Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Article

Escroquerie : requiem pour le préjudice

La Cour de cassation semble renouer avec sa jurisprudence en vigueur sous l’ancien code pénal en indiquant que le préjudice, élément constitutif du délit d’escroquerie, n’est pas nécessairement pécuniaire et est établi lorsque l’acte opérant obligation n’a pas été librement consenti par la victime mais obtenu par des moyens frauduleux.

par Lucile Priou-Alibertle 16 février 2015

L’affaire avait été ébruitée dans la presse généraliste en son temps : il était reproché à un homme d’affaires canadien d’avoir trompé Robert Louis-Dreyfus, actionnaire principal du club de football de l’Olympique de Marseille, en lui présentant une fausse garantie bancaire d’un montant de 81,50 millions d’euros afin de le déterminer à conclure une convention, datée du 15 janvier 2007, dans laquelle il prenait l’engagement de ne plus entamer de discussion avec un tiers susceptible d’être intéressé par l’acquisition de titres du club. Poursuivi pour escroquerie, il avait été condamné par les juges du fond à une peine de trois mois d’emprisonnement avec sursis et à 40 000 € d’amende. Il avait formé un pourvoi en cassation critiquant la décision tant sur le plan pénal que civil.

Sur le plan pénal, l’auteur du pourvoi critiquait le fait que la cour d’appel n’avait pas recherché si, du fait de l’insertion de la clause d’exclusivité de négociation au sein du contrat, M. Louis-Dreyfus avait effectivement été contraint de refuser d’entrer en négociation avec un autre acquéreur potentiel. Le moyen insistait donc sur l’absence de caractérisation du préjudice. La haute cour rejette ce moyen en indiquant que « le préjudice, élément constitutif du délit d’escroquerie n’est pas nécessairement pécuniaire et est établi lorsque l’acte opérant obligation n’a pas été librement consenti par la victime mais a été obtenu par des moyens frauduleux ».

Rappelons que l’article 313-1 du code pénal définit l’escroquerie comme « le fait, soit par l’usage d’un faux nom ou d’une fausse qualité, soit par l’abus d’une qualité vraie, soit par l’emploi de manœuvres frauduleuses, de tromper une personne physique ou morale et de la déterminer ainsi, à son préjudice ou au préjudice d’un tiers, à remettre des fonds, des valeurs ou un bien quelconque, à fournir un service ou à consentir un acte opérant obligation ou décharge ». On se souvient que sous l’empire de l’ancien code pénal, la jurisprudence indiquait, de façon constante, que « le préjudice, élément constitutif du délit, est établi dès lors que la remise n’a pas été librement consentie, mais extorquée par des moyens frauduleux » (V. not. Crim. 7 mars 1936, DH 1936. 196 ; 30 oct. 1936, DH 1936. 590 ; 15 déc. 1943, D. 1945. Jur. 131, note H. Donnedieu de...

Il vous reste 75% à lire.

Vous êtes abonné(e) ou disposez de codes d'accès :