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Le droit en débats

Avocats : tensions sur la trésorerie et les cotisations sociales

Par Gaël Le Faou le 31 Mars 2014

Les cotisations sociales sont dues annuellement. En principe, elles sont calculées, à titre provisionnel, en pourcentage du revenu d’activité de l’avant-dernière année (N-2). Lorsque le revenu d’activité de l’année au titre de laquelle elles sont dues est définitivement connu, les cotisations font l’objet d’une régularisation.

Ainsi, en 2014 un avocat doit payer des cotisations provisionnelles basées sur ses revenus 2012. Les cotisations seront ensuite ajustées lorsque le revenu 2014 sera connu.

Cette situation, logique au regard des modalités de déclarations de revenus, peut toutefois entraîner des difficultés de trésorerie. En effet, l’année 2012 a pu être une bonne année et l’année 2014, crise aidant, peut s’annoncer difficile. Dès lors, si des réserves financières n’ont pas été constituées, comment payer les cotisations provisionnelles basées sur des bénéfices élevés ?

On sait que le législateur a souhaité limiter le décalage entre les revenus définitifs et l’assiette des cotisations provisionnelles en ajustant, de manière automatique, sur la base du revenu N – 1, dès qu’il est déterminé, les cotisations provisionnelles dues au titre de l’année N, initialement calculées sur la base du revenu N – 2 (article 26 de la loi n°2013-1203 du 23 décembre 2013) .

Toutefois, la réalité de N-1 peut être différente de celle de N et des mesures plus urgentes peuvent s’imposer.

Sur ce point, l’article L 131-6-2 du Code de la sécurité sociale offre une solution. Il énonce que « sur demande du cotisant, les cotisations provisionnelles peuvent être calculées sur la base du revenu estimé de l’année en cours ». Les revenus estimés doivent être transmis au RSI pour les cotisations maladie-maternité ; l’URSSAF pour les cotisations d’allocations familiales, contributions sociales et formation professionnelle et à la CNBF pour les cotisations retraites.

L’ajustement prend effet à compter de la prochaine échéance qui suit d’au moins quinze jours la date de la demande. Un nouvel échéancier de paiement tenant compte des montants déjà appelés ou payés est transmis au cotisant. Cette faculté ne peut être exercée qu’une seule fois au titre de la même année (article R 131-5 du Code de la sécurité sociale).

Cette faculté doit néanmoins être exercée avec prudence. En effet, l’article L 131-6-2 énonce que lorsque le revenu définitif est supérieur de plus d’un tiers au revenu estimé par le cotisant, une majoration de retard est appliquée sur la différence entre les cotisations provisionnelles calculées dans les conditions de droit commun et les cotisations provisionnelles calculées sur la base des revenus estimés, sauf si les éléments en la possession du cotisant au moment de sa demande justifiaient son estimation.

L’article D 131-3 du Code de la sécurité sociale énonce que « lorsque le revenu définitif est supérieur de plus d’un tiers au revenu estimé par le cotisant, le taux de la majoration de retard applicable à la différence mentionnée au quatrième alinéa de l’article L. 131-6-2 est de 5 % lorsque le revenu définitif est inférieur ou égal à 1,5 fois le revenu estimé de l’année considérée et de 10 % lorsque le revenu définitif est supérieur à 1,5 fois le revenu estimé de l’année considérée ».

Exemple :
Revenu définitif 2014 : 30 000 €
Revenu 2012 : 50 000 €
Revenu estimé pour 2014 : 15 000 €
Acomptes normalement dus : 6 700 €
Acomptes versés : 2 010 €
- Calcul du seuil de déclenchement
La marge d’erreur acceptée pour un revenu définitif de 30 000 € étant de 10 000 € (1/3), le cotisant avait la possibilité de moduler ses acomptes sur un revenu compris entre 30 000 € et 20 000 €.
Ayant estimé son revenu à 15 000 €, la majoration est applicable. En effet : 30 000 € - 33,33% > 15 000 €.
- Calcul de l’insuffisance de versement et de la majoration
En l’absence de modulation, le cotisant aurait normalement dû verser 6 700 €. Or, il n’a versé à titre provisionnel que 2 010 €. L’insuffisance de versement est donc de 4 690 €.
Le revenu définitif (30 000 €) étant supérieur à 1,5 fois le revenu estimé pour 2014 (15 000 x 1,5 = 22 500 €), la majoration applicable est 10 %. Ainsi, le montant de la majoration de retard s’élève à 469 €.

Le cotisant pourra éviter la majoration s’il fournit aux organismes sociaux les éléments de nature à justifier son estimation. Ainsi, en pratique, il conviendra de bien argumenter l’estimation des revenus pour pourvoir ensuite, le cas échéant, négocier l’exemption de la majoration plus aisément.

La possibilité de moduler les cotisations provisionnelles est une solution intéressante pour faire face à un manque ponctuel de trésorerie.

Dans le cadre des réformes envisageables sur ce point, la moyenne triennale sociale pratiquée par le régime agricole mériterait d’être regardée d’un peu plus près. C’est une solution souvent pertinente pour éviter les désagréments de fortes fluctuations de revenus d’une année sur l’autre sans risquer des majorations de retard.