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Le droit en débats

Projet de loi de réforme de la justice : la raréfaction de l’accès au juge en matière pénale

Par Arnaud Coche le 30 Avril 2018

Le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice1, inspiré2 du rapport Beaume et Natali du 15 janvier 20183, est essentiellement guidé par la volonté de réaliser des économies budgétaires4. Plutôt que de recruter des magistrats et des greffiers en nombre suffisant, le projet préfère supprimer ou diminuer les audiences. Lorsqu’une audience paraît inévitable, il voudrait faire siéger moins de juges. Or il n’est pas certain que les économies escomptées se réalisent car la réforme n’a pas5 été précédée d’une étude d’impact tenant compte des incidences de la raréfaction de l’accès au juge sur la récidive ; dont le coût humain et financier est très important. Quoi qu’il en soit, cette raréfaction entraînerait une diminution considérable des droits des justiciables, qu’il s’agisse des victimes (I) ou des prévenus (II).

I – Le parcours du combattant imposé aux victimes

A – La plainte avec constitution de partie civile

L’exposé des motifs indique que l’article 33 du projet de loi « encadre (…) les plaintes avec constitution de partie civile devant le juge d’instruction, en portant de 3 à 6 mois le délai imposé au procureur pour répondre à une plainte simple avant que la victime ne puisse saisir le juge, en exigeant un recours hiérarchique devant le procureur général en cas de classement sans suite, et en permettant au juge de refuser l’ouverture d’une information lorsque celle-ci est inutile et qu’une citation directe de la victime est possible ». Cette réforme, selon le rapport Beaume et Natali, serait rendue nécessaire pour lutter contre les abus des constitutions de partie civile qui occuperaient une part significative des cabinets d’instruction6.

Si la réforme est adoptée, l’accès des victimes au juge d’instruction, déjà freiné par l’actuel article 85, alinéa 2, du code de procédure pénale qui oblige à attendre trois mois la réponse du procureur7, sera encore plus compliqué et plus long. La victime devra, pour agir, attendre six mois … l’éventuelle absence de réponse du ministère public ! En cas de classement sans suite, elle devra diligenter un recours hiérarchique préalable avant de déposer une plainte avec constitution de partie civile, ce qui appelle quatre critiques. Premièrement, le délai pour agir pourra s’en trouver encore augmenté car le procureur de la République pourra très bien rendre une décision de classement sans suite au bout de six mois. De plus, aucun délai ne semble imposé au procureur général pour répondre au recours hiérarchique. En attendant, bien des preuves auront disparu. Or, c’est la seconde critique, le recours hiérarchique est une contrainte administrative inutile. En effet, dans l’immense majorité des cas, le procureur général confirmera le classement sans suite car l’enquête n’aura pas avancé. Troisième critique, il sera encore plus difficile aux victimes, qui se seront heurtées à deux classements sans suite, de renverser la présomption d’innocence et même de convaincre le juge d’instruction du sérieux de leur plainte. Au total, avec l’article 33, les victimes, déjà choquées par l’absence de réponse du ministère public ou par le classement sans suite, éprouveront un sentiment d’injustice accru. Certaines se décourageront. La justice tout entière finira par donner le sentiment de ne plus rendre la justice8, ce qui renforcera le sentiment plus large d’un dysfonctionnement des institutions. Cela augmentera aussi le risque que certaines personnes ne se fassent « justice » à elles-mêmes. Ces inconvénients l’emportent largement sur l’objectif de lutte contre les constitutions de partie civile dites abusives par le rapport Beaume et Natali. D’ailleurs, par cette notion, le rapport ne vise en réalité pas les plaintes qui sont jusqu’à présent considérées comme juridiquement abusives et qui sont très minoritaires9. Il étend en réalité ce concept aux plaintes portant sur des affaires qu’il considère comme trop peu importantes pour donner lieu à une instruction10. Cependant, c’est un critère bien subjectif. Les auteurs du rapport ne se mettent pas à la place des victimes des affaires concernées qui ont éprouvé un préjudice réel et qui sont titulaires d’un droit légitime à obtenir justice. Surtout, que peuvent faire d’autre les victimes, que de déposer une plainte avec constitution de partie civile lorsque le ministère public ne prend pas de décision ou rend une décision de classement sans suite qu’elles considèrent comme erronée ?

