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Parquet national antiterroriste : les magistrats dans la course

Qui sera à la tête du futur parquet national antiterroriste, annoncé à la fin décembre par la ministre de la Justice Nicole Belloubet ? Trois noms émergent pour le moment pour prendre la direction de ce qui devrait devenir un ministère public phare dans l’accusation française.

par Gabriel Thierryle 20 février 2018

Les contours du futur parquet national antiterroriste sont encore brumeux. Simple autonomisation de la section C1 du parquet de Paris ou création d’un ministère public dédié ayant des prérogatives plus larges, comme la coordination des juridictions inter-régionales spécialisées ? Les compétences de cette future « force de frappe judiciaire », selon les mots de la ministre de la Justice Nicole Belloubet, qui aura pour objectif de conduire une politique pénale autonome et homogène, sont pour le moment à géométrie variable.

Le Syndicat de la magistrature a listé dans un communiqué l’étendue du champ de réflexion : outre le terrorisme, on s’interroge sur l’adjonction au futur parquet des atteintes aux intérêts fondamentaux de la nation, des crimes contre l’humanité, des crimes et délits de guerre, des infractions commises par ou sur des militaires à l’étranger, de la criminalité organisée, et de la cybercriminalité. Car la restriction de ce parquet au seul terrorisme risquerait d’être improductif. L’Union syndicale des magistrats remarque ainsi que la création d’un simple ministère public distinct serait une « aberration » ne facilitant « pas les interconnexions avec le suivi d’autres affaires ». Malgré l’opposition de ces deux organisations syndicales, l’exécutif semble déterminé à faire aboutir son projet. Une chose est certaine : le magistrat du ministère public à la tête de la structure aura une place à part dans le paysage français de la justice. D’ores et déjà, plusieurs prétendants, déclarés ou non, ont fuité dans la presse.

François Molins

Le procureur de Paris est devenu depuis les attentats de Charlie-Hebdo et de novembre 2015 la figure judiciaire de l’antiterrorisme en France. Sa connaissance du domaine de celui qu’on a surnommé « la voix des attentats » en fait le candidat naturel. Le calendrier plaide également en sa faveur. Il doit quitter son poste au mois de novembre prochain, ce qui pourrait correspondre à l’aboutissement de la réforme de Nicole Belloubet. Mais François Molins traîne un boulet, une interview au quotidien Le Monde, en septembre 2016. « Le dispositif actuel est un gage d’efficacité et de cohérence, louait-il alors. Le fait que la section antiterroriste soit aujourd’hui au sein du parquet de Paris, sous la direction d’un procureur unique, offre une souplesse en période de crise qu’aucun autre système ne permettrait ». Interrogé, son entourage dément tout virage à 180° sur ce sujet. Opposé hier à un parquet réduit à l’antiterrorisme, le magistrat soutient aujourd’hui une réforme « globale, ambitieuse », portant à la fois sur « le terrorisme et les contentieux limitrophes », comme rappelé le 23 janvier dernier lors d’une interview à RTL. Une ligne tout à fait en phase avec le projet de la garde des Sceaux.

Jean-Paul Garraud

C’est pour le moment le seul « candidat » officiellement déclaré. Jean-Paul Garraud, avocat général près la cour d’appel de Poitiers depuis 2012, se verrait bien à la tête du futur parquet national antiterroriste. Et pour cause ! Dans une tribune au Journal du dimanche en novembre 2015, il appelait déjà pour la création d’une telle structure. Une cause qu’il plaidera à l’Élysée. Jean-Paul Garraud milite pour une nouvelle organisation dotée de moyens matériels, légaux et humains renforcés. « À l’époque, le président de la République n’avait pas donné suite, le procureur de Paris était hostile, tout comme le garde des Sceaux », explique-t-il à Dalloz actualité.

Un lobbying au plus haut sommet de l’État pas surprenant pour ce magistrat rompu à la politique. Secrétaire national à la justice de l’UMP, ancien député de cette même formation politique, il est également président de la sulfureuse association professionnelle des magistrats, ressortie de ses limbes en 2012. « Je ne suis pas certain qu’il y aura de nombreux candidats car le poste nécessite comme titulaire un magistrat d’expérience, classé à la hors hiérarchie et qui assume tous les risques inhérents à une telle fonction », glisse celui qui multiplie les rendez-vous avec les conseillers en charge de ce sujet.

Bruno Dalles

Il pourrait être l’invité surprise à la direction du futur parquet antiterroriste. Bruno Dalles, le directeur de TRACFIN, est également cité dans les couloirs de la magistrature comme un profil pouvant matcher. Contacté, ce dernier se refuse à tout commentaire, indiquant simplement découvrir être un des potentiels prétendants. Ce magistrat bien en vue est d’ailleurs déjà pressenti pour d’autres fonctions par Le Point. L’hebdomadaire le voit ainsi bien à la tête du parquet de Paris, dans le cas où François Molins prendrait la direction du parquet national antiterroriste.

Juge d’instruction à Abbeville (Somme) au début de sa carrière en 1994, Bruno Dalles suit avec attention les mécanismes de financement du terrorisme depuis TRACFIN, l’un des six services de renseignement français. Surtout connu pour avoir dirigé la douane judiciaire de 2003 à 2010, ce magistrat peut se prévaloir d’avoir également dirigé le bureau de la lutte contre la criminalité organisée, le terrorisme et le blanchiment à direction des affaires criminelles et des grâces.