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Emmanuel Macron déroule le tapis rouge aux entrepreneurs

Avec la flexibilisation du marché du travail, le report du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu (IR), le droit à l’erreur pour les entreprises ou la suppression du régime social des indépendants, le président de la République chouchoute les entrepreneurs sans dégrader les recettes publiques. Il en sera autrement pour financer la réforme de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF), la suppression (et l’éventuelle restitution) de la taxe de 3 % sur les dividendes ou l’instauration d’un prélèvement unique sur les revenus du capital.

par Ludovic Arbeletle 6 septembre 2017

« Les attentes des entreprises artisanales, commerciales et libérales sont prises en compte », apprécie l’Union des entreprises de proximité (U2P). « La réforme tant attendue est au rendez-vous », applaudit de son côté la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME). « Des pistes intéressantes », souligne plus sobrement le MEDEF. Les représentants patronaux n’ont pas caché leur plaisir, jeudi 31 août, après la divulgation de la réforme sociale du gouvernement Philippe (v. Dalloz actualité, 4 sept. 2017, art. F. Mehrez isset(node/186309) ? node/186309 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>186309 ; ibid., 4 sept. 2017, art. B. Domergue isset(node/186311) ? node/186311 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>186311 ; ibid., 4 sept. 2017, art. A. Bariet et J.-B. Davoine isset(node/186312) ? node/186312 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>186312). Un phénomène rare et qui se manifeste dans toutes les tailles d’entreprise même si la satisfaction est davantage marquée du côté des TPE et des PME.

Barème pour les licenciements infondés

Précisément, qu’est-ce qui plaît aux représentants patronaux ? « Les projets d’ordonnance prévoient un examen spécifique de la situation des entreprises de moins de 50 salariés lors des négociations de branche, de sorte que les spécificités de ces entreprises ne pourront plus être oubliées, argumente l’U2P. L’instauration d’un plancher tenant compte de la taille de l’entreprise et d’un plafond d’indemnisation des licenciements irréguliers ou sans cause réelle et sérieuse évitera de mettre en péril certaines entreprises de proximité », ajoute cette organisation patronale qui revendique représenter 2,3 millions d’entreprises. De son côté, la CPME relève, entre autres motifs de satisfaction, « une avancée majeure » via « la possibilité, en l’absence de syndicat, de négocier des accords majoritaires avec les représentants du personnel dans les PME jusqu’à 50 salariés ».

L’arbre d’Édouard Philippe qui cache la forêt d’Emmanuel Macron

D’une certaine façon, cette réforme sociale est l’arbre qui cache la forêt. Car le gouvernement semble prêt à sortir plusieurs autres mesures pro-entrepreneurs prévues dans le programme de l’ex-candidat à la présidentielle. Début juillet, dans son discours de politique générale, le premier ministre a annoncé travailler dès cet automne sur l’ouverture de l’allocation chômage aux travailleurs indépendants – ainsi qu’aux démissionnaires. En ligne de mire, un projet de loi et un plan d’action au printemps 2018. D’ici là, une autre évolution, qui concerne les travailleurs non salariés, doit être achevée, celle de la suppression du régime social des indépendants (RSI) par un adossement au régime de la sécurité sociale. Les mesures correspondantes seront incluses dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale et ont été annoncées hier (V. Dalloz actualité, 6 sept. 2017 isset(node/186351) ? node/186351 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>186351).

Droit à l’erreur

D’autres mesures ambitionnent de simplifier la vie des entrepreneurs. Il en est ainsi du droit à l’erreur dont quelques pistes ont été dévoilées la semaine dernière par Gérald Darmanin lors de l’université d’été du MEDEF. Le ministre de l’action et des comptes publics espère notamment que la charge de la preuve soit renversée, c’est-à-dire qu’il revienne à l’administration de prouver d’abord qu’elle a raison en cas d’erreur de l’entreprise (ou du particulier) et qu’une erreur de l’entreprise ne soit pas forcément sanctionnée. Il souhaite aussi que les inspecteurs de l’administration deviennent des « conseilleurs » – un conseilleur fiscal ou un conseilleur du travail. Les chefs d’entreprise présents sur le campus d’HEC ont apprécié ses propos. Derrière cette rhétorique, le ministre aimerait par exemple qu’une entreprise puisse demander à l’URSSAF de lui faire passer gratuitement un examen blanc sur un domaine particulier. Cette administration lui indiquerait alors s’il existe des zones de non-conformité au droit social, sans pour autant qu’elle puisse sanctionner en cas de problème identifié. Parallèlement à sa mission de contrôle, l’administration ferait donc du conseil.

