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Ordonnances : les règles de mise en place du comité social et économique sont clarifiées

Contrairement à ce qu’affirmait la ministre du travail vendredi dernier, le gouvernement a apporté de nombreuses modifications de fond à l’ordonnance n° 2 relative au dialogue social. Voici l’essentiel de ce qui change pour le droit de la représentation du personnel.

par Julien François (actuEL-CE)le 27 septembre 2017

Dans cet article, nous vous présentons, au regard du projet présenté par le gouvernement le 31 août dernier, les nouveautés introduites au sein de l’ordonnance n° 2 relative à « la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales ».

Les dispositions de cette ordonnance s’appliqueront à la date d’entrée en vigueur des décrets pris pour leur application, et au plus tard le 1er janvier 2018.
Important : le nouvel article 8 de l’ordonnance étend aux instances représentatives actuellement en place les négociations prévues pour le futur comité social et économique (CSE) aux articles L. 2312-19 (définition du contenu, périodicité, modalités des consultations récurrentes, contenu des informations nécessaires), L. 2312-21 (contenu, architecture, fonctionnement de la BDES) et L. 2312-55 (contenu et modalités des consultations ponctuelles).

Institution du CSE

- Date de mise en place du CSE (art. 9 de l’ordonnance) : le principe reste celui de la mise en place du CSE (fusion des CE, délégués du personnel et CHSCT) au renouvellement de l’une des IRP existantes, et au plus tard le 31 décembre 2019.

Plusieurs cas particuliers sont en outre détaillés :

  • lorsque le protocole préélectoral a été conclu avant la publication de l’ordonnance : les élections d’IRP distinctes (ou DUP) ont lieu normalement et le CSE sera mis en place à l’échéance des mandats (et au plus tard le 31 déc. 2019) ;
  • si les mandats arrivent à échéance entre le 23 septembre et le 31 décembre 2017 : les mandats sont prorogés jusqu’au 31 décembre 2017 (leur durée peut aussi être prorogée au maximum d’un an par accord ou décision de l’employeur après consultation des élus) ;
  • si les mandats arrivent à échéance entre le 1er janvier et le 31 décembre 2018 : la durée des mandats en cours peut être prorogée ou réduite au maximum d’un an (et au plus tôt, à notre sens, le 1er janv. 2018) ;
  • si les mandats arrivent à échéance après le 31 décembre 2018 : le CSE est mis en place normalement (et au plus tard le 31 déc. 2019).

Notamment pour la mise en place du CSE central et des CSE d’établissement, un accord ou une décision de l’employeur peut proroger ou réduire les mandats en cours. Le cas de la modification juridique d’une entreprise (en cas de cession, fusion, etc.) pour une entreprise qui n’a pas mis en place de CSE est également développé.

- Dévolution des biens du comité d’entreprise vers le CSE (article 9 de l’ordonnance) : il est prévu le transfert de plein droit et à titre gratuit de l’ensemble des biens, droits et obligations, créances et dettes des IRP existantes vers le nouveau CSE. Avant le 31 décembre 2019, une convention devra être conclue entre les CSE et les membres des anciennes IRP pour mettre en musique ce transfert de patrimoine.

Rôle économique du CSE

- Effets de la variation de l’effectif sur les prérogatives du CSE : la rédaction initiale du projet d’ordonnance est clarifiée (C. trav., art. L. 2312-2 nouv.). Lorsque, postérieurement à la mise en place du CSE, l’effectif de l’entreprise ou de l’établissement dépasse cinquante salariés pendant douze mois consécutifs, l’instance unique acquiert en cours de mandat la plénitude de ses attributions (et non pas seulement les attributions dévolues jusqu’ici aux délégués du personnel).

À noter : l’employeur dispose d’un délai d’un an pour se conformer à ses nouvelles obligations. S’il reste moins d’un an avant la fin des mandats, le délai accordé à l’employeur ne court alors qu’à compter du prochain renouvellement des mandats.
Dans le cas d’une mise en place initiale du CSE alors que l’entreprise emploie au moins 50 salariés, l’employeur dispose également d’un délai d’un an pour se conformer à ses nouvelles obligations d’information/consultation des représentants du personnel.

- Base de données économiques et sociales (BDES) : afin de tenir compte de la possibilité nouvelle de transmettre, en vue des consultations ponctuelles, les informations aux élus via la BDES, l’obligation pour l’employeur d’envoyer les rapports et informations relatives à ces consultations ponctuelles est supprimée (C. trav., art. L. 2312-18 nouv.).

- Consultation annuelle sur la politique sociale de l’entreprise : les items relatifs à la formation professionnelle (qualifications, apprentissage, accueil des stagiaires, etc.), absents du projet d’ordonnance, sont réintégrés au sein de la consultation annuelle sur la politique sociale de l’entreprise (pouvant faire l’objet d’un avis unique ou d’avis séparés (C. trav., art. L.2312-26 nouv.).

- Compétence du CSE à l’égard de la rupture conventionnelle collective : la nouvelle rédaction de l’article L. 2312-39 nouveau du code du travail, relatif à la compétence du CSE sur la restructuration et compression des effectifs, exclut toute consultation de l’instance si un accord GPEC portant rupture conventionnelle collective est conclu. Il s’agit d’une mesure de cohérence : le nouveau dispositif relatif à la rupture conventionnelle collective (qui est le nouveau cadre du plan de départs volontaires) prévoit l’obligation d’informer les membres du CSE.

