Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Article

Diffamation : négationnisme et reconnaissance de l’exception de vérité

En se fondant sur l’exception de vérité, le tribunal de grande instance de Paris a relaxé une journaliste du Monde et sa directrice de publication des fins de la poursuite du chef de diffamation pour avoir qualifié Robert Faurisson de « menteur professionnel », de « falsificateur » et de « faussaire de l’histoire ».

par Dorothée Goetzle 12 juin 2017

Le 29 décembre 1978, Robert Faurisson publiait, dans le journal Le Monde, une tribune intitulée « le problème des chambres à gaz ou la rumeur d’Auschwitz ». Dans cette tribune, l’auteur défendait sa thèse, à savoir celle d’une incompatibilité entre la « légende entretenue à dessein par les appareils judiciaires polonais et soviétiques », qui présentent les « chambres à gaz comme de véritables abattoirs humains », et les lois élémentaires de la chimie. Le 21 août 2012, le même journal publiait un article d’Ariane Chemin, intitulé « 29 décembre 1978. Le jour où Le Monde a publié la tribune de Faurisson », dans lequel la journaliste qualifiait Robert Faurisson de « menteur professionnel », de « falsificateur » et de « faussaire de l’histoire ». Poursuivie du chef d’injure publique envers particulier, elle était relaxée au motif que les propos incriminés se référaient à des faits précis, exclusifs de la qualification d’injure. Le 24 septembre 2014, à l’occasion d’un ouvrage commémorant les 70 ans du quotidien, Le Monde publiait à nouveau l’article d’Ariane Chemin. Cette seconde publication entraînait le dépôt d’une nouvelle plainte avec constitution de partie civile par Robert Faurisson, cette fois sur le fondement de la diffamation publique envers particulier. La journaliste et la directrice de publication étaient mises en examen. 

Cela explique que, dans le jugement rapporté, la 17e chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris doive déterminer si, en l’espèce, ce délit est constitué.

Pour justifier la condamnation des mises en examen, la partie civile – pour qui « les prétendues chambres à gaz hitlériennes et le prétendu génocide juif forment un seul et même mensonge historique » – soutient avoir les preuves de tout ce qu’il avance. Pour plaider en faveur de la condamnation des prévenues, son conseil se fonde sur l’irrecevabilité de l’offre de preuve. En effet, les mises en examen sollicitent leur relaxe en produisant des pièces et témoignages démontrant la réalité des imputations poursuivies. Sont ainsi cités des témoins, tous historiens, qui dénoncent les mensonges historiques véhiculés par Robert Faurisson, dépeint comme un individu se rattachant au milieu de « l’activisme antisémite qui […] tente de se donner les apparences de la science pour justifier [sa] haine des juifs ». En outre, la journaliste insiste, dans son offre de preuve, sur la base factuelle extrêmement solide dont elle disposait pour écrire son article et souligne avoir rencontré Robert Faurisson avant la publication, ce dernier ayant accepté de lui accorder un entretien. 

En d’autres termes, la journaliste se prévaut de la vérité des faits diffamatoires, vérité qui justifie, selon elle, l’atteinte portée à la réputation de la partie civile. Toutefois, dans le cas où la juridiction refuserait de reconnaître l’excuse absolutoire de vérité, elle estime pouvoir a minima bénéficier du second fait justificatif applicable en matière de diffamation : l’excuse de bonne foi (Crim. 17 mars 2011, n° 10-11.784, Dalloz actualité, 28 mars 2011, obs. S. Lavric ; ibid. 2823, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, S. Mirabail et T. Potaszkin ; ibid. 2012. 765, obs. E. Dreyer  ; 17 juin 2008, n° 07-80.767, Bull. crim. n° 151 ; D. 2008. 1831, et les obs. ;...

Il vous reste 75% à lire.

Vous êtes abonné(e) ou disposez de codes d'accès :