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Le droit en débats

Il est urgent de protéger les informations stratégiques des entreprises

Le 9 juin 2018 est la date à laquelle la France doit avoir transposé la directive européenne prescrivant la mise en place d’un régime de protection du secret des affaires1. Trois mois est le temps qui reste à attendre aux entreprises françaises pour pouvoir enfin, après des années de patience, bénéficier d’un régime de protection de leurs informations stratégiques2, dont on a toutes les raisons d’espérer qu’il sera efficace. Il est grand temps !

L’appropriation d’informations stratégiques peut entraîner des préjudices majeurs, se chiffrant en millions d’euros. Pourtant, contrairement aux États-Unis qui se sont armés efficacement contre la subtilisation de données stratégiques dès les années 19903, la France reste étonnamment mal équipée pour protéger les intérêts de ses entreprises, tant les dispositifs actuels paraissent inadaptés aux enjeux actuels. C’est la raison pour laquelle il est primordial que la France saisisse pleinement l’opportunité qui se présente aujourd’hui de consacrer la protection du secret des affaires.

Le droit français insuffisant pour protéger efficacement les entreprises

Le cadre juridique actuel de protection des informations stratégiques est insuffisant et inadapté au risque nouveau qui se développe.

Absence de dispositif de protection efficace des informations stratégiques

Lorsque le sujet de la protection des informations stratégiques des entreprises est abordé en France, sont systématiquement cités le secret des affaires ni la loi de blocage. Pourtant, aucun de ces concepts n’a de véritable impact aujourd’hui.

Le secret des affaires : une protection jamais consacrée

Invoqué par les entreprises et leurs conseils, le secret des affaires est devenu, ces dernières années, un argument incontournable dans nombre de procédures judiciaires. Il entre à ce titre régulièrement dans la balance des intérêts à laquelle procèdent les magistrats, jusqu’à être expressément mentionné dans des décisions de justice. Sans jamais en fournir une définition, la Cour de cassation se réfère à cette notion pour faire obstacle aux mesures d’instruction in futurum prévues par l’article 145 du code de procédure civile4. Elle a également eu l’occasion de défendre le secret des affaires dans des contextes aussi variés que la saisie-contrefaçon5, le respect du principe du contradictoire6 ou le droit social7.

Cependant, en dépit de ses obligations internationales8, de tentatives parlementaires pour lui donner un cadre légal9, et du fait que l’expression « secret des affaires » est mentionnée dans un nombre conséquent de lois et de règlements10, le législateur français n’a jamais défini cette notion ni, a fortiori, bâtit de régime spécifique assurant sa protection. Seuls quelques textes disparates permettent d’en assurer une protection partielle et spécieuse11.

Ainsi, à défaut de cadre juridique solide, la jurisprudence tente de donner au secret des affaires la place qui devrait lui appartenir. Si elles doivent être saluées, ces tentatives ne sont malheureusement pas à la hauteur de l’enjeu que représente aujourd’hui la protection des données sensibles des entreprises.

La loi de blocage : le « tigre de papier »

Promulguée en 196812  et renforcée en 198013, la loi de blocage a pour objectif d’empêcher des autorités étrangères d’obtenir, par le biais de mesures ou procédures extraterritoriales, des informations (incluant potentiellement des informations stratégiques) auprès d’entreprises françaises. Pour ce faire, elle offre aux entreprises la possibilité de refuser la communication demandée au motif que la France sanctionnerait une telle dilapidation du patrimoine national. Elle expose théoriquement au risque pénal une société qui communiquerait à une autorité étrangère des informations de nature soit à porter atteinte aux intérêts de la France14, soit à servir de preuve contre cette société15.

Invoqué pour tenter de se soustraire parfois sans fondement sérieux aux demandes étrangères, le « tigre de papier »16  n’effraie ni ne sauve plus personne. L’astuce a fait long feu.