En réalité, le projet constitue un pas supplémentaire vers la suppression de la plainte avec constitution de partie civile. Cette disparition, pour être conforme au bloc de constitutionnalité11, n’en constituerait pas moins une régression considérable des droits des victimes pour lesquelles il n’est pas indifférent d’obtenir réparation devant une juridiction pénale ou civile12. Le projet repose sur l’idée que le ministère public ne se tromperait jamais lorsqu’il prend une décision de classement sans suite. Second préjugé, une instruction consécutive à un tel classement ne permettrait jamais d’établir l’infraction. Cependant, si la Cour de cassation a cru devoir poser en principe que la plainte avec constitution de partie civile met en mouvement l’action publique13, c’est qu’elle ne s’est pas bercée d’illusions sur l’infaillibilité du parquet lorsqu’il exerce son pouvoir de décider de l’opportunité des poursuites14. Nombre de classements sans suite sont en effet surprenants et c’est justement une instruction qui permet d’établir des infractions bien réelles et ce, pour deux raisons. La première est que l’État met alors véritablement toute la puissance publique au service de la manifestation de la vérité15. La seconde est que la partie civile y dispose du droit de demander des actes. Par conséquent, plutôt que de mettre des bâtons dans les roues aux victimes, mieux vaudrait songer à leur donner (ainsi qu’aux suspects) le droit de demander des actes dans le cadre des enquêtes préliminaires ou de flagrance. Il faudrait aussi s’interroger sur la manière d’augmenter la qualité des décisions du ministère public en matière d’opportunité des poursuites, afin d’éviter les classements sans suite injustifiés16. En réalité, les parquetiers ont trop de travail et doivent prendre des décisions importantes trop vite. Il faudrait donc recruter des magistrats du ministère public, au rebours de la volonté d’économies du projet17.

Le projet ne peut enfin que plonger les victimes d’infractions sexuelles dans un désarroi encore plus grand, alors qu’on leur promet, par ailleurs, à la suite de certains scandales, de les aider à faire « reconnaître leur statut de victimes »18 .

B – Les ordonnances pénales

Certaines procédures simplifiées sans audience, telle l’ordonnance pénale, maltraitent également les victimes. Certes, l’article 495-2-1 du code de procédure pénale prévoit que : « Lorsque la victime des faits a formulé au cours de l’enquête de police une demande de dommages et intérêts ou de restitution valant constitution de partie civile conformément au deuxième alinéa de l’article 420-1, le président statue sur cette demande dans l’ordonnance pénale (…) ». Cependant, une demande chiffrée avec des justificatifs est rarement formulée au cours de l’enquête de police ! Le juge doit alors renvoyer le dossier au ministère public aux fins de saisir le tribunal sur les intérêts civils. Mais cela signifie, non pas que le tribunal est automatiquement saisi par le parquet, mais que le procureur de la République doit seulement informer la victime de son droit de lui demander de citer l’auteur des faits à une audience du tribunal statuant sur intérêts civils (C. pr. pén. art. 495-5-1). Par conséquent, la victime doit réclamer une audience pour espérer être indemnisée. C’est un autre parcours du combattant, qui fait apparaître un paradoxe. Une audience est en définitive nécessaire parce qu’elle est exclue ab initio par la procédure de l’ordonnance pénale…

II – Le recul des droits des personnes poursuivies

Pour accéder au juge, les personnes poursuivies ne se trouvent pas mieux loties par le projet que les victimes.

A – Le recul de la collégialité

Le juge unique est toujours une exception19 au principe de la collégialité, mais une exception que l’article 39 du projet accroît encore, alors qu’elle est déjà très importante en première instance20. De surcroît, le projet prévoit « l’examen à juge unique des appels portant sur un jugement rendu à juge unique, comme c’est déjà le cas pour les contraventions, sous réserve de la possibilité de renvoi de l’affaire à la collégialité »21. Or la collégialité, même si elle n’a pas valeur constitutionnelle22, s’explique par l’idée que « De la discussion naît la lumière ». Elle se justifie donc par la volonté d’éviter les erreurs judiciaires. Elle tend également à permettre de choisir la peine la plus appropriée. Elle sert donc en particulier à conjurer la récidive. Autant de valeurs et d’objectifs que le projet, en restreignant l’accès au juge, délaisse pour une vision à court terme des économies budgétaires.

B – L’extension du recours à l’ordonnance pénale

L’article 39 du projet souhaite étendre la procédure de l’ordonnance pénale « à tous les délits relevant du juge unique[23], sauf les atteintes volontaires et involontaires à la personne (…). Il supprime l’exclusion de cette procédure en cas de récidive (…). Il élargit les peines pouvant être prononcées, en permettant les peines alternatives, dont le travail d’intérêt général et le jour amende ».

