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Le droit en débats

Le caractère accessoire du cautionnement dans l’avant-projet de réforme du droit des sûretés : propositions d’améliorations

Par Kouroch Bellis le 05 Janvier 2021

Les dispositions discutées ou proposées sont réunies en fin d’article.

La Chancellerie a fait paraître sur son site internet un avant-projet d’ordonnance portant réforme du droit des sûretés, élaboré à partir de celui de l’association Henri-Capitant, et a lancé une consultation publique à son sujet1. Deux siècles après l’adoption du code civil, il s’agit en particulier de réécrire la partie de ce code relative au cautionnement. Malheureusement, les dispositions envisagées créent plus de problèmes qu’elles n’en résolvent en ce qui concerne la question la plus fondamentale de la matière, c’est-à-dire la règle de l’accessoire, et la question connexe des exceptions opposables au créancier. Cette dernière problématique est tout à fait classique – elle était déjà sujette à interrogations à Rome –, et actuelle et évolutive – la Cour de cassation a récemment rendu des arrêts retentissants à son sujet –, et controversée – il y a toute une palette de positions doctrinales à son sujet2. Elle mérite donc au contraire une résolution solide, claire et, si possible, qui peut mettre d’accord, dans une certaine mesure, les doctrines jusque-là opposées. Or nous pensons qu’une telle chose est possible.

Une structure complexe, rendant la substance peu compréhensible

La règle du caractère accessoire est aujourd’hui présentée dans le code civil de manière assez limpide. Il y a l’article 2289 expliquant en substance que le cautionnement est accessoire quant à la validité (al. 1), avec une précision selon laquelle il existe néanmoins des exceptions purement personnelles au débiteur principal, en donnant l’exemple de la minorité (al. 2). Il y a immédiatement après l’article 2290 expliquant en substance que le cautionnement est accessoire quant à son étendue, et présente, en trois alinéas, trois corollaires à cette idée. Il existe en outre un article 2313 qui rappelle le contenu de l’article 2289, alinéa 2, à l’occasion d’autres dispositions, mais qui est vide de portée dispositive additionnelle.

La Chancellerie propose une complexification assez prodigieuse de ces dispositions, sans réel changement substantiel. Il faudrait désormais retrouver ces règles dans les articles 2294, 2296 et 2298. Il y aurait tout d’abord l’article 2294 composé de pas moins de cinq alinéas : un alinéa rappelant le caractère accessoire de la validité du cautionnement (al. 1), puis un alinéa traitant uniquement de l’exemple de l’incapable comme d’un tempérament (al. 2), puis deux alinéas relatifs à l’existence du cautionnement (al. 3 et 4) puis un dernier relatif à son étendue (al. 5). Après un article sur le caractère exprès du cautionnement, donc plutôt relatif à sa forme, l’actuel article 2290 est repris (art. 2296 projeté). Puis, après un article de 127 mots qui revient sur la forme du cautionnement (art. 2297 projeté), il y aurait un article 2298, prévoyant dans un premier alinéa une règle concernant les exceptions opposables, avec l’exception de… l’article 2294, alinéa 2, projeté auquel il est fait renvoi (al. 1) puis prévoyant un (autre ?) tempérament – sans que ce ne soit clair à quoi – dans un second alinéa (al. 2). Ce renvoi interne au code civil, à quatre articles d’intervalle, serait le seul de tout le titre relatif aux sûretés personnelles de l’avant-projet. La question traitée aujourd’hui à travers le seul article 2290 suivrait désormais cette structure logique de présentation : article 2294, alinéa 1, « néanmoins » article 2294, alinéa 2, [269 mots répartis en dix alinéas sans rapport apparent], article 2298, alinéa 1, début de phrase, « sauf » article 2294, alinéa 2, « toutefois » article 2298, alinéa 2.

Une contradiction logique interne concernant les exceptions opposables au créancier

Le code civil précise actuellement que, malgré la règle de l’accessoire, certaines exceptions sont purement personnelles au débiteur. On a eu tendance à surinterpréter cette disposition3 et à la faire dire plus que ceci. Pour les codificateurs de 1804, une « exception purement personnelle à l’obligé » signifie simplement une exception que seul (« purement ») lui (« personnelle ») peut invoquer. Il n’y a ici aucun critère intrinsèque à voir. Les codificateurs n’ont pas donné de critère extrinsèque, probablement parce que cela n’était pas si clair pour eux-mêmes, et ceci parce que Pothier a des développements tout à fait pertinents et ingénieux à ce sujet, mais qui ne sont pas perfectionnés au point qu’ils permettaient une synthèse législative. Il faut donc lire le code civil comme une mention d’une question doctrinale un peu obscure (la compatibilité de la règle de l’accessoire avec l’existence d’exception purement personnelle à l’obligé) assortie d’un renvoi à Pothier dont ils reprennent le vocabulaire, la substance et la structure au sujet du cautionnement.

