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Terrorisme : accord de la commission mixte paritaire

La commission mixte paritaire (CMP) chargée de proposer un texte sur les 105 articles restant en discussion du projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale est parvenue, le 11 mai, à l’élaboration d’un texte commun.

par Dorothée Goetzle 18 mai 2016

L’accord de la CMP confirme sans surprise la volonté déjà perceptible tant dans le texte de l’ Assemblée nationale (C. Fleuriot, Terrorisme : la réforme décriée par les magistrats judiciaire est lancée, Dalloz actualité, 4 févr. 2016 ). Ce constat résulte de plusieurs dispositions phares du projet sur lesquelles la CMP s’est prononcée.

Renseignement pénitentiaire

Il en est ainsi de l’article 4 ter sur l’organisation du renseignement pénitentiaire qui reprend, dans son I, le texte de l’Assemblée nationale. La CMP valide la création d’un service de renseignement au sein de l’administration pénitentiaire et prévoit la possibilité de recourir à l’IMSI Catching. La CNCDH recommandait pourtant d’exclure l’administration pénitentiaire de la communauté du renseignement et ce pour préserver le rôle du renseignement pénitentiaire. En effet, sa mission doit uniquement consister à « recueillir et analyser » les « informations utiles à la sécurité des établissements » (Art. 2 de l’arrêté du 9 juill. 2008 fixant l’organisation en sous-directions de l’administration pénitentiaire, NOR : JUSG0816354A). La CNCDH, qui préconisait le retrait de l’article 4 ter, avait également exprimé son opposition à l’emploi par l’administration pénitentiaire de l’IMSI-Catching au motif d’un risque d’atteinte à l’article 8 de la Cour européenne des droits de l’homme (CNCDH, op. cit.). Il est vrai que l’article 4 ter laisse une importante question sans réponse : quid des données relatives à des personnes étrangères à la procédure qui se trouveraient dans le périmètre d’action de « l’IMSI-catcher » et qui, inévitablement, seront interceptées ?

Nouveaux délits terroristes

Selon le Professeur Mayaud « la réaction au terrorisme est d’abord une affaire d’incrimination ». Il relève qu’en cette matière « le travail du législateur suit une voie qui n’a jamais été démentie, celle de l’élargissement, de l’extension, manifestée par des infractions de plus en plus nombreuses » (Y. Mayaud, La politique d’incrimination du terrorisme à la lumière de la législation récente, AJ pénal 2013. 442 ). L’article 4 sexies, dans lequel la CMP valide deux nouveaux délits terroristes, confirme cette affirmation. Il s’agit des infractions d’entrave intentionnelle au blocage des sites provocant au terrorisme ou en faisant l’apologie et de consultation habituelle de tels sites. La CMP introduit une nouveauté au II de l’article 4 sexies. Elle exclue, pour l’application de ces infractions, trois des règles procédurales dérogatoires prévues en matière terroriste. Les deux premières exclusions sont mises en œuvre par l’introduction d’une référence aux nouveaux délits à l’article 706-24-1 du code de procédure pénale, qui écarte déjà l’application, pour les délits de provocation au terrorisme et d’apologie du terrorisme prévus à l’article 421-2-5 du code pénal : – de l’article 706-88 du code de procédure pénale, qui permet de prolonger la garde à vue jusqu’à quatre jours et de différer l’intervention de l’avocat jusqu’à la soixante-douzième heure en matière de criminalité organisée et, par conséquent, en matière de terrorisme ; – des articles 706-89 à 706-94 du même code, qui autorisent les perquisitions de nuit. La troisième règle dont l’application est écartée est celle qui est prévue à l’article 706-25-1 du code de procédure pénale, qui allonge les délais de prescription de l’action publique et des peines pour les délits terroristes. L’ajout du II par la CMP à l’article 4 sexies est heureuse. En effet, l’application des règles précitées à des délits fondés sur des éléments matériels qui ne sont pas susceptibles de porter atteinte en eux-mêmes à la sécurité, à la dignité ou à la vie des personnes, soulèverait vraisemblablement des difficultés constitutionnelles au regard de la proportionnalité que doit respecter le législateur entre la gravité des infractions et les mesures d’enquêtes mises en œuvre.

En validant la création de ces deux nouveaux délits terroristes, la CMP confirme qu’en matière de terrorisme, la législation est conçue comme un outil d’anticipation et permet à la répression de s’exprimer avant que toute action terroriste ne soit perpétrée (J. Alix, infra). Il est évident que cette dimension préventive offre un intérêt indéniable. Toutefois, elle affaiblit la force et la portée des dispositions applicables en donnant « l’impression d’un immense désordre, d’hésitation, voire d’un manque de recul par rapport à ce qui mériterait une sérieuse réflexion d’ensemble» (Y. Mayaud, art. préc.). On remarquera que si la CMP a confirmé le choix d’ériger ces nouveaux délits en infractions terroristes, elle a en revanche maintenu, comme le souhaitait le Sénat, l’incrimination de trafic de biens culturels...

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