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Le droit en débats

La réforme du tribunal de police

Par Michel Marque le 16 Juin 2017

Le 1er juillet 2017 entreront en vigueur les dispositions de l’article 15 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du 21e siècle qui transfèrent les audiences du tribunal de police, aujourd’hui relevant du tribunal d’instance, au tribunal de grande instance et suppriment les juridictions de proximité.

En outre, à cette date entreront en fonction les anciens juges de proximité nommés magistrats à titre temporaire en application du décret du 21 avril 2017 portant nomination dans la magistrature.

L’objectif de cette réforme est de recentrer les tribunaux d’instance sur la justice civile du quotidien et de centraliser le contentieux pénal au siège du tribunal de grande instance.

C’est un profond bouleversement qui attend l’institution judiciaire mais également le justiciable, habitué à cette justice de proximité.

La dénomination de tribunal de police est apparu pour la première fois dans le décret du 19-22 juillet 1791 relatif à l’organisation d’une police municipale et correctionnelle instituant un tribunal de police municipale.

Mais l’émergence d’une première classification tripartite des juridictions répressives trouve son origine dans le code des délits et des peines du 3 Brumaire, an IV (25 oct. 1795) qui prévoit en son article 150 :

« La justice, pour la répression des délits, est administrée :
1°. Par les tribunaux de police, relativement aux délits dont la peine n’est portée par la loi ni au-dessus de trois journées de travail, ni au-delà de trois jours d’emprisonnement ;
2°. Par les tribunaux correctionnels, relativement aux délits dont la peine excède ou trois journées de travail, ou trois jours d’emprisonnement, et n’est néanmoins ni afflictive ni infamante.
3°. Par les directeurs du jury d’accusation et les tribunaux criminels, relativement aux délits qui emportent peine afflictive ou infamante . »

Avant d’aborder la réforme du 1er juillet 2017, un retour en arrière paraît utile pour comprendre l’évolution de cette juridiction qui traite un contentieux de masse et qui participe activement à la lutte contre le sentiment d’insécurité.

Le tribunal de police de 1808 à 1958

S’inscrivant dans les grandes réformes de codification napoléonienne, celle aboutissant aux lois du code d’instruction criminelle de 1808 est la plus remarquable, et ce à de nombreux égards. Ce code a su superposer les lois de 1791 ou code révolutionnaire et les usages de l’Ancien Régime qui avaient été codifiés avec l’ordonnance criminelle de Saint-Germain d’août 1670. Par ailleurs, les grandes lignes de la procédure pénale qui seront complétées en 1810 par le code pénal, sont restées pérennes durant 150 ans.

Les lois des 19-22 juillet 1791, instituaient dans chaque commune un tribunal de police municipale, au sein duquel siégeait le juge de paix, nouvellement créé, chargé de juger les infractions les moins graves.

Mais c’est le code d’instruction criminelle qui organisera une hiérarchie de la justice pénale en instituant dans un Livre II, Titre I, Chapitre I  les « tribunaux de simple police » en précisant en son article 137 : « Sont considérés comme contraventions de police simple, les faits qui, d’après les dispositions du quatrième livre du code pénal, peuvent donner lieu, soit à 15 francs d’amende ou au-dessous, soit à cinq jours d’emprisonnement ou au-dessous, qu’il y ait ou non confiscation des choses saisies, et quelle qu’en soit la valeur. »

Ces tribunaux de simple police étaient présidés par les juges de paix et les maires des communes, qui n’étaient pas le chef lieu du canton, pour des contraventions de moindre importance et ne relevant pas de la compétence exclusive des juges de paix.

Il faudra attendre la loi n° 1715 du 27 janvier 1873 qui, modifiant et abrogeant divers articles du code d’instruction criminelle, supprimera ce pouvoir au maire, les différentes études ayant démontré le peu d’intérêts que ces élus portaient à cette fonction.

Rappelons que c’est l’article premier du code pénal de 1810 qui organisera une classification tripartite des infractions au regard des peines encourues.