En réalité, la clé de compréhension qui émerge de manière explicite et habile chez Pothier est la suivante : selon la règle de l’accessoire, la caution « ne peut pas, à la vérité devoir plus que le débiteur ne doit, quantitate, die, loco, conditione, modo ; mais quant à la qualité du lien, il peut être plus étroitement et plus durement obligé » et donc on peut cautionner civilement une obligation naturelle4. C’est-à-dire que l’obligation accessoire est exactement la même que l’obligation principale, sauf en ce qui concerne le caractère civil ou purement naturel de l’obligation principale. Autrement dit, le fait que le cautionnement d’une obligation naturelle a valeur civile est un tempérament au principe de l’accessoire, tempérament qui explique tous les cas où seule la caution devra payer. En effet, ces cas donnent naissance à une obligation purement naturelle maintenant à l’existence telle quelle l’obligation accessoire civile de cautionnement.

Cela signifie trois choses. Premièrement, il est possible d’expliquer et de simplifier la matière grâce à aux idées de Pothier ainsi synthétisées. En particulier, la doctrine et l’avant-projet présentent de manière éclatée les cas d’exceptions personnelles (incapacité et insolvabilité) et cela a en réalité pour lointaine origine la présentation séparée par Pothier, qui était elle-même probablement le fruit d’une tradition issue du droit romain.

Deuxièmement, la matière ainsi comprise, il est possible de se passer de la mention explicite en législation de l’existence d’exceptions purement personnelles, mention qui était en 1804 une sorte de renvoi à la doctrine (et donc à Pothier) en l’absence de doctrine permettant une synthèse législative en quelques phrases simples et limpides. L’existence de la catégorie irait de soi avec la présentation directe de la substance de ces exceptions. C’est ce qui s’est passé au Québec et en Louisiane, dont les codes du XIXe siècle reprenaient les deux dispositions françaises mentionnant la distinction5 mais qui ont ensuite évacué sa mention en législation, au moins à l’occasion de leur réforme datant respectivement de 1994 et 1987.

Troisièmement, cela signifie que, faute de pouvoir franchir une étape supplémentaire, le code civil a adopté un vocabulaire propre à un auteur d’Ancien Régime, certes lumineux, mais dont le droit en vigueur en matière de cautionnement était très largement le droit romain. En particulier, le vocabulaire des « exceptions » à délimiter s’inscrit dans une logique procédurale propre au droit romain, qui, bien plus qu’une empreinte, constitue le fondement des développements de Pothier à travers les fragments qu’il cite et commente très logiquement. Il serait donc souhaitable de sortir de cette logique – qui n’est pas la nôtre bien qu’elle soit celle d’un droit illustre –, et de ne plus du tout parler dans la loi en termes d’exceptions, comme ce fut aussi fait en Louisiane et au Québec6. Cela éviterait aussi les confusions substantielles, comme au sujet de la prescription. En effet, la caution peut l’invoquer malgré le fait qu’elle laisse subsister une obligation naturelle potentielle7. La raison est que la prescription n’est pas un accident de parcours : la caution s’est donc initialement engagée avec la même prescription, du fait de la règle de l’accessoire. C’est en partie le raisonnement fondé sur l’idée d’exception qui entretient la confusion. De plus, l’avant-projet utilise le vocabulaire de l’« opposition », qui ressemble à celui de l’exception et donc qui pose un problème similaire.