D’une part, les autorités étrangères ne sont plus dupes de la portée toute relative de ce mécanisme. Ainsi, la Cour suprême américaine, dans une décision Aérospatiale du 15 janvier 198717, a jugé que l’existence d’une loi de blocage étrangère ne privait pas une juridiction américaine du pouvoir d’ordonner la communication de documents dans le cadre d’une procédure de discovery et ne constituait pas, en soi, une excuse de nature à justifier le manquement de l’une des parties. Cette décision a été depuis plusieurs fois confirmée devant des tribunaux fédéraux18. Le constat opéré par les juridictions américaines est renforcé par le fait qu’à ce jour, une seule condamnation pénale a été prononcée en application de l’article 3 de la loi de blocage, pour une situation en outre très spécifique19. Les juridictions du Royaume-Uni sont parvenues à la même conclusion20.

D’autre part, pour contourner les dispositifs peu efficients de blocage, les législateurs européens et français ont autorisé et incité les autorités administratives à conclure des accords bilatéraux avec leurs homologues offrant un cadre procédural clair et défini aux demandes d’informations et dérogeant, dans certains cas liés à l’exercice de leurs prérogatives, aux dispositions de la loi de blocage21. Ces memoranda of understanding, soft law en principe non contraignante mais constamment appliquée par les autorités, concernent surtout les milieux financiers et comptables : AMF/SEC, H3C/PCAOB, ACPR22.

Dans le cadre de procédures administratives revêtant un caractère international (par exemple, une enquête concomitante de la SEC et de l’AMF), l’autorité étrangère sollicite la communication d’informations à son homologue française sur le fondement du protocole d’accord, sans risque de se voir opposer la loi de blocage qui n’est pas applicable dans ce cas précis. Cet affaiblissement de la portée de la loi de blocage est symbolique du mal dont souffre la protection des informations sensibles en France et de la nécessité de réformer, pour les adapter aux besoins des entreprises actuels, l’ensemble des dispositifs applicables.

Cette insuffisance peut avoir des conséquences dommageables importantes dans un contexte international où les autorités étrangères, principalement américaines, profitent de cette faiblesse juridique pour s’emparer d’informations stratégiques d’entreprises françaises.

Le risque lié aux enquêtes extraterritoriales étrangères

DOJ, FCPA, SFO, BA, SEC, PCAOB23, etc. Si les institutions et les textes connus par ces acronymes se limitaient autrefois à de rares apparitions dans l’univers judiciaire français et n’étaient remarqués que par certains initiés, elles deviennent le quotidien de plus en plus d’entreprises françaises et notamment de leurs directeurs juridique et compliance. Elles symbolisent l’étendue des investigations menées en France par des autorités notamment américaines grâce à l’extraterritorialité, et leurs conséquences.

La recrudescence des procédures extraterritoriales

Premièrement, le nombre et l’intensité des actions des institutions judiciaires et de régulation américaines contre des entreprises françaises connaissent un développement continu et ininterrompu. L’extraterritorialisation des pouvoirs d’investigation et de juridiction américains, dont une étape majeure a été l’adoption de la loi Sarbanes-Oxley en 2002, s’est toujours appuyée sur la pratique du discovery qui autorise de véritables expéditions de recherche documentaire sans limite de frontière. Elle connaît aujourd’hui une accélération importante portée par deux canaux principaux.

D’une part, le mouvement global de lutte anticorruption, dont il faut d’abord saluer l’efficacité. Initié et porté par les États-Unis et leur tout-puissant DOJ, bras armé du Foreign Corrupt Practice Act, il a pour conséquence le développement exponentiel des procédures extraterritoriales américaines.

D’autre part, les autorités de régulation sectorielles américaines ne cessent d’élargir leur champ d’action, comme en témoigne la multiplication des affaires impliquant des entreprises françaises24. Cette montée en puissance des autorités américaines sur le territoire français est accentuée par la généralisation de deux pratiques : le contournement des règles de coopération judiciaire internationale et le deal of justice25. L’effet secondaire de cette efficace médecine ne doit pas être négligé : la France perd peu à peu la maîtrise de sa souveraineté judiciaire.