Cette extension considérable d’une procédure déjà largement admise et d’ailleurs conforme au bloc de constitutionnalité24, organise une privation du droit à l’accès au juge qui statue sans débat préalable25. Ce débat et le contradictoire ne sont rétablis que dans le cadre d’une éventuelle opposition26. Certes, le taux d’opposition est actuellement très faible. Cependant, ce n’est pas parce que les ordonnances rendues sont parfaites. Elles ne peuvent en effet pas l’être car, en l’absence de comparution du prévenu et de défense, le juge ne dispose que de très peu d’éléments d’individualisation. Si le taux d’opposition est faible c’est en réalité parce que la notification des ordonnances27, attire l’attention des condamnés sur le risque d’aggravation de la peine en cas d’opposition. L’article 495-3 alinéa 3 in fine vise ainsi clairement à intimider les condamnés, ce qui est choquant. Il dispose que : « Le prévenu est également informé que le tribunal correctionnel, s’il l’estime coupable des faits qui lui sont reprochés, aura la possibilité de prononcer contre lui une peine d’emprisonnement si celle-ci est encourue pour le délit ayant fait l’objet de l’ordonnance ». Le taux d’opposition est également faible car, actuellement, les peines prononcées par les ordonnances sont relativement faibles. Les juges suivent en général les réquisitions du parquet qui demeurent mesurées, dans le but justement de limiter les oppositions. Par exemple, pourquoi le condamné à une amende raisonnable ou à un stage de sensibilisation à la sécurité routière ferait-il opposition ?

Cependant, le projet donne le pouvoir au juge de prononcer des peines qui, pour ne pas être privatives de liberté, sont tout de même très lourdes. Actuellement, le juge peut déjà prononcer n’importe laquelle des peines complémentaires encourues. Mais le projet veut également lui permettre de prononcer toute peine alternative à l’emprisonnement, y compris le travail d’intérêt général. La plupart de ces peines sont énumérées par l’article 131-6 du code pénal. Y figurent en particulier, la suspension, pour une durée de cinq ans au plus ou l’annulation du permis de conduire ; l’interdiction de conduire certains véhicules ; la confiscation de la chose qui a servi ou était destinée à commettre l’infraction ou de la chose qui en est le produit ; l’interdiction pour une durée de cinq ans au plus d’exercer une activité professionnelle ou sociale dès lors que les facilités que procure cette activité ont été sciemment utilisées pour préparer ou commettre l’infraction ; l’interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d’exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d’administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d’autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale. Des peines aussi lourdes28 donneront certainement lieu à des oppositions plus nombreuses que des peines d’amende ou des stages de citoyenneté29. Dès lors, ne serait-il pas plus économique et plus respectueux des libertés, plutôt que de priver le prévenu d’un accès au juge ab initio, de le juger directement en audience correctionnelle classique ?

En conclusion, la restriction de l’accès au juge n’entraînera pas mécaniquement des économies budgétaires. Elle n’apportera pas non plus forcément toujours une réponse pénale beaucoup plus rapide qu’une convocation par officier de police judiciaire. En effet, dans nombre de ressorts, il existe déjà un délai de plus de six mois entre la convocation et la notification de l’ordonnance pénale car le parquet ne dispose pas d’assez de secrétaires et que le nombre de juges pour rédiger des ordonnances pénales est insuffisant…

Mais surtout, si l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme garantit l’accès à un juge, c’est parce que cet accès conditionne l’application d’autres droits fondamentaux. L’ordonnance pénale en fournit un excellent exemple. En l’absence d’audience ab initio, il n’y a pas de droits de la défense puisque le prévenu ne comparaît pas et qu’il n’a pas le droit à un avocat. Il n’y a pas non plus d’égalité des armes puisque le parquet n’a pas de contradicteur. Le parquet est tout puissant. Certes, il ne rend pas la décision, mais il est à l’origine des poursuites, il prend des réquisitions, notifie ou fait expliquer la décision et est autorisé par la loi à menacer le condamné d’une peine d’emprisonnement s’il ose faire opposition. Le condamné peut certes faire opposition, mais il est jugé par le même juge et part donc avec un préjugé très défavorable. La procédure étant secrète, il n’y a pas non plus de publicité de la justice. Les citoyens ne peuvent donc pas contrôler la manière dont elle est rendue.
Le juge est impartial, mais lui seul le sait. Il ne peut plus faire montre au prévenu de son impartialité, dès lors qu’il n’entend aucune défense et que le plus souvent il entérine les réquisitions du parquet30.

