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Escroquerie : un moyen frauduleux peut désormais provoquer la remise d’un immeuble construit

Le délit d’escroquerie peut porter sur un immeuble, lequel constitue un bien au sens de l’article 313-1 du code pénal.

par Julie Galloisle 20 octobre 2016

En 2001, un individu reconnaît avoir établi un faux testament présentant sa mère comme l’unique ayant droit de son oncle défunt. Celle-ci avait ainsi pu hériter de ce dernier, notamment d’une villa, dont elle fit, par la suite, donation de la nue-propriété à son fils. Ce dernier est renvoyé devant le tribunal correctionnel du chef de recel d’escroquerie, outre celui d’abus de biens sociaux pour des faits relatifs à la société commerciale qu’il a créée quelques années plus tard avec son épouse. Il n’est, en revanche, pas poursuivi pour escroquerie, le délit commis en 2001 et découvert seulement en 2008 étant prescrit. Les premiers juges le déclarent coupable des deux délits et le condamnent à deux ans d’emprisonnement dont un an avec sursis, 50 000 € d’amende et cinq ans d’interdiction de gérer. Sur appel interjeté par le prévenu et le ministère public, la cour d’appel de Bastia a, par arrêt du 24 juin 2015, confirmé le jugement entrepris.

Dans un pourvoi en cassation formé par le prévenu, ce dernier soutient notamment qu’il ne peut être condamné pour recel d’escroquerie, ici commis par « profit », dans la mesure où le délit duquel le recel procède ne peut porter sur un immeuble. Cet argument ne convainc toutefois pas la chambre criminelle qui approuve le raisonnement des juges bastiais, jugeant que « l’escroquerie peut porter sur un immeuble, lequel constitue un bien au sens de l’article 313-1 du code pénal ».

À n’en pas douter, cette solution surprend lorsque l’on sait que la jurisprudence a pu, par le passé, clairement exclure les immeubles du champ pénal de l’escroquerie, considérant que « la remise d’immeubles construits […] n’entrait pas dans les prévisions [du délit] » (Crim. 15 juin 1992, n° 91-86.053, Bull. crim. n° 235 ; RDI 1993. 145, obs. G. Roujou de Boubée ; RSC 1993. 782, obs. P. Bouzat ; RTD com. 1993. 587, obs. P. Bouzat ; 27 mars 1995, n° 94-83.625, Bull. crim. n° 124). Seul était en effet admis par les juges le moyen frauduleux ayant provoqué la victime à remettre un titre de propriété (Crim. 12 nov. 1864, Bull. crim. n° 257 ; DP 1865. 5. 158) ou l’acte de transfert de la propriété de l’immeuble (Crim. 23 janv. 1997, n° 96-80.729, Bull. crim. n° 34 ; D. 1999. 157 , obs. S. Mirabail ; RDI 1998. 310, obs. G. Roujou de Boubée ; RSC 1998. 553, obs. R. Ottenhof  ; Dr. pénal 1997. Comm. 93, obs. M. Véron). Dès lors, comment expliquer un tel revirement ? Il semblerait que la réponse à cette question résulte tout simplement des termes mêmes de l’actuel texte d’incrimination. L’article 313-1 du code pénal, tel que nous le connaissons aujourd’hui, dispose en effet que « des fonds, des valeurs ou un bien quelconque » peuvent être l’objet d’une escroquerie. Aussi, en tant que bien, l’immeuble entre nécessairement dans les prévisions de cet article. Cette explication a le mérite de conserver sa cohérence lorsque l’on sait que les précédents prétoriens ont tous été rendus sous l’empire de l’ancien texte réprimant le délit d’escroquerie. Or, à l’époque, ce texte, codifié à l’article 405 de l’ancien code pénal, incriminait exclusivement la remise ou la délivrance « des fonds, des meubles ou des obligations, dispositions, billets, promesses, quittances ou décharges ». Il était donc logique que les immeubles soient exclus, conformément au principe de légalité des délits et des peines, du champ d’application de l’escroquerie.

Pourtant, la doctrine admettait que ces décisions avaient toujours cours sous l’empire du nouveau code pénal, et ce pour des raisons matérielles. Selon un raisonnement acquis, il était en effet impossible, pour la victime, de remettre physiquement à l’escroc un immeuble construit. De ce raisonnement...

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