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Licenciement autorisé par le juge-commissaire et l’administration : revirement

Lorsqu’un licenciement a été autorisé par une ordonnance du juge-commissaire, le caractère économique du licenciement et la régularité de celle-ci ne peuvent être discutés devant l’administration, seul le juge judiciaire étant compétent pour ce faire.

par Bertrand Inesle 22 avril 2016

1. Selon une jurisprudence classique, le juge judiciaire, ne peut, en l’état de l’autorisation administrative accordée à l’employeur de licencier un salarié protégé, en raison de l’exercice d’un mandat représentatif ou syndical, et sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier le caractère réel et sérieux des motifs retenus pour justifier ce licenciement (V. Soc. 25 avr. 1990, n° 87-44.069, Bull. civ. V, n° 189 ; 30 avr. 1997, n° 94-42.155, Bull. civ. V, n° 149 ; 7 juin 2005, n° 02-47.374, Bull. civ. V, n° 190 ; JCP S 2005. 1158, note P. Morvan ; 10 nov. 2009, n° 08-42.660, Bull. civ. V, n° 249 ; Dalloz actualité, 25 nov. 2009, obs. L. Perrin ; 22 janv. 2014, n° 12-22.546, Bull. civ. V, n° 32 ; Dalloz actualité, 17 avr. 2014, obs. B. Ines ).

Quelques îlots de compétence reviennent néanmoins, de manière résiduelle, au juge judiciaire. C’est ainsi que le juge prud’homal peut apprécier la gravité de la faute pour déterminer le droit aux indemnités de rupture (V. Soc. 25 avr. 1990, préc. ; 20 juin 2012, n° 10-28.516, Bull. civ. V, n° 194 ; Dalloz actualité, 9 juill. 2012, obs. J. Siro ; D. 2012. Actu. 1746 ; JCP S 2012. 1386, obs. D. Boulmier) et, en cas de licenciement pour motif économique, la mise en œuvre des critères retenus pour fixer l’ordre des licenciements (V. Soc. 11 déc. 2001, n° 99-44.994, Bull. civ. V, n° 380; D. 2002. Actu. 255 ; 27 oct. 2004, n° 02-46.935, Bull. civ. V, n° 270; D. 2004. Actu. 3113 ). Mais ces hypothèses ne remettent pas en cause frontalement le principe puisque, justement, la règle de droit que le juge judiciaire est autorisé à trancher ne conduit pas ce dernier à apprécier le caractère réel et sérieux du licenciement. La première véritable exception est née de la possibilité pour le juge judiciaire de connaître de la réparation du préjudice subi par le salarié en raison de la faute, commise par l’employeur, qui est à l’origine de l’inaptitude du salarié (V. CE 20 nov. 2013, req. n° 340591, Lebon 865 ; Dalloz actualité, 4 déc. 2013, obs. B. Ines ; D. 2014. 2374, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Dr. soc. 2014. 24, obs. C. Radé ; ibid. 25, concl. G. Dumortier ; ibid. 129, étude J. Mouly DS/CHRON/2014/0011 ; RJS 2014. 71, note Y. Struillou ; Soc. 27 nov. 2013, n° 12-20.301, Bull. civ. V, n° 286 ; Dalloz actualité, 12 déc. 2013, obs. B. Ines ; D. 2013. 2857 ; ibid. 2014. 2374, obs. P. Lokiec et J. Porta ; Dr. soc. 2014. 24, obs. C. Radé ; ibid. 29, rapp. N. Sabotier ; ibid. 129, étude J. Mouly ; RJS 2014. 71, note Y. Struillou). En permettant au juge judiciaire de réparer le préjudice découlant de la perte par le salarié de son emploi, la Cour de cassation l’a, quelque part, autorisé à contrôler le bien-fondé de la rupture du contrat de travail (V., B. Ines, préc. ; J. Mouly, préc.).

Par un arrêt du 23 mars 2016, destiné à la plus large publicité, la chambre sociale consacre, plus directement encore, une notable exception au principe de la séparation des pouvoirs et à la compétence exclusive de l’administration et du juge administratif pour connaître de la cause réelle et sérieuse du licenciement d’un salarié protégé.

La Cour de cassation décide que, si, en l’état d’une autorisation administrative de licencier un salarié protégé accordée à l’employeur par l’inspecteur du travail, le juge judiciaire ne peut, sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, se prononcer sur le caractère réel et sérieux de la cause de licenciement, il résulte de l’article L. 631-17 du code de commerce que, lorsqu’un licenciement a été autorisé par une ordonnance du juge-commissaire, le caractère économique du licenciement et la régularité de l’ordonnance du juge-commissaire ne peuvent être discutés devant l’administration, laissant ainsi le juge judiciaire compétent pour ce faire.

Le juge judiciaire peut ainsi, nonobstant l’autorisation administrative de licencier un salarié protégé accordée à l’employeur, directement connaître du...

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