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Sanction douanière pour des faits antérieurs au marché unique et principe de rétroactivité in mitius

Le principe de l’application rétroactive de la peine plus légère ne fait pas obstacle à ce que soient poursuivies et sanctionnées les fausses déclarations en douane ayant pour but ou pour effet d’obtenir un avantage quelconque attaché à des importations intracommunautaires commises antérieurement à la mise en place du marché unique.

par Nicolas Kilgusle 29 novembre 2016

Les faits de l’espèce méritent d’être résumés : à l’occasion de l’importation de pois protéagineux entre 1987 et 1988, une société a commis une fraude dont la finalité était d’obtenir des aides communautaires, en affirmant, à tort, que ces pois n’étaient pas destinés à l’ensemencement. L’administration des douanes a engagé des poursuites en 1994. Toute la difficulté vient du fait qu’entre temps, la loi n° 92-677 du 17 juillet 1992 a disposé que le code des douanes ne s’appliquerait plus à l’entrée des marchandises communautaires (art. 111), même si son article 110 réservait le cas des infractions commises avant son entrée en vigueur, le 1er janvier 1993. Les juges du fond ont alors considéré que la procédure devait être annulée, les infractions ayant depuis été abrogées (Reims, 5 mai 1999). La chambre criminelle a censuré leur position, au visa de l’article 110 précité, au motif que les faits avaient été commis avant l’entrée en vigueur de la loi de 1992 (Crim. 18 oct. 2000, n° 99-84.320, Dalloz jurisprudence). L’importateur a donc finalement été condamné.

Il a formé un nouveau pourvoi en cassation, invoquant cette fois le principe communautaire de la rétroactivité in mitius : la loi nouvelle ayant supprimé l’infraction, elle devait, selon lui, rétroagir. La Cour a rejeté le pourvoi, observant que la loi du 17 juillet 1992 n’avait eu d’incidence que sur les modalités de contrôle du respect des conditions de l’octroi de l’aide aux pois protéagineux et non sur l’existence de l’infraction ou la gravité des sanctions (Crim. 19 sept. 2007, n° 06-85.899, Bull. crim. n° 215 ; AJ pénal 2007. 537 ; RTD com. 2008. 435, obs. B. Bouloc ).

L’importateur a alors saisi le Comité des droits de l’homme des Nations unies, institué par le Pacte international sur les droits civils et politiques. Celui-ci avait considéré, le 21 octobre 2010, que la France avait violé l’article 15, § 1, du Pacte, lequel dispose que, « si, postérieurement à l’infraction, la loi prévoit l’application d’une peine plus légère, le délinquant doit en bénéficier ». Le Comité a considéré que cette disposition vise non seulement une loi diminuant une peine, mais s’applique aussi, a fortiori, à une loi « prévoyant une suppression de peine pour un acte qui ne constitue plus une infraction » (Communication n° 1760/2008, Cochet c. France, D. 2010. 2865, obs. A. Huet ).

En se fondant sur cet avis, la personne condamnée a tenté un recours en indemnisation. Considérant que la justice avait violé le droit communautaire, elle invoquait l’existence d’une faute lourde résultant du fonctionnement défectueux du service de la justice (COJ, art. L. 141-1). Celle-ci se définit comme « toute déficience caractérisée par un fait ou une série de faits traduisant l’inaptitude du service public de la justice à remplir la...

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