Fonctionnement du CSE

- Budget du comité d’entreprise : les ordonnances définitives apportent une précision relative à l’assiette du budget de fonctionnement et des activités sociales et culturelles du comité d’entreprise. L’assiette reste la masse salariale issue de l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale. Seront exclues de cette assiette les sommes versées à l’occasion de la rupture du contrat de travail à durée indéterminée.

Seront cependant ajoutées à cette assiette, les sommes effectivement distribuées aux salariés lors de l’année de référence en application d’un accord d’intéressement ou de participation. L’emploi du terme « distribuées » pose question, faut-il inclure toutes les sommes distribuées en application de ces accords, qu’elles soient placées ou non ? Ou, au contraire ne tenir compte que des sommes non placées par les salariés ? Difficile de se prononcer pour le moment.

Un décret en Conseil d’État viendra fixer les conditions et les limites dans lesquelles le CSE pourra décider de transférer tout ou partie du reliquat de son budget des ASC au profit d’associations (l’art. L. 2323-87 c. trav., prévoit actuellement que le comité d’entreprise peut allouer jusqu’à 1 % du reliquat de son budget « à une association humanitaire reconnue d’utilité publique afin de favoriser les actions locales ou régionales de lutte contre l’exclusion ou des actions de réinsertion sociale »).
À noter que l’ordonnance maintient la faculté d’affecter le reliquat du budget de fonctionnement au financement des activités sociales et culturelles (et inversement).

- Personnalité civile du CSE : dans les entreprises d’au moins cinqnante salariés, il est désormais prévu que tous les CSE d’établissement disposent de la personnalité civile. Cette mesure semble également bénéficier aux CSE d’établissements de moins de cinquante salariés où les représentants du personnel n’exercent que les attributions jusqu’ici dévolues aux délégués du personnel, ce qui donnerait à ces « petits » CSE d’établissement le droit d’agir en justice (C. trav., art. L. 2315-25 nouv.).

- Heures de délégation : outre les membres titulaires au CSE, l’ordonnance accorde des heures de délégation (C. trav., art. L. 2315-7) :

  • aux représentants syndicaux au comité social et économique dans les entreprises d’au moins cinq cent un salariés ;
  • aux représentants syndicaux au comité social et économique central d’entreprise dans les entreprises d’au moins cinq cent un salariés dont aucun des établissements distincts n’atteint ce seuil.

Pour ces RS au CSE ou CSE central, le nombre d’heures de délégation sera fixé par décret en fonction des effectifs de l’entreprise ou de l’établissement et du nombre de membres de la délégation. Il ne pourra pas être inférieur à dix heures par mois dans les entreprises de moins de cinquante salariés et à seize heures dans les autres entreprises (comme pour les membres titulaires au CSE).

- Réunions du CSE : l’ordonnance clarifie ce qui peut être négocié ou non s’agissant du fonctionnement du CSE. Ainsi, si l’accord prévu au nouvel article L. 2312-19 du code du travail reste libre de déterminer notamment la périodicité des réunions de l’instance unique, l’article L. 2315-27 rend d’ordre public l’obligation d’aborder à l’occasion d’au moins quatre réunions par an des points relevant des attributions du comité en matière de santé, sécurité et conditions de travail.

Les membres de la délégation du personnel au CSE sont reçus collectivement par l’employeur, ou par son représentant, ajoute le texte. De même, il est réintroduit la possibilité pour un représentant de l’employeur de présider l’instance.

- Représentants de proximité : la nouvelle rédaction de l’article L. 2313-7 du code du travail semble inviter les partenaires sociaux à accorder aux représentants de proximité des attributions en matière de santé, de sécurité et des conditions de travail.

- Suppression du CSE : le CSE est supprimé lorsque l’effectif est resté en dessous de onze pendant douze mois consécutifs. Toute référence à une appréciation de l’effectif au regard des trente-six derniers mois est supprimée (C. trav., art. L. 2313-10 nouv.).

Commission SSCT

Mise en place de la commission santé, sécurité et conditions de travail (SSCT) : la nouvelle version de l’article L. 2315-41 du code du travail revoit le champ de la négociation relative à la création de la commission SSCT. En l’absence de délégué syndical, cet accord est conclu entre l’employeur et le CSE après adoption à la majorité des membres titulaires.

Missions de la commission SSCT : le projet d’ordonnance prévoyait que la commission SSCT « pouvait se voir confier », par délégation du CSE, tout ou partie des attributions relatives à la santé, à la sécurité et aux conditions de travail. Ce qui sous-entendait que la commission pouvait rester une coquille vide en l’absence de délégation de compétences décidée par les élus. Cette formulation est abandonnée par l’ordonnance qui assure à la commission un rôle effectif : « La commission SSCT se voit confier, par délégation du CSE, tout ou partie des attributions du comité relatives à la santé, à la sécurité et aux conditions de travail », dispose le nouvel article L. 2315-37 du code du travail.

Autre précision ajoutée par l’article L. 2315-37 du code du travail : la commission SSCT ne peut pas décider seule de recourir à une expertise ou rendre un avis. Ces prérogatives ne pourront s’exercer qu’avec l’ensemble des élus au CSE.

Conseil d’entreprise

Décision d’instituer un conseil d’entreprise : il était expressément prévu par les projets d’ordonnances que le Conseil d’entreprise pouvait être constitué par un accord de branche étendu. La nouvelle version précise que ceci ne concerne que les entreprises dépourvues de délégué syndical. À notre sens, ce changement permet à l’entreprise de ne pas se voir imposer obligatoirement un Conseil d’entreprise par sa branche lorsqu’elle dispose d’un délégué syndical.