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Dégradations en haute mer : compétence de la loi française et responsabilité pénale

La loi française étant applicable aux infractions commises à l’encontre des navires battant pavillon français en quelque lieu qu’ils se trouvent, elle s’applique aux dégradations de la senne qui constitue l’accessoire et le prolongement du navire auquel elle est rattachée. 

par Sébastien Fucinile 2 décembre 2016

Dans le cadre de poursuites pour dégradations commises en haute mer par des Britanniques à bord d’un navire battant pavillon néerlandais sur la senne attachée à un navire battant pavillon français, la chambre criminelle a apporté des précisions sur la compétence de la loi pénale française et sur la responsabilité pénale des personnes poursuivies.

Il s’agissait en l’espèce d’une opération conduite par des militants de Greenpeace contre plusieurs thoniers battant pavillon français et se trouvant en haute mer. Les militants de Greenpeace, à bord de navires battant pavillon néerlandais, ont placé sur les bords d’une senne, qui est un filet de grande taille amarré à un thonier afin de capturer le thon rouge, des sacs de sable afin de libérer les poissons. En raison des dégâts constatés sur la senne, des poursuites ont été engagées pour le délit de dégradation aggravée du bien d’autrui à l’encontre de deux organisateurs de l’opération, de nationalité britannique, qui n’étaient pas présents sur le navire, ainsi qu’à l’encontre de la société de droit néerlandais Stichting Greenpeace Council (Greenpeace International). La chambre criminelle a tout d’abord approuvé les juges du fond d’avoir retenu la compétence territoriale de la loi pénale française, sur le fondement de l’article 113-3 du code pénal. Mais elle a ensuite cassé l’arrêt d’appel pour avoir retenu la qualification de dégradations aggravées à l’encontre des organisateurs de l’opération et de Greenpeace International. Cet arrêt appelle un certain nombre d’observations.

S’agissant tout d’abord de la compétence territoriale de la loi pénale française, la chambre criminelle commence par approuver l’inapplicabilité de la convention de Montego Bay du 10 décembre 1982 sur le droit de la mer. Celle-ci prévoit, en son article 97, qu’« en cas d’abordage ou de tout autre incident de navigation maritime en haute mer qui engage la responsabilité pénale ou disciplinaire du capitaine ou de tout autre membre du personnel du navire, il ne peut être intenté de poursuites pénales ou disciplinaires que devant les autorités judiciaires ou administratives soit de l’État du pavillon, soit de l’État dont l’intéressé a la nationalité ». Cet article exclurait la compétence de la loi pénale française, en faveur de la loi néerlandaise. Cependant, la Cour de cassation souligne que « l’abordage, au sens de cette Convention, s’entend d’une collision accidentelle entre deux navires », les dégradations volontaires n’entrant pas dans cette définition, ce qui n’est pas contestable (v. Rép. pén., Navigation maritime, par A. Montas et J. Decolland, nos 263 s.). La chambre criminelle approuve alors les juges du fond d’avoir retenu la compétence territoriale de la loi pénale française sur le fondement de l’article 113-3 du code pénal. Cet article prévoit que « la loi pénale française est applicable aux infractions commises à bord des navires battant un pavillon français, ou à l’encontre de tels navires ou des personnes se trouvant à bord, en quelque lieu qu’ils se trouvent ». L’infraction n’ayant pas eu lieu à bord du navire, cet article ne saurait s’appliquer que si elle a été commise à l’encontre du navire. Afin d’approuver l’applicabilité de cette disposition, la chambre criminelle affirme que « la senne, qui a fait l’objet de dégradations résultant d’une action volontaire des militants de Greenpeace, constitue l’accessoire et le prolongement du navire auquel elle est rattachée, et est soumise au même statut juridique que celui-ci ». Le raisonnement consiste ainsi à considérer le filet comme un accessoire du navire et, en cette qualité, comme une partie du navire, permettant de...

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