La conséquence cachée de ces procédures

Deuxièmement, la multiplication des interventions des autorités américaines en France a une conséquence indirecte non négligeable : elle permet un accès libre sans fin aux informations stratégiques d’entreprises françaises. En effet, dans le cadre des enquêtes menées par ces autorités, la communication d’un nombre considérable de documents est sollicitée. Toute opposition à la communication de ces documents étant immédiatement interprétée par l’autorité requérante comme un refus de coopérer, un aveu de culpabilité, dont la sanction est lourde, les entreprises étrangères préfèrent souvent obtempérer.

Ainsi, par le biais de ces enquêtes, les autorités américaines recueillent sur leur territoire un grand nombre d’informations, dont des informations stratégiques. À tel point que le député Jean-Jacques Urvoas avait, dans son Rapport sur le renseignement de 2014, qualifié ces procédures d’« espionnage paré des vertus de la légalité »26. Sans aller jusque-là, il faut noter qu’en effet, elles ont pour conséquence la fuite inexorable et préjudiciable d’informations stratégiques appartenant aux entreprises françaises, sous un couvert parfaitement légal.

Cette situation, qui ne concerne pas seulement la France, n’est pas saine. Le législateur européen en a fait le constat et en a tiré les conséquences.

L’opportunité à saisir : la transposition de la directive « Secret des affaires »

Le 8 juin 2016, L’Union européenne a adopté une directive prévoyant la mise en place d’un dispositif de protection du secret des affaires27. Le 19 février 2018, plusieurs députés de la majorité présidentielle ont déposé une proposition de loi de transposition de ce texte devant l’Assemblée nationale28. Si la proposition de transposition déposée à l’Assemblée nationale apporte quelques modifications sémantiques justifiées, elle opère surtout une mise à jour des définitions fournies par le texte européen et une mise en place des mesures, des procédures et des réparations prescrites par la directive. Par conséquent, à défaut d’innovation majeure, la proposition de loi conserve les qualités et les limites du texte initial et devra être complétée pour assurer une protection efficace du secret des affaires face aux menaces que constituent les demandes des autorités étrangères.

La proposition de loi de transposition du 19 février 2018 : apports et limites

Les apports et les limites de la proposition de loi sont directement hérités du texte européen.

Les apports de la proposition de loi

En premier lieu, la proposition de loi reprend très largement les définitions fournies par la directive. Ainsi, si la définition du secret des affaires initialement fournie a été légèrement remaniée par les rédacteurs de la proposition de loi, son principe demeure : on entend ainsi par secret des affaires, au sens de ces deux textes, toute information protégée à laquelle le caractère secret (pour un sachant ordinaire du domaine concerné) donne une valeur commerciale29. Ensuite, adaptant légèrement les définitions fournies par la directive, la proposition de loi suggère les critères permettant de déterminer si l’obtention, l’utilisation ou la divulgation d’un secret des affaires sont licites ou illicites30.

En second lieu, répondant aux prescriptions de la directive, la proposition de loi crée un ensemble de mesures de prévention et de réparation de l’atteinte au secret des affaires31. Ainsi l’article L. 152-1 prévoit que « toute atteinte au secret des affaires telle que prévue aux articles L. 151-3 à L. 151-5 engage la responsabilité civile de son auteur ». Le texte prévoit ensuite une série de mesures de nature à prévenir et faire cesser une atteinte au secret des affaires, le cas échéant sous astreinte (art. L. 152-2) et surtout des règles de fixation des dommages-intérêts alloués en cas de violation (art. L. 152-3), lesquelles prennent en considération le dommage économique causé, le préjudice moral et les bénéfices réalisés par l’auteur de la violation.

