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Étendue de l’obligation du diagnostiqueur d’amiante

Le diagnostiqueur d’amiante ne peut se contenter de simples constats visuels mais doit mettre en œuvre les moyens nécessaires à la bonne exécution de sa mission, lesquels comprennent notamment la réalisation de sondages non destructifs.

par Delphine Peletle 20 septembre 2017

Cet arrêt important s’inscrit dans un courant jurisprudentiel évolutif sur l’étendue de l’obligation du diagnostiqueur d’amiante. Depuis l’ordonnance n° 2005-655 du 8 juin 2005 et conformément à l’article L. 271-4 du code de la construction et de l’habitation, l’état de repérage d’amiante est l’une des composantes du dossier de diagnostic technique, obligatoirement annexé à la promesse ou à l’acte de vente, pour garantir à l’acquéreur une information claire sur la consistance du bien acheté.

En l’espèce, un couple d’acquéreurs se plaint de la présence d’amiante sur les cloisons et doublages des murs de leur maison, laquelle n’a pas été consignée dans le diagnostic annexé à leur acte de vente. Ils recherchent en conséquence la responsabilité délictuelle du diagnostiqueur, mais sont d’abord déboutés au fond.

La cour d’appel d’Amiens relève en effet que les plaques de revêtement muraux amiantées n’étaient ni visibles ni accessibles en raison de la présence du papier peint. Du reste, le diagnostiqueur avait bien pour mission de ne repérer l’amiante que sur les parties rendues visibles et accessibles, dès lors que la méthode dite « par sondages sonores » n’était pas prévue par la norme NFX 46-020 et que la méthode des grattages ponctuels au niveau des extrémités de papiers peints n’était imposée ni par les dispositions réglementaires en vigueur, ni par les dispositions contractuelles convenues avec le propriétaire. Dans ces conditions, la responsabilité du diagnostiqueur ne pouvait être retenue.

La Cour de cassation casse la décision en considérant que le diagnostiqueur ne pouvait pas limiter son intervention à un simple contrôle visuel mais devait au contraire mettre en œuvre « les moyens nécessaires à la bonne exécution de sa mission », lesquels comprennent notamment la réalisation de sondages sonores non destructifs. Au surplus, il est reproché au diagnostiqueur de n’avoir émis aucune réserve relative aux zones non analysées.

En principe, la responsabilité du diagnostiqueur est susceptible d’être engagée lorsque les constats n’ont pas été réalisés dans le respect des règles de l’art et qu’ils se révèlent par la suite erronés. Il est donc nécessaire de démontrer la faute de l’opérateur et, sur ce point, la jurisprudence n’a pas manqué de faire évoluer l’étendue de l’obligation du diagnostiqueur. En effet, jusqu’en 2014, la Cour de cassation admettait que le repérage puisse se limiter à un simple constat visuel des matériaux accessibles, conformément aux prescriptions réglementaires (Civ. 3e, 6 juill. 2011, n° 10-18.882, Dalloz actualité, 16 sept. 2011, obs. S. Prigent ; 18 oct. 2011, n° 10-24.950, AJDI 2011. 892 ), ou à la commande du propriétaire (Civ. 3e, 27 sept. 2006, n°05-15924). Puis, dans un arrêt du 21 mai 2014, la Cour de cassation a opéré un revirement en estimant finalement que « le contrôle auquel devait procéder le diagnostiqueur n’était pas purement visuel, mais qu’il lui appartenait d’effectuer les vérifications n’impliquant pas de travaux destructifs » (Civ. 3e, 21 mai 2014, n° 13-14.891, Dalloz actualité, 4 juin 2014, obs. N. Le Rudulier isset(node/166840) ? node/166840 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>166840).

Le diagnostiqueur n’est pas tenu à une obligation de résultat, au sens où la présence d’amiante non repérée lors des constats ne suffit pas en tant que telle à engager sa responsabilité, mais il est débiteur d’une obligation de moyens qui lui impose de déployer les efforts nécessaires à la détection du matériau. À ce titre, l’arrêt vient préciser la méthode à suivre ; il entérine le caractère insuffisant des constats simplement visuels et affirme que le diagnostiqueur doit se livrer à de véritables sondages sur le bien, sans que ces derniers soient « destructifs » pour autant.

À travers cet arrêt, la Cour de cassation confirme ainsi la position qui était la sienne en 2014, en consacrant l’obligation pour le diagnostiqueur de se livrer à des sondages, même si la norme ou le contrat limite sa prestation aux seuls constats visuels des parties accessibles. Ainsi, l’état de la réglementation n’est définitivement plus une cause d’exonération, le diagnostiqueur étant tenu d’aller au-delà des préconisations en vigueur. Une actualisation de la norme applicable aux méthodes de repérage de l’amiante serait dès lors souhaitable, dans un souci de visibilité pour les praticiens et leurs assureurs.

La Cour de cassation confirme en outre qu’à défaut de pouvoir réaliser un repérage complet des matériaux, le diagnostiqueur est tenu, conformément à l’obligation d’information et de conseil qui pèse sur lui, d’attirer l’attention du propriétaire sur la nature partielle de l’examen, au moyen de réserves formelles.

Cet arrêt apporte en définitive un éclairage utile sur l’étendue de l’obligation qui pèse sur le diagnostiqueur, dans un sens favorable aux intérêts de l’acquéreur, qui aura tout intérêt à se retourner contre lui plutôt que contre le vendeur, ce dernier étant susceptible de se prévaloir de la clause d’exonération des vices cachés.