Le prévenu ne pouvant pas se défendre et donc faire valoir des moyens d’individualisation, les décisions rendues sont ensuite moins adaptées à sa situation. Elles sont donc moins justes et moins efficaces. Or un criminologue exposant le thème de la justice procédurale (procedural justice), développé par John Rawls et renvoyant au sentiment de justice (fairness) souligne ceci. « Concrètement, la probabilité qu’un délinquant arrêté et condamné respecte la loi à l’avenir sera d’autant plus grande qu’il a eu le sentiment d’avoir été écouté suffisamment, qu’on lui a laissé la possibilité de rectifier certains faits matériels, que ses droits lui ont été expliqués et garantis, qu’il a été traité à égalité avec d’autres et qu’on lui a témoigné respect et courtoisie »31. C’est donc qu’avant la pédagogie de la peine, il existe une pédagogie des audiences, laquelle renforce la première et contribue grandement à prévenir la réitération ou la récidive. Le rôle joué par l’avocat, qui exerce son devoir de conseil avant et après l’audience, celui du ministère public et celui du juge sont à cet égard essentiels32.

La raréfaction de l’accès au juge opère enfin un changement politique. En l’absence d’audience, la condamnation vient d’en haut. Jugé par une personne dans un bureau qu’il ne rencontrera jamais, le justiciable est plus un sujet qu’un citoyen, ce qui est problématique dans une Démocratie.

Au total, les inconvénients du projet pour les victimes, pour les prévenus33 et pour l’image de la justice sont tels et qu’il n’est pas certain, loin s’en faut, que les économies espérées, à les supposer réelles, vaillent de tels sacrifices34.

 

