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Congé pour le 8 mars : l’art non maîtrisé de la « discrimination positive »

Un accord collectif peut prévoir au seul bénéfice des salariées de sexe féminin une demi-journée de repos à l’occasion de la journée internationale pour les droits des femmes, dès lors que cette mesure vise à établir l’égalité des chances entre les hommes et les femmes en remédiant aux inégalités de fait qui affectent les chances des femmes.

par Marie Peyronnetle 18 juillet 2017

L’arrêt du 12 juillet 2017 rendu par la chambre sociale porte sur un sujet rarement traité par la Cour : les mesures positives en faveur de certaines catégories de personnes, en l’espèce les femmes, pouvant être adoptées au sein des entreprises pour lutter contre les inégalités de fait qui les affectent. Les possibilités d’adopter ce type de mesures se sont multipliées au sein du code du travail (art. L. 1133-4 pour les personnes handicapées, art. L. 1133-5 pour les personnes résidant dans certaines zones géographiques, L. 1133-6 pour les personnes vulnérables) mais ne font pas, pour l’heure, l’objet de nombreux litiges, peut-être aussi parce que les partenaires sociaux ne s’en sont pour le moment que peu saisis. Il faut bien admettre que traiter différemment et ouvertement certaines personnes sur la base d’un critère listé comme étant discriminatoire, par l’article L. 1132-1, est une opération de haut vol sur le plan juridique compte tenu de l’absence de recul sur la question en droit français.

En l’espèce, un accord collectif d’entreprise a accordé aux salariées une demi-journée supplémentaire de congé à l’occasion de la journée internationale des droits des femmes. Un salarié masculin exclu du bénéfice de cette mesure l’a contestée sur le fondement du principe de l’égalité de traitement entre les hommes et les femmes prévu à l’article L. 3221-2 du code du travail, estimant notamment – et à juste titre – que rien ne justifie que les hommes soient exclus de ce combat pour l’égalité hommes/femmes. L’arrêt d’appel ayant limité à une certaine somme le montant des dommages-intérêts alloués pour non-respect du principe de l’égalité de traitement, le salarié s’est pourvu en cassation.

La Cour de cassation rejette son pourvoi estimant « qu’en application des articles L. 1142-4, L. 1143-1 et L. 1143-2 du code du travail, interprétés à la lumière de l’article 157, paragraphe 4, du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, un accord collectif peut prévoir au seul bénéfice des salariées de sexe féminin une demi-journée de repos à l’occasion de la journée internationale pour les droits des femmes, dès lors que cette mesure vise à établir l’égalité des chances entre les hommes et les femmes en remédiant aux inégalités de fait qui affectent les chances des femmes ; que c’est dès lors à bon droit que la cour d’appel a statué comme elle l’a fait ; que le moyen n’est pas fondé ».

Nul doute que cet arrêt, critiquable, tant sur la forme que sur le fond, fera l’objet de nombreux commentaires.

Rappelons donc rapidement les règles applicables en matière de mesures positives. En l’espèce, est principalement concerné l’article L. 1142-4 qui permet l’adoption de « mesures temporaires prises au seul bénéfice des femmes visant à établir l’égalité des chances entre les femmes et les hommes, en particulier en remédiant aux inégalités de fait qui affectent les chances des femmes ». Ces mesures peuvent être contenues dans le plan pour l’égalité professionnel entre les femmes et les hommes (3°) qui est un acte unilatéral de l’employeur intervenant en cas d’échec de la négociation collective (art. L. 1143-2). Les juges de la chambre sociale semblent donc considérer que si une mesure positive peut être mise en œuvre dans une décision unilatérale de l’employeur, a fortiori, elle peut l’être dans un accord collectif d’entreprise, quand bien même l’article L. 1142-4 ne vise pas expressément cette hypothèse. C’est là la première interprétation de la loi effectuée par la Cour : un accord collectif d’entreprise peut prévoir des mesures positives. Soit. On notera que la Cour fait preuve d’une extrême précaution en élaborant presque un visa au début du motif alors qu’il s’agit d’un arrêt de rejet (mais peut-être qu’en son for intérieur la Cour envisageait la cassation…).

La deuxième information est de potentiellement vouloir faire bénéficier ces accords d’entreprises introduisant des mesures en faveur des femmes de la présomption de conformité au principe d’égalité de traitement dégagée à l’occasion du revirement de jurisprudence du 27 janvier 2015. Voilà une ligne rouge que la chambre sociale ne franchit – fort heureusement – pas dans son arrêt mais néanmoins dans sa note explicative. Dans les arrêts du 27 janvier 2015...

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