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Reportage sur les attentats de 2001 : la France a violé le droit à la liberté d’expression

La condamnation pour diffamation envers le prince saoudien Turki Al Faysal du directeur de France Télévisions, de la réalisatrice et de la société France 3 en raison d’un reportage consacré aux plaintes déposées par les familles des victimes des attentats du 11 septembre 2001 a enfreint l’article 10 de la Convention européenne.

par Sabrina Lavricle 5 février 2016

Le 8 septembre 2006, France 3 diffusa un reportage intitulé « 11 septembre 2001 : le dossier d’accusation » qui s’interrogeait notamment sur l’absence de procès cinq ans après les faits et le financement des activités terroristes d’Al-Qaïda. Le 7 décembre, le prince Turki Al Faysal d’Arabie saoudite, mis en cause par les familles des victimes et interviewé dans le cadre du reportage, fit citer devant le tribunal correctionnel pour diffamation le président de France Télévisions en sa qualité de directeur de la chaîne France 3, la journaliste auteure du reportage et la société France 3 en sa qualité de civilement responsable.

Par jugement du 2 novembre 2007, le tribunal correctionnel de Paris déclara le premier requérant et la journaliste coupable de diffamation publique envers un particulier et la société France 3 civilement responsable. Il estima ainsi que le prince, constitué partie civile, ne pouvait reprocher au reportage d’évoquer ses responsabilités comme directeur du renseignement en Arabie saoudite ou l’aide qu’il avait pu apporter à Oussama Ben Laden lors de l’invasion soviétique de l’Afghanistan et considéra également que les passages relatifs aux réseaux de financement du terrorisme ne le mettaient pas en cause directement et personnellement. En revanche, il jugea que certains passages, qui lui imputaient d’avoir soutenu matériellement et financièrement Al-Qaïda à une époque où les intentions terroristes de cette organisation n’étaient plus douteuses, engageaient sa responsabilité dans les attentats du World Trade Center et laissaient donc entendre que seules des considérations diplomatiques expliquaient son impunité. Il retint, en substance, un manquement de la journaliste à son devoir d’objectivité et de prudence, s’agissant d’accusations qui n’avaient pas encore été examinées par un tribunal. La cour d’appel de Paris confirma ce jugement puis la Cour de cassation rejeta le pourvoi formé par la défense. C’est dans ces conditions que les requérants saisirent la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) d’une violation de l’article 10 de la Convention qui garantit le droit à la liberté...

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