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Les réseaux comptables internationaux, juges et parties

Deloitte, EY, KPMG et PwC auditent les états financiers de multinationales qu’ils conseillent. Ces pratiques posent des problèmes d’indépendance qui débouchent parfois sur des condamnations.

par Ludovic Arbeletle 4 mars 2015

Il y a un mois, un tribunal britannique a condamné KPMG pour manque d’indépendance (V. l’arrêt). En 2012, le cabinet comptable embauche un ancien de Cable and Wireless Wordlwide, une multinationale dont il audite les états financiers. Cela pose deux problèmes. Premièrement, James Marsh, l’ex PDG du géant des télécoms, est nommé associé de KPMG alors qu’il possède des actions de son ancienne entreprise. Deuxièmement, il met la firme comptable dans une situation d’auto-révision des comptes du fournisseur de télécom – l’entreprise a été rachetée par Vodafone depuis. En effet, il y occupe un poste à responsabilités, celui de chief operating officer, alors qu’il était auparavant en mesure d’influencer les états financiers de Cable and Wireless Worldwide lorsqu’il y travaillait. KPMG et James Marsh reconnaissent les faits. Ils se voient infliger chacun un blâme et une amende, respectivement de 227 500 et 39 000 £.

Audit et tenue comptable pour une même société

Ce n’est pas la première fois que KPMG se fait condamner pour manque d’indépendance. Il y a un an, c’est de l’autre côté de l’Atlantique que la sanction est tombée. La raison : le cabinet avait fourni à deux sociétés cotées dont il auditait les comptes des services – non audit – que la règlementation lui interdisait de délivrer. Dans l’une d’entre elles, il s’occupait directement de la tenue comptable et des paies des salariés. Dans l’autre, il prêtait du personnel dédié à la production des états financiers. Une situation d’auto-révision que le gendarme de la bourse aux États-Unis, la SEC (Securities And Exchange Commission), a identifié (V. la décision). KPMG a dû payer 8,2 millions de dollars, dont 1,8 de pénalité.

Deloitte avait conseillé le vendeur et l’acheteur de MG Rover

Le mois dernier, Deloitte, un autre grand réseau comptable international, a fait parler de lui au Royaume-Uni dans une affaire qui remonte au début des années 2000. Il avait conseillé à la fois MG Rover, qui cherchait un repreneur, et son acheteur, le consortium Phoenix Four. Un conflit d’intérêts à plusieurs titres. La firme comptable n’avait pas identifié qui, du constructeur automobile ou de l’investisseur, était son client comme l’exige pourtant la règlementation britannique. Autre problème : Deloitte avait un intérêt financier direct dans le rachat de MG Rover par Phoenix Four. En cas de réussite de l’opération, le cabinet devait toucher des honoraires de 7,5 millions de livres sterling et obtenir une participation de 5 % au capital du constructeur automobile. Résultat : une cour d’appel du Royaume-Uni a condamné Deloitte (V. la décision), confirmant partiellement le jugement de 2013 d’un tribunal disciplinaire. Néanmoins, nous ne savons pas si cette décision de justice est définitive.

Royaume-Uni, royaume des conflits d’intérêts ?

Ces affaires ne sont pas isolées. Elles tiennent notamment au fait que la séparation entre l’audit et le conseil est parfois perméable. En particulier au Royaume-Uni, où les têtes de réseau de PwC, d’EY (ex Ernst & Young) et de Deloitte sont implantées. C’est aussi au Royaume-Uni que se trouve l’une des plus grandes places financières au monde : celle de Londres. Les états financiers des multinationales cotées au London Stock Exchange sont d’ailleurs presque tous contrôlés par les Big...

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