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Rappels éclairants quant à l’application de deux principes de droit pénal général

Application immédiate de la loi pénale plus douce et responsabilité des personnes morales en matière de droit du travail. 

par Julie Galloisle 12 juillet 2017

Le présent arrêt donne l’occasion de s’attarder sur deux principes généraux du droit pénal.

Le premier est le principe d’application immédiate de la loi pénale de fond plus douce. Alors que le principe de légalité des délits et des peines exige que la loi applicable à l’infraction reprochée soit celle en vigueur lors de sa commission, une exception au principe de non-rétroactivité de la loi pénale existe lorsque la loi nouvelle est plus favorable à l’auteur. En vertu de l’article 112-1 du code pénal mais aussi des articles, entre autres, 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, 6 et 7 de la Convention européenne des droits de l’homme, cette exception devenue véritable principe permet en effet aux dispositions nouvelles de s’appliquer à toute infraction commise avant leur entrée en vigueur et n’ayant pas donné lieu à une condamnation passée en force de chose jugée lorsqu’elles sont moins sévères que les dispositions anciennes.

Pour être applicable, ce principe exige donc que la nouvelle loi soit plus douce. Or, ce point constituait l’enjeu de l’un des moyens développés par la société poursuivie pour avoir employé, entre le 1er mars 2008 et le 11 mai 2009, des ressortissants roumains non munis d’une autorisation de travail salarié en violation de l’article L. 8256-2 du code du travail en vigueur à l’époque. Selon la prévenue en effet, ce délit ne pouvait plus lui être reproché dans la mesure où, d’une part la Roumanie était devenue membre de l’Union européenne le 1er janvier 2007 et, d’autre part, la totalité des restrictions à l’accès au marché du travail avait été levée à compter du 1er janvier 2014 pour les ressortissants de cet État, lesquels ont été, à compter de cette date, assimilés aux ressortissants français sur le marché du travail. En clair, l’acquisition du statut de citoyen de l’Union par les ressortissants roumains avait eu une incidence sur les éléments constitutifs de l’infraction en ce qu’il ne s’agissait plus d’« étrangers » au sens du code du travail, donc de personnes susceptibles d’entrer dans le champ d’application des infractions reprochées.

Cette argumentation ne convainc cependant pas la chambre criminelle qui juge qu’« il ne résulte d’aucun texte ou principe général du droit de l’Union européenne, ni d’une jurisprudence bien établie de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), que le principe de l’application rétroactive de la peine plus légère fait obstacle à ce que soient poursuivis et sanctionnés les délits susvisés commis à l’égard de ressortissants roumains et dont tous les éléments constitutifs ont été réunis antérieurement au 1er janvier 2014, date de la levée de la totalité des restrictions à l’accès au marché du travail pour les ressortissants de la Roumanie, laquelle constitue une situation de fait, étrangère auxdits éléments constitutifs de ces infractions ». 

De prime abord, cette solution peut surprendre quant à la valeur reconnue à la rétroactivité in mitius. Deux précisions permettent cependant de comprendre cette solution.

D’abord, il convient de relever que si la CJUE considère que « le principe de l’application rétroactive de la peine plus légère fait partie des traditions constitutionnelles communes aux États membres [de sorte qu’il] doit être considéré comme faisant partie des principes généraux du droit communautaire que le juge national est tenu d’observer » (CJCE 3 mai 2005, Berlusconi, aff. C-387/02, CJCE, 3 mai 2005, n° C-387/02, Rev. sociétés 2006. 134, note V. Magnier ; RSC 2006. 155, obs. L. Idot ; RTD com. 2005. 532, obs. C. Champaud et D. Danet ; ibid. 863, obs. M. Luby ; RTD eur. 2005. 921, note E. Dirrig ; Rev. sociétés 2006. 134, note V. Magnier), la Cour ne vise que le principe de...

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