeurs pouvaient être des personnes physiques, qui étaient, initialement mais de manière séparée, employeurs d’un même salarié (Soc. 12 déc. 2012, n° 11-24.025, Dr. soc. 2013. 576, obs. S. Tournaux ). Il avait été alors souligné, avec cet arrêt, la vocation particulièrement extensive de la théorie du coemploi (V. P. Bailly, préc., n° 8). La présente décision en est la manifestation éclatante puisque la Cour admet a contrario qu’une personne morale et une personne physique soient coemployeurs et ce, alors même que la seconde est le dirigeant de la première. Une limite est toutefois posée par la Cour. Si la personne du dirigeant peut être coemployeur avec la société qu’elle dirige, elle ne peut l’être eu égard aux seuls agissements et actes accomplis en vertu du mandat social. La qualité de coemployeur doit être « détachable » des fonctions de dirigeant.
La précision apportée se comprend parfaitement. Que l’on retienne une conception organique ou contractuelle des fonctions de président d’une société (pour un rappel de la distinction, V. J.-Cl. Soc., fasc. 133-10 : Administration ; Président du conseil d’administration, par M. Buchberger, n° 9), celui-ci en est soit l’un des organes, et donc une composante à part entière de son fonctionnement, soit le représentant. En toute hypothèse, il agit pour le compte d’une personne morale et non pour le sien propre. La fiction que constituent la société et, plus largement, la personne morale est ici à l’œuvre. Aussi, les actes accomplis dans le cadre de ses prérogatives de direction ne peuvent-ils a priori lui être directement imputés, c’est-à-dire portés à sa charge. Mais le caractère « détachable » du mandat social renvoie immanquablement aux critères auxquels est subordonnée la responsabilité personnelle du dirigeant. Si celui-ci bénéficie en principe d’une immunité en sa qualité de mandataire social, il redevient personnellement responsable vis-à-vis des tiers s’il commet une faute séparable de ses fonctions (Com. 28 avr. 1998, n° 96-10.253, Bull. civ. IV, n° 139 ; D. 1998. 136 ; Rev. sociétés 1998. 767, note B. Saintourens ; RTD civ. 1998. 688, obs. P. Jourdain ; ibid. 1999. 99, obs. J. Mestre ; RTD com. 1998. 623, obs. B. Petit et Y. Reinhard ; D. Affaires 1998. 1008, obs. A. Lienhard ; JCP 1998. II. 10177, note D. Ohl ; ibid. 1999. I. 147,...
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