Ainsi, en transposant fidèlement le texte européen, la proposition de loi consacrerait la notion de secret des affaires et sa protection, ce qui constitue une avancée majeure en droit français. Malheureusement, ce texte ne se défait pas des quelques limites du texte européen.

Les limites de la proposition de loi

En choisissant une transposition presque mot à mot du texte européen, les rédacteurs français ne conservent pas que ses apports, ils reproduisent aussi ses faiblesses.

Ainsi, la définition du secret des affaires proposée, dont le champ est limité aux informations que l’« homme de métier » – spécialiste du domaine d’activité concerné – est réputé connaître, pêche en ce qu’elle ne couvre que les informations dont même les spécialistes n’auraient pas connaissance, excluant de ce fait une information stratégique détenue par une personne non spécialiste. Cette focalisation sur la technicité de l’information pourrait, à l’usage, s’avérer trop restrictive32.

En outre, l’article L. 151-6 du code de commerce tel que proposé énonce que le secret des affaires n’est pas protégé « lorsque l’obtention, l’utilisation ou la divulgation du secret est requise ou autorisée par le droit de l’Union ou le droit national ». Les motifs de la loi précisent, en reprenant le principe de l’article 1.2.b) de la directive, que cette disposition vise à empêcher que le secret des affaires fasse obstacle « à l’application des règles permettant aux autorités publiques de recueillir, divulguer ou utiliser des informations dans l’exercice de leurs fonctions ». L’imprécision de cette disposition pose un problème majeur : une requête émanant d’une autorité étrangère, sur le fondement d’un protocole d’accord passé entre elle et son homologue française ou sur le fondement d’une commission rogatoire internationale, doit-elle être considérée comme étant autorisée par le droit de l’Union ou le droit national et justifier la transmission à une autorité étrangère d’informations couvertes par le secret des affaires ? Si tel est le cas, on comprend mal l’intérêt d’un texte protégeant le secret des affaires mais consacrant dans un même mouvement les exceptions à cette barrière.

Enfin, le texte de la directive et, par conséquent, celui de la proposition de transposition sont fondamentalement civilistes et consacrent, plus qu’un arsenal de protection du secret des affaires, un droit à la réparation de la violation de ce secret. Cette approche, si elle peut être efficace dans un contexte privé et national, peine à convaincre dans un contexte international de concurrence. En effet, comment évaluer le dommage potentiel causé par l’usage ou la publicité d’une information sensible recueillie dans le cadre d’une enquête ? Et à qui en demander la réparation ? La réponse ex-post indemnitaire proposée aujourd’hui n’est pas suffisante. Elle démontre en tout état de cause que la protection des données sensibles face aux demandes émanant d’autorités étrangères n’a pas été envisagée dans la construction des deux textes.

Néanmoins, la proposition de loi peut encore utilement être amendée.

Une proposition de loi à muscler

Afin d’atteindre les objectifs nécessaires de protection du secret des affaires face aux demandes émanant des autorités étrangères, la future loi de transposition devra être étoffée et proposer un cadre procédural adapté.

Les amendements nécessaires

La question de la protection des données stratégiques des entreprises face aux demandes de communication des autorités étrangères a manifestement été oubliée dans le processus d’élaboration de la directive et, par conséquent, de la proposition de loi. Cet oubli doit impérativement être corrigé.

Il est ainsi primordial de clarifier le champ d’application de l’article L. 151-6 du code de commerce tel que proposé, au besoin par un article dédié afin qu’une entreprise puisse, lorsque c’est légitime, solliciter la protection du secret des affaires face à une demande de communication, par principe lorsque cette demande provient d’une autorité d’un pays non membre et par exception lorsqu’elle provient d’une autorité d’un État membre.

En outre, il est nécessaire de dépasser le caractère civiliste du mécanisme et prévoir un arsenal répressif adapté, le mécanisme compensatoire proposé n’étant pas de nature à freiner les autorités et les États. Le législateur en a toujours eu l’intention, tous les projets et propositions de loi ou amendements relatifs au secret des affaires ayant comporté un volet pénal. Il en a le pouvoir, la directive étant d’harmonisation minimale33.

