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Interview

« La prison, c’était ma cure de jouvence, ma maison secondaire »

Alain, ex-trafiquant de drogue, vient de purger sa peine. Il évoque son combat pour se réinsérer dans la société et l’importance du retour progressif à la liberté, dont il a pu bénéficier pour étudier.

le 25 juin 2015

La rédaction : Nous avons découvert une partie de votre parcours, dans l’ouvrage La lente évasion, de Camille Polloni1. Vous avez fait de la prison à plusieurs reprises. À quel moment avez-vous décidé de sortir de la délinquance ?

Alain : J’ai voulu sortir de la délinquance pour ma femme (ils sont séparés depuis, ndlr). C’était invivable pour elle, j’ai décidé d’arrêter. J’allais me marier, j’avais trouvé un travail. Mais mon passé m’a rattrapé et j’ai été incarcéré.

La rédaction : Dans cet ouvrage, on lit que la délinquance était votre quotidien. Expliquez-nous.

Alain : Je suis un enfant de la rue à la base (il a grandi à Nanterre, ndlr). On commence petit à voler dans les magasins. Puis ça va en augmentant. La frontière entre le bien et le mal, on ne la connaît pas. On a besoin de tout, tout de suite, on fait avec. Je ne pensais pas dépasser la vingtaine, je pensais mourir bien avant (Alain a 38 ans, ndlr).

La rédaction : En abandonnant la délinquance, tous vos repères se sont effondrés ?

Alain : C’est toute une façon de refaire sa vie, de repenser, c’est un peu compliqué… Tous les codes changent. Mon monde s’est écroulé. Mes proches, j’ai été obligé de les zapper, de couper les ponts. Rien que de les voir, ce serait commettre un crime aux yeux de la police. Ce qu’ils ne comprennent pas, c’est que c’est ma famille. C’est difficile à vivre au quotidien.

La rédaction : Qu’est-ce qui vous manque le plus de cette ancienne vie ?

Alain : Le goût du risque, l’adrénaline. La vie normale, c’est un peu monotone. Quand on a vécu à 100 à l’heure, ralentir le pas, c’est difficile. Dans la rue, dans la prison, il y a des règles, tout est minuté. Aujourd’hui, il faut combler ce vide. Je me torture en restant dans un endroit fixe, le même travail, la même résidence. Je suis à bout de souffle mais je m’accroche. Cette...

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Alain

Ex-trafiquant de drogue, Alain a fait plusieurs séjours en prison. Lors de sa dernière incarcération, il a validé son diplôme d’accès aux études universitaires. Au bout de trois ans, il a pu bénéficier d’un régime de semi-liberté pour intégrer la faculté de psychologie. En parallèle, il travaillait dans la restauration rapide. Aujourd’hui, sa peine est terminée, il a conservé son emploi et poursuit ses études en licence II. Alain vit dans une résidence sociale grâce à l’Apcars (Association de politique criminelle appliquée et de réinsertion sociale).