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« Échec et mat » d’une initiative citoyenne européenne sur la dette grecque

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) considère que le Tribunal de l’Union a correctement jugé qu’une initiative citoyenne européenne (ICE) ayant pour objectif d’effacer la dette publique des pays en état de nécessité ne peut être enregistrée.

par Elisabeth Autierle 19 septembre 2017

En se référant à la politique économique et monétaire de l’Union, la proposition d’ICE intitulée « Un million de signatures pour une Europe solidaire » a été soumise à la Commission européenne en 2012. Son objectif était de consacrer en droit de l’Union « le principe de l’état de nécessité, selon lequel, lorsque l’existence financière et politique d’un État est menacée du fait du remboursement d’une dette odieuse, le refus de paiement de cette dette est nécessaire et justifié ».

Alors que la Commission a refusé son enregistrement au motif qu’elle ne relevait manifestement pas de ses attributions, le Tribunal de l’Union a rejeté le recours introduit par le ressortissant grec à l’origine de l’ICE visant à annuler cette décision (Trib. UE, 30 sept. 2015, Anagostakis c. Commission, aff. T-450/12, v. Dalloz actualité, 19 oct. 2015, obs. E. Autier isset(node/175046) ? node/175046 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>175046).

Dans son arrêt rendu le 12 septembre 2017, la CJUE examine, en l’espèce, si le Tribunal de l’Union a valablement jugé que l’adoption d’une telle initiative ne trouve aucun fondement dans les traités.

En outre, la Cour de justice souligne, dans un premier temps, le rôle primordial que jouent les ICE dans la participation des citoyens à la vie démocratique de l’Union (TUE, art. 10 et 11) et rappelle, en ce sens, l’obligation de motivation qui incombe à la Commission. Elle estime, tout comme l’a conclu le Tribunal, que le refus d’enregistrer l’ICE en question a été, en raison du manque de clarté de la proposition, suffisamment motivé par la Commission.

Dans un second temps et en analysant les articles 122 et 136 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) que le requérant reproche au Tribunal d’avoir interprété de manière erronée, la CJUE note que la disposition permettant au Conseil « de décider, dans un esprit de solidarité entre les États membres, d’adopter des mesures appropriées à la situation économique » (TFUE, art. 122, § 1) ne vise pas des mesures ayant pour objectif d’atténuer la gravité des difficultés financières des États membres et confirme, dans le même sens que le Tribunal, qu’elle ne peut en l’espèce servir de base d’adoption d’une mesure permettant à un État de décider unilatéralement de ne pas rembourser sa dette.

La CJUE ajoute que, lorsqu’un État membre « connaît des difficultés ou une menace sérieuse de graves difficultés », la disposition en vertu de laquelle « le Conseil peut accorder une assistance financière de l’Union à l’État membre concerné » (TFUE, art. 122, § 2) ne permet pas non plus d’adopter un mécanisme de non-remboursement d’une dette publique fondé sur la nécessité telle que l’initiative proposée dans la mesure où l’objectif de la disposition vise uniquement une assistance financière accordée par l’Union et non les États membres.

Enfin, au regard de l’article 136 du TFUE selon lequel « le Conseil peut adopter des mesures pour renforcer la coordination et la surveillance de la discipline budgétaire des États membres de la zone euro », la CJUE valide l’interprétation faite par le Tribunal jugeant que « le requérant n’a nullement démontré que l’adoption d’un principe de l’état de nécessité […] aurait pour objet de renforcer la coordination de la discipline budgétaire » (§ 57 de l’arrêt du Tribunal préc.) et précise que l’adoption d’une mesure envisagée par la proposition de l’ICE « aurait en réalité pour effet de substituer un mécanisme législatif d’abandon unilatéral de la dette publique à la libre volonté des parties contractantes, ce que cette disposition ne permettait manifestement pas » (§ 91).