Malheureusement, pour le moment, ce ne sont pas du tout les orientations de l’avant-projet. Afin de revenir sur des jurisprudences contestées de la Cour de cassation (Cass., ch. mixte, 8 juin 2007, n° 03-15.602, D. 2008. 514 , note L. Andreu ; ibid. 2007. 1782, obs. V. Avena-Robardet ; ibid. 2201, note D. Houtcieff ; ibid. 2008. 871, obs. D. R. Martin et H. Synvet ; ibid. 2104, obs. P. Crocq ; AJDI 2008. 699 , obs. F. Cohet-Cordey ; RTD civ. 2008. 331, obs. P. Crocq ; RTD com. 2007. 585, obs. D. Legeais ; ibid. 835, obs. A. Martin-Serf  ; Civ. 1re, 11 déc. 2019, n° 18-16.147, D. 2020. 523 , note M. Nicolle ; ibid. 624, obs. H. Aubry, E. Poillot et N. Sauphanor-Brouillaud ; AJ contrat 2020. 101, obs. D. Houtcieff ; Rev. prat. rec. 2020. 14, obs. M. Aressy, M.-P. Mourre-Schreiber et Ulrik Schreiber ; ibid. 15, chron. F. Rocheteau ; RTD civ. 2020. 161, obs. C. Gijsbers ) qui agrandit la catégorie des exceptions purement personnelles, et donc afin de revenir à la lettre du code civil et à l’intention explicite des codificateurs de 1804… il s’agirait maintenant de dire pour partie exactement l’inverse, créant ainsi une contradiction logique interne à la phrase, tout en sauvegardant en tant qu’exception les bonnes applications de l’ancienne. En effet, l’article 2298 du code civil disposerait désormais que la caution… peut aussi opposer les exceptions personnelles (al. 1, début de phrase), sauf des cas classiques d’exceptions personnelles (al. 1 fin de phrase – renvoyant à l’art. 2294 – et al. 2). Or il est aussi contradictoire de dire que la caution peut opposer les exceptions personnelles au débiteur principal que de dire « le mari de ma sœur est célibataire ».

Solutions

Heureusement, des solutions existent à ces problèmes.

Il faudrait tout d’abord réunir les règles relatives à l’accessoire – possiblement en faisant de celles-ci une section ou un paragraphe dédiés – et raccourcir par la même occasion les articles : un article 2294 traitant de la validité accessoire (trois alinéas), un article 2295 parlant de son étendue en général (trois alinéas, comportant la précision quant à la prescription8) et un suivant parlant de l’étendue concernant les accessoires (art. 2294, al. 5, projeté)9 et enfin un article 2297 traitant de cette question ce sur quoi porte exactement l’accessoire et qui attrait autant à la validité (plutôt l’incapacité, les remises, etc.) qu’à l’étendue (plutôt les délais accordés…). Concernant ce dernier article, il faudrait, au minimum, supprimer la mention des catégories d’exceptions, au mieux supprimer totalement le vocabulaire procédural et vieilli de l’exception, comme en Louisiane et au Québec il y a déjà une trentaine d’années. À partir de cela, il serait souhaitable, à l’instar de nombreux codes dans le monde (Québec, Chili, Philippines, etc.10), de mentionner la validité (civile) de l’obligation naturelle puis préciser en pratique ce que cela signifie, ou à défaut de directement présenter cela. Il n’est pas nécessaire mais possible de mentionner l’existence de dispositions spéciales. L’article 2297 serait donc : « Le cautionnement d’une obligation naturelle est valable à titre civil dans son intégralité11. Ainsi, la caution ne peut bénéficier ni de l’incapacité du débiteur, à moins qu’il l’ignorât au moment de contracter12, ni des mesures légales ou judiciaires dont bénéficie le débiteur en conséquence de sa défaillance13 »14. On peut imaginer d’autres rédactions encore.

Le principe auquel cet article serait le tempérament, et selon lequel – dans le vocabulaire vieilli des « exceptions opposables » – toutes les exceptions sont opposables (en principe) seraient déjà exprimé dans la phrase « Le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur… » et l’absence de toute mention des exceptions aurait pour effet que le lecteur ne serait plus perturbé dans la lecture de cette disposition. Néanmoins, si l’on craint que ce ne soit pas assez compris, il est possible d’ajouter un premier alinéa avec exactement la même substance, mais constituant une réitération indiquant qu’il faut prendre cette disposition au sérieux (!). Cela pourrait être rédigé ainsi : « Par principe, la caution n’est pas tenue par son obligation accessoire lorsque le débiteur principal n’est pas tenu par son obligation principale. (alinéa) Néanmoins, le cautionnement d’une obligation naturelle est civilement valable. Par conséquent […] ».

