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Le droit en débats

L’éthylotest antidémarrage, une opportunité pour la défense

Par Étienne Madranges le 11 Juillet 2017

L’éthylotest antidémarrage (EAD) a été introduit dans le droit pénal par les articles 71 à 73 et 137 de la loi n° 2011-267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure.

Le principe est d’interdire à un délinquant routier condamné de conduire un véhicule non muni d’un dispositif EAD.

La loi n° 2014-896 du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales a, en son article 52, apporté un complément important en instituant l’EAD comme peine de substitution à l’emprisonnement.

La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, en son article 34, a apporté un dernier complément au code de la route et au code pénal.

Dans la circulaire qu’il a adressée le 4 avril 2017 aux parquets, le garde des Sceaux relève que l’introduction du dispositif innovant EAD dans l’éventail des réponses pénales fournit aux parquets un instrument supplémentaire de lutte conte la réitération des comportements accidentogènes dus à l’alcool au volant.

S’il s’agit d’un bon instrument pour le ministère public, il s’agit aussi d’un excellent outil pour la défense, que les avocats pénalistes doivent utiliser au profit de leurs clients.

La fiabilité du dispositif est techniquement établie (l’EAD est obligatoire dans les autocars et les véhicules destinés au transport d’enfants). L’appareil ne peut être installé que par un technicien qualifié par l’UTAC (Union technique de l’automobile et du cycle) puis agréé par la préfecture. Il en existe en moyenne, sauf exception, au moins deux par département, parfois plus. Lors de la mise en place, un étalonnage est fixé en fonction de la catégorie d’utilisateur : 0,1 mg/l d’air expiré pour les titulaires d’un permis probatoire, 0,25 mg/l pour les autres conducteurs. Il faudra un premier souffle avant le démarrage, puis un second souffle quelques minutes après le départ, amenant le conducteur à s’arrêter (afin de vérifier que celui qui a ingurgité de l’alcool peu avant le départ n’est pas en phase ascendante). Le coût d’installation, à la charge du conducteur, varie de 1 100 à 1 500 €. L’appareil peut être loué.

Au sein des tribunaux de grande instance, il existe un parquetier référent EAD et un greffier référent EAD au service de l’exécution des peines.

L’EAD est une mesure également à la disposition des préfets, notamment après avis de la commission médicale, à la suite d’une décision du 2 octobre 2015 du comité interministériel de la sécurité routière, mais limitons notre propos au champ pénal.

Si l’EAD est désormais une obligation nouvelle pouvant être prononcée dans le cadre du sursis avec mise à l’épreuve, de la contrainte pénale, de la libération conditionnelle, d’une libération sous contrainte, d’un aménagement de peine (C. pén., art. 132-45), s’il est aussi une mesure de sûreté dans le cadre d’un contrôle judiciaire, il peut, d’une part, être prononcé à titre de peine complémentaire (atteintes à la vie, refus de se soumettre aux vérifications, etc.) et, d’autre part, constituer une peine alternative à l’emprisonnement.

C’est en cela qu’il intéresse la défense des conducteurs. Évidemment, il est sans effet dans le cas des condamnations entraînant de plein droit l’annulation du permis de conduire, par exemple pour homicide involontaire aggravé (C. pén., art. 221-6-1), ou pour conduite en état alcoolique en récidive.

Dans tous les autres cas où la suspension et l’annulation du permis sont facultatives, mais courantes dans les juridictions correctionnelles qui en font un usage systématique, il faut plaider l’EAD. Certes, le coût est élevé mais cet inconvénient est bien moindre que la perte d’un emploi et la désocialisation d’un père ou d’une mère de famille.

Il n’est pas interdit à la personne faisant l’objet d’une procédure de déclarer spontanément, dans une affaire simple sans victime, qu’elle accepte le principe d’une composition pénale. Il a été ajouté à l’article 41-2 du code de procédure pénale, qui énonce que « le procureur de la République, tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement, peut proposer, directement ou par l’intermédiaire d’une personne habilitée, une composition pénale à une personne physique qui reconnaît avoir commis un ou plusieurs délits punis à titre de peine principale d’une peine d’amende ou d’une peine d’emprisonnement d’une durée inférieure ou égale à cinq ans, […] qui consiste en une ou plusieurs des mesures suivantes : […] », un alinéa 4 bis : « Suivre un programme de réhabilitation et de sensibilisation comportant l’installation à ses frais d’un éthylotest antidémarreur sur son véhicule, pour une période minimale de six mois et maximale de trois ans ». Le procureur peut même dispenser le conducteur faisant l’objet de la composition pénale de suivre le stage de sensibilisation à la sécurité routière prévu par l’alinéa 1 de l’article R. 15-33-41-1 du code de procédure pénale.

Si la personne poursuivie est traduite devant la juridiction pénale, l’EAD peut être prononcé à titre de peine alternative à l’emprisonnement (C. pén., art. 131-6, al. 5 bis). En application de l’article 131-4-1 du code pénal, le greffier remet à la personne condamnée un certificat qui se substitue au permis de conduire pendant la durée de l’interdiction de conduire un véhicule non équipé de l’EAD. Il faut alerter le condamné sur les risques encourus (nouvelles poursuites qui seront sévères) en cas de non-respect de la mesure (conduite ultérieure sans EAD, fraude en faisant souffler un tiers avant le départ, etc.).

L’EAD est un bel outil de prévention à vocation pédagogique qui permet d’éviter la perte provisoire du permis de conduire. C’est une opportunité qu’il faut plaider chaque fois que cela est possible, en particulier lorsque le délinquant risque de perdre son emploi et de se retrouver en grande précarité.