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Constat d’achat : quand l’obligation de loyauté empêche l’huissier de justice de remplir son office

Au nom du procès équitable, le tiers acheteur ne peut être un avocat stagiaire au cabinet conseil de la société qui a requis le constat d’achat.

par Corinne Bléryle 7 février 2017

La première chambre civile a rendu le 25 janvier 2017 un arrêt qui ne va pas passer inaperçu : il contribue à la construction de l’édifice jurisprudentiel du constat d’achat. Cette technique, très utilisée – car très utile – notamment dans le contentieux de la propriété intellectuelle ou de la concurrence déloyale, a en effet été créée par les praticiens et encadrée par la jurisprudence. Quid ?

Me Sylvian Dorol le présente ainsi : « le constat d’achat est étonnant. Il s’agit d’un acte par lequel un huissier de justice constate la vente d’un produit ou l’engagement d’une prestation de service. Pour diverses raisons […], les huissiers de justice n’achètent pas les produits litigieux eux-mêmes, mais ont recours à un tiers pour ce faire » (S. Dorol, Le tiers acheteur dans le constat d’achat, Propr. industr. 2015. Étude 17, n° 2 ; adde V. Vigneau, Les constats d’achat, Procédures 2013. Étude 10 ; S. Dorol, Droit et pratique du constat d’huissier, LexisNexis, 2016, nos 512 s.). Dès lors, les huissiers « se bornent le plus souvent à constater la présence d’une personne devant un commerce dont ils ont vérifié qu’elle n’était en possession d’aucune marchandise, que cette personne entre dans le magasin puis en ressort avec un article qu’elle remet à l’huissier de justice avec le billet de caisse » (V. Vigneau, Les constats d’achat, préc., n° 1).

Si « cette méthode a été sanctionnée par le passé à de multiples reprises », « la pratique est aujourd’hui acceptée et appréciée » (S. Dorol, préc.). Pourtant, voilà encore un arrêt qui sanctionne cette méthode à propos de la personnalité du tiers acheteur. Au nom du procès équitable, le tiers ne peut être un avocat stagiaire au cabinet conseil de la société requérante.

La société G-Star International a estimé être victime d’agissements délictueux de la part de la société H&M, relativement à un modèle de pantalon. Elle a donc fait procéder à des opérations de saisie-contrefaçon et de constat d’achat dans deux magasins de l’enseigne, pour l’établissement duquel l’huissier de justice était assisté par un avocat stagiaire. La société titulaire des droits d’auteur a ensuite assigné la société H&M en contrefaçon et en concurrence déloyale et parasitaire. Puis, la société G-Star Raw, déclarant venir aux droits de la G-Star International, est intervenue à l’instance, pour reprendre les poursuites.

La cour d’appel a déclaré recevable l’action en contrefaçon de la société G-Star Raw mais irrecevable son action en concurrence déloyale et parasitaire. Elle a aussi rejeté la demande, présentée par H&M, d’annulation du procès-verbal de constat d’achat.

La société H&M s’est pourvue en cassation, contestant notamment la qualité pour agir de la G-Star Raw et le rejet de la demande d’annulation. La société G-Star Raw a formé un pourvoi incident reprochant à la cour d’appel d’avoir déclaré irrecevable l’action en concurrence déloyale et parasitaire.

La Cour de...

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