Durant ces 150 ans d’existence, le tribunal de simple police a vu ses compétences s’accroître lorsque le législateur a créé de nouvelles contraventions telles que celles résultant de la loi de 1873 sur la répression de l’ivresse ou des lois de 1882 et 1900 sur le travail des enfants et des femmes ou encore celle du 15 février 1902 sur la protection de l’hygiène publique.

Mais les plus grands mouvements trouvent leur source dans la transformation de délits en contraventions.

Amorcés au XIXe siècle, ces mouvements de va-et-vient prennent de l’ampleur d’abord en 1926 avec la réforme de la carte judiciaire voulue par Raymond Poincaré, instituant le tribunal correctionnel départemental. Le juge de paix voit sa compétence pénale s’étendre à certains délits sanctionnés seulement par des amendes. Mais l’échec de cette réforme et le retour aux tribunaux d’arrondissement mettront fin à cette compétence.

Le déclassement de certains délits les plus mineurs se poursuit et donne lieu à l’ordonnance n° 45-2241 du 4 octobre 1945 qui modifie les articles 483 et 484 du code pénal en créant une contravention de 4e classe punissable d’une amende de 200 à 1 200 francs et d’un emprisonnement de huit jours au plus, pouvant être porté à dix jours en cas de récidive.

Le tribunal de police de 1958 à nos jours.

Les prémices du code de procédure pénale sont l’une des dernières créations de la 4e République avec la promulgation du titre préliminaire et du livre Ier par la loi n° 57-1426 du 31 décembre 1957.

Mais ce sont les ordonnances de 1958 qui vont profondément modifier le paysage judiciaire avec la publication de l’ordonnance n° 58-1296 du 23 décembre 1958 remplaçant le code d’instruction criminelle devenu suranné.
L’ordonnance du 23 décembre 1958 s’est construite autour de grands principes tels que la suppression des justices de paix et des tribunaux de première instance et la création des tribunaux de grande instance siégeant en collégialité et des tribunaux d’instance statuant à juge unique. Cette refonte n’épargne pas la carte judiciaire et un décret n° 58-1273 du 22 décembre 1958 vient sceller le sort du siège, du ressort et de la composition notamment des tribunaux d’instance.

Cette réforme octroie au nouveau juge d’instance, remplaçant l’ancien juge de paix, de nouvelles compétences.

Cette réforme procédurale s’est également accompagnée d’un toilettage du code pénal. C’est ainsi que les nouveaux articles 472 à 475 constituent le socle des contraventions.

L’élévation du plafond des peines de police a permis la création d’une 5e classe de contraventions par décret n° 58-1303 du 23 décembre 1958. Elles sont punies d’un emprisonnement de dix jours à un mois et d’une amende de 40 à 100 000 francs ou de l’une de ces deux peines seulement.

En cas de récidive, la peine d’emprisonnement peut être portée à deux mois et la peine d’amende à 200 000 francs, sauf cas exceptionnels dans lesquels la récidive a pour effet de correctionnaliser l’infraction.

Comme en 1945 pour les contraventions de 4e classe, les contraventions de la 5e classe sont, à l’exception d’une d’entre elles, d’anciens délits transformés en infractions de police.

Le tribunal de police subira deux grandes mutations. La première par la loi n° 92-683 du 22 juillet 1992 portant réforme des dispositions générales du code pénal entrée en vigueur le 1er mars 1994, et le décret n° 93-726 du 29 mars 1993 portant réforme du code pénal qui supprimeront l’emprisonnement pour les peines contraventionnelles.

Le second événement touchera profondément le fonctionnement du tribunal de police lors de la création des juridictions de proximité par la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d’orientation et de programmation pour la justice.

Si le tribunal de police dispose d’une compétence de droit commun en matière pénale, la juridiction de proximité bénéficie d’une compétence d’attribution conformément à l’article 521 du code de procédure pénale en jugeant le contentieux des quatre premières classes qui représente plus de 89 % de l’ensemble du contentieux contraventionnel.

La loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à la répartition des contentieux et à l’allègement de certaines procédures juridictionnelles, qui a été plusieurs fois reportée, visait à supprimer les juridictions de proximité tout en permettant aux juges de proximité, rattachés au tribunal de grande instance de conserver leur compétence en matière pénale pour statuer sur les contraventions des quatre premières classes.

Finalement, le projet de loi Taubira déposé sur le bureau du Sénat le 31 juillet 2015 prévoyant de transférer les audiences du tribunal de police au tribunal de grande instance a été enrichi par Jean-Jacques Urvoas, nouveau ministre de la Justice. Ce dernier a souhaité fusionner le statut des juges de proximité avec celui des magistrats à titre temporaire, ce qui deviendra le 1er juillet 2017, en application de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du 21e siècle, le futur tribunal de police.

Le tribunal de police au 1er juillet 2017

Cette réforme est l’aboutissement d’un long processus de réflexion mené depuis plusieurs années et qui a donné lieu notamment en 2013 à un important travail de propositions émanant du groupe de travail présidé par le magistrat Didier Marshall, premier président de la cour d’appel de Montpellier, qui justifiait ses choix comme permettant de « dessiner un paysage judiciaire, à la fois cohérent, lisible et raisonnable pour le citoyen, et rationnel et efficace pour les professionnels de la justice. »

L’une des mesures phares de ces propositions était la création d’un tribunal de première instance (TPI) regroupant au sein du tribunal de grande instance :

  • une juridiction de proximité : un tribunal de proximité
  • six juridictions spécialisées : un tribunal civil, un tribunal familial, un tribunal de l’enfance, un tribunal pénal, un tribunal commercial et un tribunal social.

Notre société, attachée aux services de proximité, n’était certainement pas prête pour cette grande réforme, alors même qu’une commission du Sénat rendait, le 7 avril 2017, un rapport préconisant, à nouveau, la création de ce tribunal de première instance regroupant le tribunal de grande instance et les tribunaux d’instance.

Il faut être convaincu que cette réforme se fera car la stratification des juridictions ne concourt pas au progrès d’une justice lisible, cohérente et efficace.

Une première étape vient d’être franchie avec l’article 15 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du 21e siècle modifiant l’article 523 du code de procédure pénale qui énonce que « le tribunal de police est constitué par un juge du tribunal de grande instance ». Cette disposition regroupe donc au sein du tribunal de grande instance tous les tribunaux de police, aujourd’hui relevant des tribunaux d’instance.

Par ailleurs, il est ajouté un alinéa permettant aux magistrats exerçant à titre temporaire de présider ce tribunal lorsqu’il connaît des contraventions des quatre premières classes, à l’exception de celles déterminées par un décret en Conseil d’État, ainsi que des contraventions de la 5e classe relevant de la procédure de l’amende forfaitaire.

À compter du 1er juillet 2017, toutes les contraventions seront à nouveau jugées par le tribunal de police, en application de la loi n° 2011-1862 du 13 décembre 2011 sur la répartition des contentieux, qui a supprimé la juridiction de proximité qu’avait instituée la loi d’orientation et de programmation sur la justice du 9 septembre 2002.

Le transfert des tribunaux de police vers le tribunal de grande instance va permettre de créer un véritable bloc de compétences en matière pénale au sein d’un pôle pénal et de simplifier l’organisation des juridictions répressives, en regroupant au sein du tribunal de grande instance le jugement des délits et celui des contraventions, tout en respectant la classification tripartite, et par ailleurs de recentrer les tribunaux d’instance sur leurs missions civiles de proximité.

Cette réforme répond à quatre objectifs : harmonisation, spécialisation, lisibilité et cohérence.

Le regroupement des tribunaux de police va contraindre les services de l’officier du ministère public à se mutualiser au niveau départemental donnant ainsi au procureur de la République, chargé de son contrôle, la mission d’harmoniser une action pénale répressive et cohérente sur la base de critères rationnels au niveau du département ou simplement d’un axe routier important.