Ces modifications rejoindraient l’initiative de la proposition de loi Carayon qui proposait de rapprocher les régimes de la loi de blocage et du secret des affaires. La transposition de la directive « Secret des affaires » pourrait ainsi être l’occasion de procéder à une refonte de la loi de blocage qui renouvellerait et moderniserait ses dispositions, et clarifierait leur application afin non pas de créer un outil de dissuasion mais d’établir un espace de discussion entre autorités étrangères, sous le contrôle d’un juge : une loi plus claire, mieux applicable et plus crédible.

Un cadre procédural spécifique

Pour qu’elle soit pleinement efficace, il est en outre nécessaire que la faculté d’opposition de l’entreprise repose sur un cadre procédural spécifique qui devra répondre à trois caractéristiques : le caractère juridictionnel, la célérité et le caractère exceptionnel.

Premièrement, pour ne pas reproduire les défauts de la loi de blocage en laissant la responsabilité du refus à l’entreprise elle-même, il est nécessaire de juridictionnaliser le refus de communication de l’entreprise : un juge doit trancher le caractère sensible d’une information et sa communicabilité. Avec une définition officielle et lisible du secret des affaires, le juge en aura les moyens, il faut lui en donner le pouvoir.

Une telle décision, rendue par un magistrat indépendant, serait ainsi bien plus crédible face à la demande de l’autorité étrangère et permettrait notamment d’apporter une véritable opposition à un éventuel subpoena étranger exigeant la communication des informations requises (comme cela peut être le cas dans l’hypothèse d’un refus initial de communication).

Deuxièmement, pour que ce système soit efficace, il devra être souple et rapide. Le temps laissé à une entreprise pour communiquer des informations et, par conséquent, pour opposer un refus n’est pas compatible avec le temps judiciaire commun. Il est donc nécessaire de prévoir une procédure d’urgence, permettant d’obtenir une réponse judiciaire dans des délais très courts. Ainsi, cette procédure pourrait par exemple prendre la forme d’un « référé secret des affaires » soumis à la compétence exclusive du président du tribunal de commerce dans le ressort duquel se situe le siège de l’entreprise sollicitée (y compris lorsque la demande vise le représentant de l’entreprise). Une telle procédure assurerait la célérité du traitement, par un magistrat consulaire souvent au fait de ce type de problématiques et compétent pour les traiter. Nos tribunaux de commerce sont loués, à raison, pour la compétence de leurs juges : mettons-la à profit ! En outre, l’article L. 153-1 tel que proposé assure que le respect du secret des affaires en cause sera également assuré durant la procédure.

Troisièmement, pour qu’un tel système soit pérenne, le recours à cette procédure doit rester exceptionnel. Le « référé secret des affaires » ne devrait donc pas pouvoir être utilisé pour trancher toute question relative à la qualification de secret des affaires, ces questions pouvant tout à fait ressortir du contentieux de droit commun (en référé ou non). Il devrait être réservé aux entreprises qui font face à une demande de communication d’une autorité étrangère.

 