Il serait aussi possible de structurer différemment les articles et de reprendre la précision en second alinéa du premier article sur relatif à l’accessoire, après la phrase posant ce principe quant à l’existence. À proprement parler, la question de la validité du cautionnement de l’obligation naturelle concerne aussi son étendue. Néanmoins, cette structure est peut-être plus simple (et donc peut-être plus française) et historiquement et internationalement plus classique. En effet, des codes étrangers présentent la matière ainsi et, en histoire du droit français, l’incapacité est le cas d’obligation naturelle le plus classique et donc c’est déjà le sens de l’alinéa 2 dans le code français actuel. Par ailleurs, la question du cautionnement de l’obligation naturelle concerne avant tout la validité. La première structure est donc plus systémique, la seconde plus didactique. Au regard de la structure, l’essentiel est la réunion des dispositions concernant l’incapacité et les procédures collectives, liées à la validité civile du cautionnement de l’obligation naturelle.

 

Dispositions discutées ou proposées

Code civil français (actuel)

Art. 2289

« Le cautionnement ne peut exister que sur une obligation valable.
On peut néanmoins cautionner une obligation, encore qu’elle pût être annulée par une exception purement personnelle à l’obligé ; par exemple, dans le cas de minorité. »

Art. 2290

« Le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur ni être contracté sous des conditions plus onéreuses.
Il peut être contracté pour une partie de la dette seulement, et sous des conditions moins onéreuses.
Le cautionnement qui excède la dette, ou qui est contracté sous des conditions plus onéreuses, n’est point nul : il est seulement réductible à la mesure de l’obligation principale. »

Art. 2313

« La caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal, et qui sont inhérentes à la dette ;
Mais elle ne peut opposer les exceptions qui sont purement personnelles au débiteur. »

Code civil du Québec

Art. 2340

« Le cautionnement ne peut exister que pour une obligation valable.
On peut cautionner l’obligation dont le débiteur principal peut se faire décharger en invoquant son incapacité, à la condition d’en avoir connaissance, ainsi que l’obligation naturelle. »15

Code civil des Philippines

Art. 2052

« A guaranty cannot exist without a valid obligation.
Nevertheless, a guaranty may be constituted to guarantee the performance of a voidable or an unenforceable contract. It may also guarantee a natural obligation. »16

Code civil du Chili17

Art. 1472

« Las fianzas, hipotecas, prendas y cláusulas penales constituidas por terceros para seguridad de obligaciones [naturales], valdrán. »

Avant-projet d’ordonnance, Chancellerie, 18 décembre 2018

Art. 2294

« Le cautionnement ne peut exister que sur une obligation valable.
Néanmoins, celui qui, en connaissance de cause, se porte caution d’un incapable n’en est pas moins tenu de son engagement.
Le cautionnement peut garantir une ou plusieurs obligations, présentes ou futures.
L’obligation garantie doit être déterminée ou déterminable.
Sauf clause contraire, le cautionnement s’étend aux intérêts et autres accessoires, ainsi qu’aux frais de la première demande, et à tous ceux postérieurs à la dénonciation qui en est faite à la caution. »

Art. 2295

« Le cautionnement doit être exprès. Il ne peut être étendu au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté. »

Art. 2296

« Le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur ni être contracté sous des conditions plus onéreuses.
Il peut être contracté pour une partie de la dette seulement et sous des conditions moins onéreuses.
Le cautionnement qui excède la dette, ou qui est contracté sous des conditions plus onéreuses, n’est point nul : il est seulement réductible à la mesure de l’obligation principale. »

Art. 2297

« La caution personne physique appose elle-même, à peine de nullité de son engagement, la mention qu’elle s’engage en qualité de caution à payer au créancier ce que lui doit le débiteur en cas de défaillance de celui-ci, dans la limite d’un montant en principal et accessoires exprimé en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, le cautionnement ne vaut que pour la somme écrite en toutes lettres.

Si la caution est privée des bénéfices de discussion ou de division, elle reconnaît dans ladite mention ne pouvoir exiger du créancier qu’il poursuive d’abord le débiteur ou qu’il divise ses poursuites entre les cautions. À défaut, elle conserve le droit de se prévaloir de ces bénéfices.

Le mandat de se porter caution est soumis aux mêmes dispositions. »

Art. 2298

« La caution peut opposer au créancier toutes les exceptions, personnelles ou inhérentes à la dette, qui appartiennent au débiteur, sous réserve des dispositions du deuxième alinéa de l’article 2294.

