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Fouilles corporelles intégrales : le Conseil d’État, véritable garant de l’application de la loi pénitentiaire

Deux ordonnances rendues le 6 juin 2013 par le Conseil d’État permettent de faire la synthèse de la position de la haute juridiction en matière de fouilles corporelles intégrales des personnes détenues : prohibition des fouilles systématiques, permission des régimes individuels exorbitants.

par Maud Lénale 17 juin 2013

Dans leur rapport sur le bilan d’application de la loi pénitentiaire remis au garde des Sceaux le 5 juillet 2012, les sénateurs relevaient, notamment, que les fouilles intégrales, pourtant fortement limitées par l’article 57 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009, « demeurent largement pratiquées » (V. Dalloz actualité, 16 juill. 2012, obs. E. Allain isset(node/153759) ? node/153759 : NULL, 'fragment' => isset() ? : NULL, 'absolute' => )) .'"'>153759). Près d’un an plus tard, la situation a peu évolué. Le Conseil d’État était ainsi saisi de deux référés-liberté fondamentale (CJA, art. L. 521-2) relatifs à des décisions du directeur de la maison d’arrêt de Fleury Mérogis. La première note du chef d’établissement instituait, pour une période de trois mois, un régime de fouilles corporelles intégrales systématiques à l’égard de toute personne sortant des parloirs. Son annulation était demandée par la section française de l’Observatoire international des prisons. La seconde note prévoyait, quant à elle, une mesure particulière de fouille intégrale à l’issue de chacune des visites au parloir du requérant, qui en demandait la suspension.

Les deux décisions permettent utilement de réaliser une synthèse de la position de la haute juridiction sur ces questions. Le Conseil d’État estime, en effet, visant notamment les articles 22 et 57 de la loi pénitentiaire, que, « s’il est vrai que les nécessités de l’ordre public et les contraintes du service public pénitentiaire peuvent légitimer l’application aux personnes détenues d’un régime de fouilles corporelles intégrales, l’exigence de proportionnalité des modalités selon lesquelles elles sont organisées implique qu’elles soient strictement adaptées non seulement aux objectifs qu’elles poursuivent mais aussi à la personnalité des personnes détenues qu’elles concernent ; à cette fin, il appartient au chef d’établissement de tenir compte, dans toute la mesure du possible, du comportement de chaque détenu, de ses agissements antérieurs ainsi que des circonstances de ses contacts avec des tiers » (notamment fréquence de leur fréquentation des parloirs). Enfin, le Conseil d’État précise dans sa seconde décision que, lorsqu’une instruction particulière prévoit la fouille intégrale systématique d’un détenu au retour de chaque parloir, la mesure doit faire l’objet d’un réexamen à intervalles réguliers, afin de déterminer si le comportement et la personnalité du détenu justifient ou non la poursuite de ce régime exorbitant.

Depuis le revirement opéré en 2008 dans l’affaire El Shennawy (CE 14 nov. 2008, req. n° 315622, au Lebon ; AJDA 2008. 2145 ; ibid. 2389 , chron. E. Geffray et S.-J. Liéber ; D. 2008. 3013, obs. E. Royer ; ibid. 2009. 1376, obs. J.-P. Céré, M. Herzog-Evans et E. Péchillon ; AJ pénal 2009. 89, obs. É. Péchillon ; RFDA 2009. 957, obs. D. Pollet-Panoussis ; RSC 2009. 431, chron. P. Poncela ; Gaz. Pal. 4-6 janv. 2009, p. 30, note M. Herzog-Evans), de plus en plus de référés sont accueillis par les juridictions administratives en matière de fouilles corporelles pénitentiaires. Le référé liberté-fondamentale exige que soient réunies plusieurs conditions : l’urgence tout d’abord, mais aussi la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle il aurait été porté une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce alors dans les quarante-huit heures. Dans le cas des fouilles corporelles intégrales, sont notamment mises en cause plusieurs libertés fondamentales reconnues par le Conseil d’État : la liberté...

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