Amendement proposé par ***
Au nom de ***

Article 1
I. Dans le I du texte proposé par cet article pour l’article L. 151-6 du code de commerce, avant les mots « Le secret des affaires n’est pas protégé », a
jouter les mots « Sans préjudice des dispositions de l’article L. 151-7 » et, après les mots « autorisée par le droit de l’Union ou le droit national », ajouter les mots « à l’exception des cas prévus par l’article L. 151-7 ».
II. Au texte proposé pour la section 4 du chapitre Ier du Titre V du Livre I du code de commerce, ajouter un article L. 151-7 énonçant comme suit : 
« Art. L. 151-7 – I. – Sous réserve des traités ou accords internationaux et des lois et règlements en vigueur, il est interdit à toute personne de demander, de rechercher ou de communiquer, par écrit, oralement ou sous toute autre forme, des informations à caractère économique protégées relevant du secret des affaires tendant à la constitution de preuves en vue de procédures judiciaires ou administratives étrangères ou dans le cadre de celles-ci. II. – Lorsqu’une demande de communication d’informations à caractère économique protégées relevant du secret des affaires émane d’une autorité administrative ou judiciaire étrangère, le président du tribunal de commerce dans le ressort duquel se situe le siège social de la personne morale sollicitée ou son représentant, lorsque ce dernier est sollicité, est exclusivement compétent pour déterminer si l’information sollicitée est une information protégée au titre des articles L. 151-1 et suivants et si, le cas échéant, la société est fondée à s’opposer à la demande de l’autorité requérante sur le fondement de l’alinéa I. Le président du tribunal de commerce statue à bref délai dans la forme des référés. III. – Toute infraction aux dispositions de l’alinéa I sera punie d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende. »

 

 

 

 