Toutefois, la caution ne peut se prévaloir des mesures légales ou judiciaires dont bénéficie le débiteur en conséquence de sa défaillance, sauf disposition spéciale contraire »

Dispositions proposées, structure A (systémique)

Art. 2294

« Le cautionnement ne peut exister que sur une obligation valable.
Il peut garantir une ou plusieurs obligations, présentes ou futures.
L’obligation garantie doit être déterminée ou déterminable. »

Art. 2295

« Le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur ni exister sous des conditions plus onéreuses. Il se prescrit en même temps que l’obligation garantie.
Il peut être contracté pour une partie de la dette seulement, et sous des conditions moins onéreuses.
Le cautionnement qui excède la dette, ou qui est contracté sous des conditions plus onéreuses, n’est point nul : il est seulement réductible à la mesure de l’obligation principale. »

Art. 2296 (ou art. 2295 al. 4)

« Sauf clause contraire, le cautionnement s’étend aux intérêts et autres accessoires, ainsi qu’aux frais de la première demande, et à tous ceux postérieurs à la dénonciation qui en est faite à la caution. »

Art. 2297

« Le cautionnement d’une obligation naturelle est valable à titre civil dans son intégralité. Ainsi, la caution ne peut bénéficier de l’incapacité du débiteur, à moins qu’il eût ignoré celle-ci au moment de contracter, de la défaillance du débiteur ou des mesures légales ou judiciaires dont le débiteur bénéficie en conséquence de sa défaillance. »

Art. 2297 subsidiaire

« Par principe, la caution n’est pas tenue par l’obligation accessoire lorsque le débiteur principal n’est pas tenu par l’obligation principale.
Néanmoins, le cautionnement d’une obligation naturelle est civilement valable. Par conséquent, l’obligation de cautionnement reste valable lorsque le débiteur avait une incapacité que la caution avait connue au moment de contracter, est défaillant ou bénéficie de mesures légales ou judiciaires à la suite de sa défaillance. »

Art. 2297 doublement subsidiaire

« Par principe, la caution n’est pas tenue par son obligation accessoire lorsque le débiteur principal n’est pas tenu par son obligation principale.
Néanmoins, le cautionnement d’une obligation naturelle est valable à titre civil. Par conséquent, sauf disposition spéciale contraire, la caution ne peut opposer l’incapacité du débiteur qu’il avait connue au moment de contracter ni sa défaillance ni les mesures légales ou judiciaires dont bénéficie le débiteur en conséquence de celle-ci. »

Art. 2297 triplement subsidiaire

Les rédactions précédentes sans la première phrase, ou les deux premières phrases, posant explicitement le principe, ou des combinaisons entre les différents éléments de ces rédactions.

Art. 2298

« Le cautionnement doit être exprès. Il ne peut être étendu au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté. »

Art. 2299 (ou article 2298 alinéas 2 à 4)

Comme l’article 2297 de l’avant-projet d’ordonnance avec la correction de l’accent dans « À défaut ».

Dispositions proposées, structure B (didactique)

Art. 2294

« Le cautionnement ne peut exister que sur une obligation valable.
Le cautionnement d’une obligation naturelle est valable à titre civil dans son intégralité. Ainsi, la caution ne peut bénéficier de l’incapacité du débiteur, à moins qu’il eût ignoré celle-ci au moment de contracter, ou des mesures légales ou judiciaires dont bénéficie le débiteur en conséquence de sa défaillance.
Le cautionnement se prescrit en même temps que l’obligation garantie. »

(Subsidiairement, l’article 2294, alinéa 2, ci-dessus pourrait avoir les autres rédactions proposées de l’article 2297 de la structure A.)

Art. 2295

« Le cautionnement peut garantir une ou plusieurs obligations, présentes ou futures.
L’obligation garantie doit être déterminée ou déterminable. »

Art. 2296

« Le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur ni exister sous des conditions plus onéreuses.
Il peut être contracté pour une partie de la dette seulement, et sous des conditions moins onéreuses.
Le cautionnement qui excède la dette, ou qui est contracté sous des conditions plus onéreuses, n’est point nul : il est seulement réductible à la mesure de l’obligation principale. »

Art. 2297 (ou art. 2296, al. 4)

« Sauf clause contraire, le cautionnement s’étend aux intérêts et autres accessoires, ainsi qu’aux frais de la première demande, et à tous ceux postérieurs à la dénonciation qui en est faite à la caution. »

Art. 2298

« Le cautionnement doit être exprès. Il ne peut être étendu au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté. »

Art. 2299 (ou art. 2298, al. 2 à 4)

Comme l’article 2297 de l’avant-projet d’ordonnance avec la correction de l’accent dans « À défaut ».

