Accueil
Le quotidien du droit en ligne
-A+A
Article

Application par le juge judiciaire d’un contrat déclaré illégal par le juge administratif

Même si, saisi par la voie préjudicielle, le juge administratif a déclaré illégal un contrat d’affermage des droits de places perçus dans les halles et marchés communaux, il revient au seul juge judiciaire d’apprécier si le litige né son exécution doit se régler sur le terrain contractuel.

par Rémi Grandle 5 novembre 2013

Un litige s’est élevé entre une commune et une société, titulaire d’un contrat d’affermage des droits de places perçus dans les halles et marchés. En vertu de l’article 136 du décret du 17 mai 1809 relatif aux octrois municipaux, il appartient au juge judiciaire de statuer sur les litiges pouvant s’élever à l’occasion de tels contrats mais, conformément à la jurisprudence du Tribunal des conflits, il revenait au seul juge administratif, par le biais d’une question préjudicielle, d’apprécier « le sens et la légalité des clauses contestées » de ces contrats administratifs (T. confl., 23 avr. 2007, Commune de Cabourg, req. n° 3567, au Lebon ; AJDA 2007. 1316 ; ibid. 1711 , note M. Distel ; RTD com. 2008. 51, obs. G. Orsoni ).

Toutefois, la Cour de cassation a récemment fait usage de la faculté, ouverte depuis l’arrêt SCEA du Chéneau du Tribunal des conflits (T. confl., 17 oct. 2011, req. n° 3828, au Lebon ; Dalloz actualité, 31 oct. 2011, obs. R. Grand , chron. M. Guyomar et X. Domino ; ibid. 2011. 2041 ; D. 2011. 3046, et les obs. , note F. Donnat ; ibid. 2012. 244, obs. N. Fricero ; RFDA 2011. 1122, concl. J.-D. Sarcelet ; ibid. 1129, note B. Seiller ; ibid. 1136, note A. Roblot-Troizier ; ibid. 2012. 339, étude J.-L. Mestre ; Constitutions 2012. 294, obs. A. Levade ; RTD civ. 2011. 735, obs. P. Remy-Corlay ; RTD eur. 2012. 135, étude D. Ritleng ), d’apprécier elle-même la validité d’un contrat administratif au regard de la « jurisprudence établie » du juge administratif, sans avoir à saisir ce dernier d’une question préjudicielle (Civ. 1re, 24 avr. 2013, n° 12-18.180, Dalloz actualité, 2 mai 2013, obs. R. Grand , note J.-D. Dreyfus ; D. 2013. 1140 ; AJCT 2013. 426, obs. R. Grand ). En effet, selon cette jurisprudence, l’exigence de bonne administration de la justice fait s’effacer l’obligation qui pèse sur le juge judiciaire de renvoyer au juge administratif les contestations sérieuses portant sur la légalité d’un acte administratif « lorsqu’il apparaît manifestement, au vu d’une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal ».

L’arrêt précité de la première chambre civile concernait, lui aussi, un contrat d’affermage des droits de places perçus dans les halles et marchés, les parties s’opposant principalement sur la question de savoir si la question de la validité du contrat devait ou non être renvoyée à la juridiction administrative. Dans l’arrêt rapporté, le juge administratif avait été saisi par la voie préjudicielle et avait, en dernier ressort, déclaré illégal le contrat en cause (CE 9 mai 2011, Sté les Fils de Madame Geraud, req. n° 341118). L’irrégularité relevée par l’ordre administratif tenait à ce que la commune, préalablement à la signature du contrat, n’avait pas procédé à la consultation des organisations professionnelles intéressées, comme l’imposait l’ancien article L. 376-2 du code des communes (CGCT, L. 2224-18, al. 2, actuel). Au regard de la jurisprudence du Conseil d’État sur la nécessité pour le juge de mettre en balance la gravité des irrégularités et la loyauté des relations contractuelles (CE, ass., 28 déc. 2009, Commune de Béziers, req. n° 304802, au Lebon avec les conclusions ; Dalloz actualité, 6 janv. 2010, obs. S. Brondel ; ibid. 142 , chron. S.-J. Liéber et D. Botteghi ; D. 2011. 472, obs....

Il vous reste 75% à lire.

Vous êtes abonné(e) ou disposez de codes d'accès :