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Précisions sur l’admission de la grève de solidarité et la qualification de faute lourde

L’arrêt collectif de travail répond à un intérêt collectif et professionnel lorsqu’il tend à soutenir des salariés dont les menaces de sanctions disciplinaires ont été perçues dans l’entreprise comme susceptible de porter atteinte au droit de grève.

par Bertrand Inesle 1 octobre 2014

1. Il n’y a, en principe, de grève qu’en présence d’un arrêt collectif et concerté du travail ayant pour but d’appuyer des revendications professionnelles (pour une illustration récente, V. Soc. 23 oct. 2007, n° 06-17.802, Bull. civ. V, n° 169 ; D. 2008. 662, obs. B. Ines , note A. Bugada ; ibid. 442, obs. G. Borenfreund, F. Guiomard, O. Leclerc, E. Peskine, C. Wolmark, A. Fabre et J. Porta ). C’est la raison pour laquelle la grève dite « de solidarité », qui vise à défendre un ou plusieurs autres travailleurs ou à protester contre des mesures qui ne concernent pas directement les salariés engagés dans le mouvement, ne revêt pas cette qualification. L’arrêt de travail n’a alors pour objet ni un intérêt collectif professionnel, ni la modification ou l’amélioration des conditions de travail (Soc. 8 janv. 1965, Bull. civ. IV, n° 19 ; Dr. soc. 1965. 380, obs. J. Savatier ; 16 nov. 1993, n° 91-41.024, Bull. civ. V, n° 268 ; Dr. soc. 1994. 35, rapp. P. Waquet ; ibid. 38, note J.-E. Ray ). Mais la défense des intérêts particuliers des salariés n’est pas exclusive de toute grève et le présent arrêt en est l’illustration.

La Cour de cassation relève qu’un syndicat a appelé les salariés de l’entreprise à la grève pour soutenir les salariés menacés par des sanctions disciplinaires pour des faits commis lors d’un précédent mouvement de grève et que ces menaces avaient pu être perçues au sein de l’entreprise comme susceptibles de porter atteinte au droit de grève. Elle en déduit, sans qu’il soit nécessaire de rechercher, comme le prétendait le demandeur au pourvoi, le motif pour lequel les salariés visés par le mouvement ont été objectivement sanctionnés, que la mobilisation destinée à soutenir des salariés grévistes répond à un intérêt collectif et professionnel, de sorte qu’elle est qualifiée de grève.

L’arrêt s’inscrit a priori dans le cadre de la jurisprudence de la chambre sociale. Cette dernière admet les grèves de solidarité lorsqu’il existe un intérêt commun aux grévistes et aux salariés soutenus (Soc. 30 juin 1976, Bull. civ. V, n° 403 ; 30 nov. 1977, Bull. civ. V, n° 655 ; 27 nov. 1985, Bull. civ. V, n° 559 ; Dr. soc. 1988. 143, note J. Déprez) ou lorsque sont présentées des revendications « mixtes », c’est-à-dire mêlant à la fois des revendications professionnelles, relatives, par exemple, au salaire, au pouvoir d’achat, aux conditions de travail, et des revendications tendant à la défense d’un salarié menacé de sanction ou de licenciement (Soc. 5 janv. 2011, n° 10-10.685, Bull. civ. V, n° 1 ; Dalloz actualité, 28 janv. 2011, obs. B. Ines ; Lexbase Hebdo, n° 424, 20 janv. 2011, éd. Soc., note C. Radé ; JCP S 2011. 1188, obs. M. Bailly). Cette jurisprudence s’avère, néanmoins, par certains côtés artificiels. Dans la première hypothèse de grève de solidarité, la communauté d’intérêt, entre les grévistes et les salariés soutenus à l’occasion du mouvement, réside dans une mesure prise par l’employeur qui affecte et intéresse ainsi tout le personnel. Seulement, le mécontentement d’une collectivité de salariés se manifestera lorsque l’un d’entre eux aura, le plus souvent, fait seul acte d’indiscipline. La revendication professionnelle préexiste, en quelque sorte, à l’acte individuel qui déclenchera le mouvement collectif et continuera d’exercer...

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