1.  Dir. (UE) 2016/943 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites (ci-après, la « directive “Secret des affaires” » ou la « directive »).
2.  On entend ici par information stratégique toute information (quel que soit sa forme ou son support) qui est précieuse à une entreprise parce qu’elle lui assure un avantage compétitif par rapport à ses concurrents. En d’autres termes, elle est stratégique car sa transmission à un autre acteur du marché est de nature à nuire à l’entreprise qui la possède. Il peut s’agir de secrets de fabrication, de plans stratégiques, de données liées aux clients ou aux fournisseurs, etc.
3. Avec l’adoption de l’Economic Espionage Act.
4. Civ. 2e, 7 janv. 1999, n° 95-21.934, Bull. civ. II, n° 4 ; D. 1999. 34  ; 25 mai 2000, n° 97-17.768 ; 8 févr. 2006, n° 05-14.198, Bull. civ. II, n° 44 ; D. 2006. 532 ; ibid. 2923, obs. Y. Picod, Y. Auguet, N. Dorandeu, M. Gomy, S. Robinne et V. Valette ; ibid. 2007. 1901, obs. P. Delebecque, J.-D. Bretzner et T. Vasseur ; Com. 8 déc. 2009, n° 08-21.225.
5. Civ. 1re, 8 déc. 1998, n° 96-1650.
6. Com. 9 juill. 1996, n° 94-16.223, Bull. civ. IV, n° 214 ; D. 1996. 191 .
7. Soc. 15 mars 2000, n° 98-46.096.
8. La France, en tant que membre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), est partie au traité ADPIC, signé en 1993 et entré en vigueur en 1994, lequel fournit à l’article 39.2 une définition du secret des affaires et impose aux membres de l’OMC d’en assurer la protection.
9. En dernier lieu, un amendement proposé pour le projet de loi pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances (n° 2447) proposait une définition du secret des affaires ainsi qu’une lourde sanction pour la prise de connaissance, la révélation sans autorisation ou le détournement de toute information protégée au titre du secret des affaires, ou la simple tentative de ce délit (amendement n° SPE1810 [rect.] du 12 janv. 2015 présenté par M. Ferrand). Cet amendement avait finalement été supprimé face aux critiques en faveur de la liberté d’expression et de la presse (« Loi Macron, le “secret des affaires” enterré à l’Assemblée », L’Obs, 13 févr. 2015).
10. De nombreux textes législatifs et réglementaires français se réfèrent au secret des affaires, sans cependant fournir ni une définition de cette notion ni un régime de protection. L’expression « secret des affaires » est ainsi présente dans 17 lois, 63 décrets et 229 arrêtés.
11. Notamment les délits d’atteinte au secret professionnel (C. pén., art. 226-13), d’escroquerie (art. 313-1), d’atteinte au secret des correspondances (art. 226-15), de vol (art. 311-1), d’abus de confiance (art. 314-1), de recel (art. 321-1 s.), d’intrusion dans les systèmes informatisés de données (art. 323-1) ou d’entrave au fonctionnement de ceux-ci (art. 323-2), d’atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation (art. 411-6 s.), de révélation par un directeur ou un salarié d’un secret de fabrique (C. trav., art. L. 1227-1 ; CPI, art. L. 621-1), de violation des droits du propriétaire de dessins et modèles (art. L. 521-1) ou des titulaires des brevets (art. L. 615-1 s.).
12. L. n° 68-678, 26 juill. 1968, relative à la communication de documents et renseignements d’ordre économique, commercial, industriel, financier ou technique à des personnes physiques ou morales étrangères (la « loi de blocage »).
13. L. n° 80-538, 16 juill. 1980 relative à la communication de documents et renseignements d’ordre économique, commercial ou technique à des personnes physiques ou morales étrangères.
14. Loi de blocage, art. 1.
15. Loi de blocage, art. 1 bis.
16. Rapport de monsieur le Député Carayon sur sa proposition de loi, n° 4159, p. 19.
17. Société nationale industrielle aérospatiale v. United States District Court, 482 U.S. 522 (1987).
18. Not. Adidas (Canada) Ltd v. SS Seatrain Bennington, WL 423 SDNY, 30 mai 1984.
19. Crim. 12 déc. 2007, n° 07-83.228, D. 2008. 2820, obs. P. Delebecque, J.-D. Bretzner et T. Vasseur ; Rev. sociétés 2008. 882, note D. Barlow ; Rev. crit. DIP 2008. 626, note D. Chilstein ; RTD com. 2008. 639, obs. B. Bouloc ; ibid. 903, obs. P. Delebecque  ; à rapprocher égal. de Nancy, 4 juin 2014, nos 1335/14 et 14/01547.
20. Queen’s Bench Division, Partenreederi M/S "Heidberg" v. Grosvenor Grain and Feed Company Ltd, 31 mars 1993.
21. V. C. com., art. L. 632-16 pour l’AMF et art. L. 821-12-4 pour le H3C.
22. AMF, Securities and Exchange Commission, Haut Conseil du commissariat aux comptes, Public Company Accounting Oversight Board, Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.
23. Respectivement : Department of Justice, Foreign Corrupt Practice Act, Serious Fraud Office, Bribery Act, Securities Exchange Commission, Public Company Accounting Oversight Board.
24. À ce titre, l’affaire BNP Paribas en 2015 est symbolique.
25. Accord transactionnel conclu avec les autorités de poursuite permettant d’éviter une condamnation, pénalisante pour l’accès à certains marchés, contre le paiement d’une forte amende et le maintien d’un comportement exemplaire pendant trois ans.
26. Rapport relatif à l’activité de la délégation parlementaire au renseignement pour l’année 2014, n° 2482, J.-J. Urvoas, p. 38.
27. Dir. 2016/943, 8 juin 2016, sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites.
28. Proposition de loi n° 675 portant transposition de la directive du Parlement européen et du Conseil sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites.
29. La proposition de loi précise : « Art. L. 151-1. – Est protégée au titre du secret des affaires toute information présentant l’ensemble des caractéristiques suivantes : 1° Elle n’est pas, en elle-même ou dans la configuration et l’assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible à une personne agissant dans un secteur ou un domaine d’activité traitant habituellement de cette catégorie d’information ; 2° Elle revêt une valeur commerciale parce qu’elle est secrète ; 3° Elle fait l’objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables pour en conserver le secret ».
30. Dir., art. 3 et 4 et C. com., art. L. 151-1 à L. 151-5 tels que proposés dans la proposition de loi.
31. C. com., art. L. 152-1 à L. 153-1 tels que proposés dans la proposition de loi.
32. V. en ce sens les remarques pertinentes du Rapport d’information n° 2856 du 9 juin 2015, préparé par A. Linkenheld afin de soutenir une résolution devant le Parlement européen pour obtenir une modification du texte avant son adoption.
33. Dir., art. 1.