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Cumul de sanctions pénitentiaires disciplinaires et de sanctions pénales pour les mêmes faits

Le principe non bis in idem n’interdit pas le prononcé de sanctions disciplinaires parallèlement aux sanctions infligées par le juge répressif, en l’occurrence, s’agissant d’une personne détenue, d’un placement à l’isolement et d’une perte de crédit de réduction de peine, et d’une condamnation à de l’emprisonnement du chef d’outrage à personne dépositaire de l’autorité publique, pour des faits commis à l’encontre d’un surveillant pénitentiaire.

par Cloé Fonteixle 14 février 2017

Le principe non bis in idem a récemment connu d’importantes évolutions dans la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et du Conseil constitutionnel, qui tendent – surtout la première – à en adopter une large acception. D’où un regain d’intérêt pour cette règle, dont l’application fait régulièrement l’objet, dans des hypothèses de cumul de poursuites et de sanctions variées, de précisions de la part de la chambre criminelle. Était ici en cause un cumul de sanctions disciplinaires pénitentiaires et d’une sanction pénale. En l’espèce, en raison de faits commis à l’encontre de deux surveillants pénitentiaires, un détenu avait été poursuivi du chef d’outrage à personnes dépositaires de l’autorité publique et condamné de ce chef à cinq mois d’emprisonnement, après avoir fait l’objet de sanctions disciplinaires pour deux fautes dont l’une correspondait à des faits d’insultes, menaces ou outrages à l’encontre d’un membre du personnel de l’établissement (C. pr. pén., art. R. 57-7-2, 1°). La commission de discipline avait prononcé une condamnation de quatorze jours d’emprisonnement cellulaire dont quatre jours avec sursis pour ces deux faits.

L’identité de faits, dont on sait qu’elle doit s’apprécier selon un critère matériel et non juridique (CEDH 10 févr. 2009, Zolotoukhine c/ Russie, n° 14939/03, AJDA 2009. 872, chron. J.-F. Flauss ; D. 2009. 2014 , note J. Pradel ; RSC 2009. 675, obs. D. Roets ) n’était pas débattue. Ce n’est pas en opposant l’existence de deux actions distinctes mais en rejetant l’applicabilité du principe non bis in idem que la chambre criminelle conclut à l’acceptation du cumul des sanctions.

Le requérant tentait d’exploiter la jurisprudence de la Cour européenne, qui confère au principe un champ d’application très étendu et autonome par rapport aux qualifications procédurales internes, rejoignant celui de l’« accusation », notion posée à l’article 6 de la Convention. Les poursuites prohibées sont définies en considération des trois critères dégagés dans la fameuse décision Engel (CEDH 8 juin 1976, Engel et autres c/ Pays-Bas, n° 5370/72), qui correspondent à la qualification attribuée en droit interne, à la nature de l’infraction ainsi qu’à la nature et à la sévérité de la sanction. Ces critères recoupent pour partie ceux qui ont été adoptés par le Conseil constitutionnel, amené à se prononcer sur cette question s’agissant des poursuites pour manquement et délit d’initié. Celui-ci n’a pas consacré valeur constitutionnelle au principe non bis in idem, et a affirmé à cette occasion que « le principe de nécessité des délits et des peines ne fait pas obstacle à ce que les mêmes faits commis par une même personne puissent faire l’objet de poursuites différentes aux fins de sanctions de nature administrative ou pénale en application de corps de règles distincts devant leur propre ordre de juridiction » (Cons. const. 18 mars 2015, n° 2014-453/454 QPC et n° 2015-462 QPC, § 19, Dalloz actualité, 20 mars 2015, obs. J. Lasserre Capdeville ; D. 2015. 894, et les obs. , note A.-V. Le Fur et D. Schmidt ; ibid. 874, point de vue O. Décima ; ibid. 1506, obs. C. Mascala ;...

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