La question récurrente des seuils d’audit

Dans l’objectif de renforcer l’attractivité de Paris en tant que place financière internationale, le premier ministre a déclaré début juillet vouloir « alléger rapidement certaines charges pesant sur les acteurs économiques du fait des surtranspositions [en France du droit de l’Union européenne]. Il s’agira par exemple de la dispense d’établissement d’un rapport de gestion pour les petites entreprises, comme le prévoit la directive européenne », a-t-il illustré. Dans ce contexte se pose à nouveau la question d’un éventuel relèvement des seuils d’audit légal des comptes.

Avant même la divulgation des projets d’ordonnance sur le marché du travail, les entrepreneurs ont reçu de bonnes nouvelles. Ils ont ainsi appris le report à 2019 d’une réforme qui leur déplaît, celle du prélèvement à la source de l’IR. Ils ont aussi obtenu un resserrement du système de caisse sécurisé qui doit entrer en vigueur au 1er janvier prochain. Prévu à l’origine pour tous les assujettis à la TVA, le dispositif doit être finalement limité aux seuls assujettis qui vendent à des particuliers. Au passage, les autoentrepreneurs obtiennent gain de cause. Ils deviennent exclus de cette nouvelle obligation bien qu’ils soient assujettis à cette taxe. Cette population d’entrepreneurs a appris une autre bonne nouvelle. Bruno Le Maire a annoncé qu’il veut doubler en 2018 le plafond de chiffre d’affaires du régime. Un bémol toutefois : cette mesure mécontente une partie des indépendants au régime réel, comme la CPME l’a rapidement rappelé.

Le casse-tête des finances publiques

Si elles plaisent généralement aux entrepreneurs, la plupart de ces mesures ont une autre vertu pour l’exécutif. Elles ne détériorent pas, sauf cas particulier comme celui éventuel de l’assurance chômage qui s’ouvrirait aux indépendants, les finances publiques. Il en est autrement, par définition, des baisses annoncées des prélèvements obligatoires. Parmi elles figure la fiscalité sur le capital que le gouvernement compte alléger de 4 milliards d’euros dès 2018. 3 milliards sont destinés à transformer l’ISF en IFI (impôt sur la fortune immobilière) et 1 milliard au prélèvement unique sur les revenus du capital. Figure aussi le taux normal d’impôt sur les sociétés (IS) qui doit baisser progressivement pour atteindre 25 % en 2022.

Toutefois, des incertitudes planent sur l’effet de cette mesure sur la charge d’IS. Certaines entreprises assujetties à l’IS devraient bénéficier aussi d’une restitution fiscale importante après que plusieurs décisions de justice ont remis en cause la taxe de 3 % sur les dividendes – la Cour des comptes estime que le risque pour les finances publiques s’élève au moins à 5 milliards d’euros s’il fallait restituer les sommes versées. À cela s’ajoutent les pertes futures liées à la suppression annoncée par Bruno Le Maire de cette taxe qui rapporte chaque année 1,8 milliard d’euros. À l’inverse, les travailleurs indépendants vont devoir supporter une hausse de la CSG de 1,7 point au 1er janvier prochain. Ils ne savent pas, pour l’instant, quelle sera la compensation sur laquelle le gouvernement s’est engagé. Édouard Philippe ambitionne une diminution totale des prélèvements obligatoires (pour les particuliers et les entreprises) de 20 milliards d’euros d’ici 2022. Quand on sait que la France est surendettée et qu’elle est structurellement en déficit budgétaire, on voit bien que cet objectif n’est atteignable qu’à la condition de diminuer les dépenses publiques (en valeur absolue). Emmanuel Macron y parviendra-t-il ?