1. Consulter l’exposé des motifs. Pour le projet de loi, sans l’exposé des motifs, mais avec le Titre Ier, Le projet de loi était intitulé « Projet de loi de programmation pour la Justice 2018-2022 ». Cependant, le projet a été rebaptisé sur proposition du Conseil d’État (CE, avis, 12 avr. 2018, Dalloz actualité, 20 avr. 2018, art. M. Babonneau et J.-M. PastorLe droit en débats, par D. Soulez Larivière.
2. En matière pénale.
3. J. Beaume et F. Natali, Amélioration et simplification de la procédure pénale.
4. Le rapport et l’exposé des motifs du projet préfèrent parler de « simplification et de renforcement de l’efficacité de la procédure pénale » (exposé des motifs, p. 7). Le Titre Ier du projet prévoit certes une augmentation des moyens de la justice et des personnels, afin d’atteindre les objectifs du projet. Mais, le projet n’en est pas moins destiné à réaliser des économies grâce à des gains d’emplois : « 832 emplois seront créés et les gains d’emplois dégagés par les réformes seront intégralement redéployés vers les juridictions » (Rapport annexe p. 6).
5. À notre connaissance.
6. J. Beaume et F. Natali, préc., p. 23.
7. La loi n° 2007-291 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance a prévu que la plainte avec constitution de partie civile n’est recevable que si la personne justifie, soit que le procureur de la République lui a fait connaître qu’il n’engagerait pas des poursuites sur sa plainte, soit qu’il s’est écoulé un délai de trois mois depuis qu’elle a déposé plainte.
8. Comp. J. Beaume et F. Natali, préc., p. 20 : « Les magistrats du siège (Conférences et juridictions), craignent (…) l’image d’une justice dégradée ».
9. Sur cette notion, v. J. Pradel, Procédure pénale, 19e éd., Cujas, 2017, n° 743.
10. J. Beaume et F. Natali, préc., p. 23 : celles qui « occupent une part significative des cabinets d’instruction (…), disproportionnées par rapport à l’intérêt public qu’elles représentent ».
11. « Le Conseil constitutionnel juge que le droit de la victime d’une infraction pénale de mettre en mouvement l’action publique contre l’auteur d’une infraction pénale n’est pas constitutionnellement protégé dès lors qu’est préservé le droit de la victime d’agir pour obtenir la réparation du dommage qu’elle a subi (Cons. const. 19 nov. 2013, n° 93-327 DC, consid. 12). Ce n’est que lorsque la victime se trouve concomitamment privée de la possibilité d’agir devant la juridiction répressive et de demander réparation devant la juridiction administrative ou civile que le droit à un recours juridictionnel effectif peut se trouver méconnu (Cons. const. 25 oct. 2013, n° 2013-350 QPC, consid. 7, AJDA 2013. 2118 ; D. 2013. 2469 ; AJCT 2014. 119, obs. S. Lavric ; Constitutions 2014. 218, chron. D. de Bellescize , cons. 7). Le Conseil d’État estime que les dispositions du projet de loi, qui encadrent les conditions de recevabilité d’une plainte avec constitution de partie civile devant le juge d’instruction ne portent pas atteinte au droit de la victime de demander réparation, devant la juridiction compétente » (CE, avis, 12 avr. 2018, préc., p. 21).
12. Les parties civiles peuvent ainsi renforcer l’action publique et l’action civile devant les juridictions répressives n’est pas seulement aux fins de réparation. Elle est également vindicative.
13. Crim. 8 déc. 1906, Bull. crim. n° 443, Laurent-Atthalin ; Crim., 28 mai 1925, Benker, D. 1926. I. 121, note Leloir : « Il faut garantir les droits des citoyens contre les refus de poursuivre, qui pourraient dans certains cas constituer un véritable déni de justice ». Ce principe est aujourd’hui codifié aux articles 1er, 86, alinéa 3 et 88 du code de procédure pénale.
14. Le parquet ne prend que des décisions administratives.
15. Cela tend à permettre de distinguer les vraies victimes des fausses.
16. Ce qui suppose qu’en amont, les officiers de police judiciaire aient suffisamment de temps à consacrer aux enquêtes.
17.  Un certain nombre de magistrats vont certes être recrutés, mais en nombre manifestement insuffisant.
18. La jurisprudence pose toutefois déjà une présomption d’absence de consentement des victimes très jeunes : la surprise est caractérisée lorsque le très jeune âge de la victime implique qu’elle n’a pas pu réaliser la nature et la gravité des actes qui lui étaient imposés (Crim. 7 déc. 2005, n° 05-81.316, D. 2006. 175, obs. C. Girault ; ibid. 1649, obs. G. Roujou de Boubée, T. Garé, M.-H. Gozzi et S. Mirabail ; AJ pénal 2006. 81, obs. C. Saas ; RSC 2006. 319, obs. Y. Mayaud ). L’article 2 du projet de loi renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes étend à 15 ans l’âge où cette solution pourrait être appliquée.
19. Juridique et non numérique.
20. Le projet « étend la compétence du juge unique déterminée par l’article 398-1 du code de procédure pénale, en fixant un seuil maximal de 5 ans d’emprisonnement, en procédant à la désignation explicite des délits concernés, et en étendant sa compétence à divers délits dont les menaces par concubin, les blessures involontaires par un chien, la cession de stupéfiants pour consommation personnelle, certaines atteintes à la vie privée, les atteintes à l’exercice de l’autorité parentale, les atteintes à l’état civil des personnes, les atteintes à l’autorité de la justice, et certains faux et usages de faux ». La liste des délits prévus à l’article 398-1 actuel est déjà impressionnante.