 

Notes

1. Réforme du droit des sûretés : avant-projet d’ordonnance, ministère de la Justice, 18 déc. 2020.

2. K. Bellis, Des exceptions opposables par la caution au créancier. Proposition d’explication et de disposition fondées sur la valeur civile du cautionnement de l’obligation naturelle, RRJ, 2019-4. Nous renvoyons de manière générale à cette étude pour plus de détails sur les éléments développés ici.

3. Rappr. G. Marty, P. Raynaud et P. Jestaz, Droit civil. Les sûretés. La publicité foncière, Sirey, 1987, nos 592 et 596 ; L. Andreu, Du changement de débiteur, préf. D.R. Martin, Dalloz, coll. « Nouvelle bibliothèque de thèses », vol. 92, 2010, n° 248.

4. R.-J. Pothier, Traité des obligations, selon les règles tant du for de la conscience que du for extérieur, Paris, Debure et Orléans, Rouzeau-Montaut, nouv. éd., 1768, 2 t., chap. VI, n° 376, graphie modernisée. Nous indiquions fautivement une parution en 1767 pour cette édition dans notre article précité sur la question.

5. Art. 1932 et 1968 du code civil du Bas-Canada et art. 3005 et 3029 du code civil de l’État de Louisiane de 1825. Ces articles abrogés ne sont pas repris en annexe.

6. Recherche sur The Louisiana Civil Code et Code civil du Québec annoté.

7. V. K. Bellis, Système de l’obligation naturelle, thèse, ss la dir. de L. Leveneur, Paris II, prix de l’Académie des sciences morales et politiques (Institut de France), disponible en ligne en version provisoire.

8. Il s’agit en effet d’une question importante et un peu délicate en théorie, une précision en législation semble donc tout à fait utile.

9. Cet article peut aussi constituer un quatrième alinéa à l’article précédent.

10. Québec (art. 2340), Philippines (art. 2052), Chili (art. 1472), Équateur (art. 1487), Colombie (art. 1873), Salvador (art. 1343), Honduras (art. 1374), Nicaragua (art. 1844), Uruguay (art. 1146). Le code civil du Québec et le code civil du Chili sont connus pour leur qualité ou leur importance régionale. Le code civil des Philippines est peu connu en France, mais de très haute qualité et mériterait qu’on s’y réfère plus.

11. « Dans son intégralité » signifie qu’en cas de diminution de la dette principale, l’obligation de cautionnement est civile pour l’intégralité de la dette. Pothier utilise l’expression au sujet des remises collectives de dette : « l’obligation naturelle, pour ce qui reste à payer, subsiste dans son intégralité, et sert d’un fondement suffisant à l’obligation des [cautions] » ; R.-J. Pothier, Traité des obligations, op. cit., n° 380. Cependant, avec la phrase suivante, cette précision est facultative.

12. La formulation par voie d’exception de la connaissance de l’incapacité, quoiqu’un peu lourde, nous semble préférable pour des raisons de charge de la preuve. La faire porter sur la caution rend la preuve très difficile mais non impossible et favorise de manière importante la sécurité juridique.

13. V. à ce sujet A. Gouëzel et L. Bougerol, Le cautionnement dans l’avant-projet de réforme du droit des sûretés : propositions de modification, D. 2018. 678 .

14. La première phrase peut aussi être coupée, même si ce n’est pas à notre sens la meilleure option, d’un point de vue logique et d’un point de vue international (code civil du Québec…).

15. L’article parle de l’obligation naturelle à côté de l’incapacité, mais il faut lire « l’obligation naturelle en général », puisque l’incapacité est le cas d’obligation naturelle le plus classique dans l’histoire du droit français (v. les développements sur Domat et la codification dans notre thèse) et donc, en l’occurrence, du droit québécois.

16. On peut faire ici un commentaire similaire à la note précédente.

17. Les autres codes d’Amérique du Sud cités suivent le modèle chilien.