Par ailleurs, la centralisation au sein d’un pôle pénal des juridictions répressives constituera une spécialisation non pas pour uniformiser les réponses pénales mais pour parvenir, dans un certain nombres de domaines notamment ayant trait au contentieux de masse que représentent les contraventions, à un rapprochement des pratiques dans un souci d’égalité du traitement de nos concitoyens devant la loi.

Une telle évolution permettra d’assurer une meilleure cohérence de la politique pénale sur l’arrondissement judiciaire en attribuant au pôle pénal du tribunal de grande instance le rôle de définir les orientations de cette politique en matière contraventionnelle et de manière transversale, de la faire appliquer par un seul officier du ministère public tout en laissant au juge le soin d’apprécier la peine en fonction notamment de la personnalité du contrevenant.

Le traitement du contentieux contraventionnel est attribué aujourd’hui au tribunal de police pour les contraventions de 5e classe et aux juridictions de proximité pour les contraventions des quatre premières classes. Cette dualité, multipliée par le nombre de tribunaux d’instance relevant d’un même tribunal de grande instance, constituait pour le justiciable un véritable parcours kafkaïen.

La suppression de la juridiction de proximité et la centralisation du contentieux contraventionnel au sein d’une seule juridiction vont rendre plus lisible cette justice de proximité tant pour le justiciable que pour les professionnels du droit.

Au 1er juillet 2017, le nouveau tribunal de police sera en place. Une période probatoire sera toutefois nécessaire pour le transfert de l’ensemble des moyens, humains, immobiliers, matériels et informatiques.

Profitons de cet élan pour réfléchir au périmètre des compétences de cette juridiction qui pourrait être modifié par la dépénalisation de certaines contraventions et la contraventionnalisation des petits délits.

Ces mouvements de va-et-vient ne sont pas nouveaux et suivent naturellement l’évolution de notre société comme cela a été le cas en 1991 avec la dépénalisation de l’émission de chèque sans provision sans fraude ou encore avec la loi du 11 juillet 1975 qui a supprimé le délit d’adultère.

Au titre de la dépénalisation des contraventions, un premier pas a été franchi avec l’article 63 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles qui précise qu’à compter du « 1er janvier 2018 aucune sanction, de quelque nature que ce soit, ne peut être établie ou maintenue en raison de l’absence ou de l’insuffisance de paiement de la redevance de stationnement des véhicules établie dans les conditions prévues à l’article L. 2333-87 du code général des collectivités territoriales. »

Au titre de la contraventionnalisation de certains délits, on ne pourra pas faire l’économie d’une « opération vérité » sur les sanctions réellement prononcées pour les délits les plus mineurs. Cette réflexion, à laquelle doit être associé l’ensemble des acteurs concernés par les comportements répréhensibles de nos concitoyens, doit conduire à se poser la question de l’utilité de classer comme délits certains faits qui ne sont sanctionnés que d’une simple amende.

Il en est ainsi avec la création de l’amende forfaitaire délictuelle mise en place par la loi du 18 novembre 2016 pour la conduite d’un véhicule sans permis punie d’une amende forfaitaire de 800 €, et la conduite d’un véhicule sans assurance punie d’une amende forfaitaire de 500 €.

L’arsenal des peines complémentaires applicables aux contraventions de 5e classe fournit au juge les outils nécessaires et suffisants pour une répression socialement acceptable et une individualisation de la peine qui garde tout son sens pour le condamné.

Ce travail amorcé lors des débats de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du 21e siècle doit être poursuivi en étant persuadé que le tribunal de police a toute sa place dans la lutte contre les phénomènes qui perturbent l’ordre social comme l’insécurité routière ou les incivilités quotidiennes.

Je terminerai en reprenant les propos tenus par le sénateur Alain Richard lors des débats parlementaires en novembre 2016 « le tribunal de police est un vrai tribunal ; c’est un lieu où les droits de la défense sont respectés et où le droit au recours est applicable ».