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Élections ordinales au barreau de Paris : un candidat évincé car trop jeune

Le conseil de l’Ordre des avocats de Paris a déclaré irrecevable la candidature d’un binôme d’avocats au motif que l’un d’entre eux avait prêté serment depuis moins de quatre années. Les candidats ont formé un recours gracieux contre ce qu’ils estiment être une discrimination.

par Anne Portmannle 13 octobre 2017

« Nous avions pourtant déposé notre candidature et signé le registre. On nous a assuré qu’il n’y avait pas de difficultés », déplore Arthur Bouchat. Le jeune collaborateur – il a prêté serment le 9 novembre 2016 – a décidé de se présenter aux élections ordinales aux côtés d’Élise Fabing, associée depuis trois ans au sein du même cabinet. « L’idée était de présenter la candidature indépendante d’un tandem associé et collaborateur et de mettre en avant les préoccupations des jeunes avocats qui travaillent au sein d’une structure moyenne. Nous étions soutenus par les autres membres du cabinet », raconte-t-elle.

Une candidature sous réserves

La candidature est acceptée par le membre du conseil de l’Ordre en charge des élections, qui a invité le binôme à signer le registre avant sa clôture, le 25 septembre dernier. Mais voilà, « le 27 septembre, nous avons reçu notification d’une délibération du conseil de l’Ordre constatant l’irrecevabilité de notre candidature, faute pour moi de remplir la condition de quatre ans de prestation de serment », raconte Arthur Bouchat.

Car l’article 9 du décret du 27 novembre 1991 prévoit que, dans les barreaux comprenant plus de seize avocats, seuls peuvent être élus les candidats qui ont prêté serment depuis plus de quatre ans au 1er janvier de l’année au cours de laquelle a lieu l’élection.

Recours gracieux

Le binôme a décidé de former un recours gracieux, devant le conseil de l’Ordre, pour que la recevabilité de leur candidature soit à nouveau examinée. « On a essayé de nous dissuader de faire ce recours, en nous disant que l’on pourrait toujours contester le scrutin après les élections », révèle Élise Fabing.

Mais les deux avocats persistent et signent. « La condition des quatre ans d’ancienneté qui figure dans le décret est manifestement illégale, et l’Ordre le sait très bien. Il aurait dû appliquer le règlement intérieur du barreau de Paris (RIBP), qui n’exige pas cette condition, quitte à ce que le scrutin fasse l’objet d’une contestation ensuite ! », poursuit l’avocate.

Une condition discriminatoire supprimée du RIBP

Les candidats évincés font, en effet, valoir qu’aux termes d’une délibération de 2014, publiée au bulletin du barreau le 23 juillet 2014, le conseil de l’Ordre parisien a justement fait sauter cette condition des quatre ans de prestation de serment qui figurait auparavant dans le RIBP.

Dans leur recours gracieux, les avocats estiment également que cette condition, qui subsiste dans le décret, est contraire à la directive européenne n° 2000/78/CE, transposée en droit français par la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, relative à la lutte contre les discriminations. Ils soutiennent que cette discrimination liée à l’âge n’est pas justifiée par un critère objectif et font valoir qu’une telle restriction n’existe dans aucun autre Ordre professionnel ni dans la profession d’avocat dans d’autres pays européens. Par ailleurs, cette condition d’éligibilité restrictive ne pouvait pas être fixée par un simple décret, mais seulement par une disposition législative.

Le conseil de l’Ordre a un mois pour se prononcer sur le recours introduit le 6 octobre dernier. Le barreau de Paris, interrogé, n’a pas souhaité commenter l’affaire en cours. Hervé Robert, le membre du conseil de l’Ordre en charge du registre, a rappelé que ce dernier était clos et que, quelle que soit la décision prise par le conseil, le binôme candidat ne pourrait pas se présenter au scrutin.

 

Une candidature indépendante
Dans leur projet de profession de foi, inachevé en raison de l’annonce de l’irrecevabilité de leur candidature, les candidats revendiquaient de « représenter la diversité du barreau ». Ils proposaient notamment une revalorisation du tarif de l’Ordre pour la rétrocession d’honoraires aux collaborateurs et portaient un projet de formation et d’aide continues en procédure pour les avocats.