21. Plus précisément, après le premier alinéa de l’article 510 du même code, il serait inséré un alinéa ainsi rédigé : « Toutefois, lorsque le jugement attaqué a été rendu selon les modalités prévues au troisième alinéa de l’article 398, la chambre des appels correctionnels est composée d’un seul de ces magistrats exerçant les pouvoirs confiés au président de chambre, sauf si le prévenu est en détention provisoire pour les faits qui lui sont reprochés. Elle ne peut alors prononcer une peine d’emprisonnement ferme d’une durée supérieure à cinq ans. Elle peut toutefois, si ce renvoi lui paraît justifié en raison de la complexité des faits ou en raison de l’importance de la peine susceptible d’être prononcée, décider, d’office ou à la demande des parties ou du ministère public, de renvoyer l’affaire devant la chambre des appels correctionnels siégeant en formation collégiale » (art. 39 in fine).
22. Selon l’étude d’impact annexée au projet de loi, « Le principe de la collégialité n’a pas valeur constitutionnelle. Rien n’interdit par conséquent au législateur de prévoir que le jugement de certaines infractions s’effectue à juge unique, sous réserve de respecter par ailleurs les grands principes constitutionnels appliqués à la matière pénale. C’est ainsi en constatant la violation du principe d’égalité devant la loi que le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution dans sa décision n° 75-56 DC du 23 juillet 1975 les dispositions de la loi du 29 décembre 1972 prévoyant la compétence facultative du juge unique pour un certain nombre de délits » (p. 331).
23. Dont le nombre est considérablement augmenté par le projet.
24. Selon l’étude d’impact annexée au projet, « La procédure de l’ordonnance pénale a été validée par le Conseil constitutionnel lors de la création de cette procédure, dans sa décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002 (D. 2003. 1127 , obs. L. Domingo et S. Nicot ; AJDI 2002. 708 ; RSC 2003. 606, obs. V. Bück ; ibid. 612, obs. V. Bück ). Il rejette notamment le moyen tiré de l’atteinte au principe d’égalité devant la loi en rappelant sa jurisprudence habituelle : « Considérant que, si le législateur peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s’appliquent, c’est à la condition que ces différences ne procèdent pas de discriminations injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect du principe des droits de la défense, qui implique en particulier l’existence d’une procédure juste et équitable; ». La décision détaille ensuite l’ensemble des garanties prévues par la procédure de l’ordonnance pénale, lesquelles assurent de façon suffisante l’existence d’un procès juste et équitable. Cette analyse a été renouvelée dans la décision n° 2009-590 DC du 22 octobre 2009 sur la loi relative à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet (D. 2010. 1508, obs. V. Bernaud et L. Gay ; Constitutions 2010. 293, obs. D. de Bellescize ; RSC 2010. 214, obs. B. de Lamy ; RTD com. 2009. 730, étude F. Pollaud-Dulian "), validant donc l’extension du champ d’application de l’ordonnance pénale à de nouveaux délits (…). Enfin, les extensions du domaine de l’ordonnance pénale opérées par la loi du 5 mars 2007 n’ont pas fait l’objet de réserves de la part du Conseil dans sa décision n° 2007-553 DC du 3 mars 2007 (p. 332) » (D. 2008. 2025, obs. V. Bernaud et L. Gay ; RSC 2008. 133, obs. B. de Lamy ".
25. Art. 495-1, al. 2.
26. L’article 495-3, alinéa 3, du code de procédure pénale dispose que : « Le prévenu est informé qu’il dispose d’un délai de quarante-cinq jours à compter de cette notification pour former opposition à l’ordonnance (…) elle permettra que l’affaire fasse l’objet d’un débat contradictoire et public devant le tribunal correctionnel, au cours duquel il pourra être assisté par un avocat, dont il pourra demander la commission d’office (…) ».
27. L’article 495-3, alinéa 2, dispose que : « Cette ordonnance est portée à la connaissance du prévenu par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. Elle peut également être portée à la connaissance du prévenu par le procureur de la République, directement ou par l’intermédiaire d’une personne habilitée ».
28. Parfois beaucoup plus lourdes que de l’emprisonnement avec sursis.
29. Sauf lorsque le condamné aura trop peur d’être condamné à de l’emprisonnement ! J. Beaume et F. Natali, préc., p. 20 : « Les magistrats du siège (Conférences et juridictions), craignent (…) une augmentation des recours qui serait évidemment contreproductive ».
30. Cela ne veut bien sûr pas dire que le juge pénal peut se départir de son devoir d’impartialité dans la procédure d’ordonnance pénale et qu’il perd sa liberté de décision. En effet, l’article 495-1, alinéa 1, du code de procédure pénale dispose que : « Le président statue sans débat préalable par une ordonnance pénale portant relaxe ou condamnation (…) ». L’alinéa 3 ajoute dans le même sens que : « S’il estime qu’un débat contradictoire est utile ou qu’une peine d’emprisonnement devrait être prononcée, le juge renvoie le dossier au ministère public ».
31. P. Morvan, Criminologie, LexisNexis, 2013, n° 107.
32. L’obligation de motiver les ordonnances pénales (C. pr. pén., art. 495-2) ne supplée pas cette pédagogie puisque les décisions prises en audiences classiques doivent aussi être motivées.
33. Pour les prévenus, ces inconvénients sont très peu atténués par le droit de faire opposition.
34. Comme cela a été indiqué supra, les dispositions du projet ici envisagées ne semblent à première vue pas contraires au bloc de constitutionnalité. Il n’est toutefois pas très difficile de se montrer plus exigeant que le Conseil constitutionnel en matière de protection des libertés.