Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Article

Préjudice financier et localisation du dommage dans l’Union

Où se situe le dommage lorsque le préjudice consiste exclusivement en une perte financière qui se matérialise directement sur le compte bancaire du demandeur et qui résulte directement d’un acte illicite commis dans un autre État membre ?

par François Mélinle 6 juillet 2016

Le règlement, dit Bruxelles I, n° 44/2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale énonce par son article 2 que, par principe, les personnes domiciliées sur le territoire d’un État membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet État membre.

Ce texte pose par ailleurs des règles de compétence spéciales. Ainsi, selon l’article 5, point 3, retient qu’en matière délictuelle ou quasi délictuelle, une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être également attraite, dans un autre État membre, « devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s’est produit ou risque de se produire ».

Cette notion de fait dommageable vise à la fois le lieu où le dommage est survenu et le lieu de l’événement causal (CJCE 30 nov. 1976, aff. C-21/76), de sorte qu’il est envisageable de saisir deux juges différents si ces deux lieux sont dissociés. Le cas peut apparaître, par exemple, en cas de diffamation internationale par voie de presse, lorsque la diffamation résulte d’un article de presse publié dans un État de l’Union différent de celui où réside la victime et où est subi le préjudice (par ex., CJCE 7 mars 1995, aff. C-68/93, D. 1996. 61 , note G. Parleani ; Rev. crit. DIP 1996. 487, note P. Lagarde ; RTD eur. 1995. 605, note M. Gardeñes Santiago ; JDI 1996. 543, note A. Huet). Il survient également, dans le domaine de la contrefaçon, lorsque des produits contrefaits sont vendus sur un site internet établi dans un État de l’Union mais qui s’adresse spécifiquement à des consommateurs établis dans un autre État membre (à titre d’illustration, Com. 3 mai 2012, n° 11-10.505, D. 2012. 2331, obs. L. d’Avout et S. Bollée ; ibid. 2343, obs. J. Larrieu, C. Le Stanc et P. Tréfigny ; ibid. 2836, obs. P. Sirinelli ; ibid. 2013. 1503, obs. F. Jault-Seseke ) ou encore lorsqu’un site internet exploité dans un État diffuse des photographies protégées par le droit d’auteur et que ce site est accessible dans un autre État (CJUE 22 janv. 2013, aff. C-441/13, D. 2015. 1056, obs. H. Gaudemet-Tallon et F. Jault-Seseke ; ibid. 2031, obs. L. d’Avout et S. Bollée ; ibid. 2214, obs. J. Larrieu, C. Le Stanc et P. Tréfigny ; Rev. crit. DIP 2015. 656, note L. Usunier ; RTD com. 2015. 179, obs. A. Marmisse-d’Abbadie d’Arrast ; RTD eur. 2015. 875, obs. E. Treppoz ).

Dans l’affaire jugée le 16 juin 2016 par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), il s’agissait précisément de déterminer le lieu du fait dommageable dans un cas où le dommage allégué consistait en une perte financière (V. égal. Com. 7 janv. 2014, n° 11-24.157, à propos du préjudice subi à la suite de la perte de valeur de titres, Dalloz actualité, 23 janv. 2014, obs. F. Mélin ; D. 2014. 151 ; ibid. 1059, obs. H....

Il vous reste 75% à lire.

Vous êtes abonné(e) ou disposez de codes d'accès :