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Dossier 

Chronique CEDH : la Cour inaugure la jurisprudence Covid-19

Au cours des mois de mars et avril 2021, la Cour européenne des droits de l’homme a inauguré sa jurisprudence covid-19 ; consolidé ce que l’on pourrait dénommer le droit de la victime d’agressions sexuelles à l’exécution de la peine de son agresseur ; admis un rarissime renversement de la présomption de protection équivalente des droits fondamentaux dans l’ordre juridique de l’Union européenne ; marqué son intérêt pour le suivi de ses arrêts pilotes ; renforcé la protection des étrangers menacés d’expulsion ; procédé à quelques limitations de l’influence du droit à un procès équitable ; multiplié les hypothèses de protection du droit à la liberté d’expression et prolongé des sillons jurisprudentiels déjà tracés sur des questions parfois très douloureuses.

L’inauguration de la jurisprudence covid-19

L’arrêt Feilazoo c. Malte (CEDH 11 mars 2021, n° 6865/19) entrera peut-être dans l’histoire pour avoir été le premier arrêt de la Cour européenne des droits à avoir « condamné » un État membre du Conseil de l’Europe en raison de son attitude face à la pandémie. Il a en effet constaté une violation de l’article 3 parce qu’un détenu en voie d’expulsion avait été placé avec des malades en quarantaine covid-19 alors qu’il ne paraissait y avoir aucune raison médicale de le faire. Il ne s’agira pas pour autant d’un grand arrêt : d’abord, parce que beaucoup d’autres données encore plus sordides avaient rendu les conditions de détention inhumaines et dégradantes ; ensuite, parce que la Cour s’en est tenue à constater que les allégations relatives au placement au milieu de personnes en quarantaine n’avaient pas été réfutées (il est à noter que, dans une autre affaire relative à l’exposition, toujours à Malte, de détenus au risque de contamination par la covid-19, une décision Fenech du 30 mars 2021 [n° 19090/20] a estimé, elle, qu’il valait mieux ajourner l’examen du grief jusqu’à ce que les autorités nationales aient apporté des précisions sur la réalité des faits). La vedette lui sera donc volée par l’arrêt Vavricka c. République tchèque (CEDH, gr. ch., 8 avr. 2021, n° 47621/13) qui ne s’est pas prononcé sur la covid-19 mais sur le moyen déployé pour l’enrayer. Cet arrêt, dont l’importance est fortement amplifiée par le contexte sanitaire planétaire dans lequel il a été rendu, a estimé, en mobilisant un peu à l’aveuglette l’intéressant concept de solidarité sociale, qu’un État pouvait rendre la vaccination infantile obligatoire, contre des maladies telles que la poliomyélite et le tétanos, sans violer le droit au respect de la vie privée dès lors que les récalcitrants n’étaient passibles que de sanctions administratives modérées. Il importe de préciser que, contrairement à ce que les médias ont pu en dire le jour même où il a été rendu sans avoir sans doute pris le temps de lire, cet arrêt admet qu’un État puisse rendre la vaccination obligatoire en toute conventionnalité mais il se garde bien d’affirmer qu’elle est nécessaire dans une société démocratique et que, par conséquent, tous les autres États devraient à leur tour imposer ce moyen pour lutter contre les maladies infantiles et la covid-19.

Le droit de la victime d’agressions sexuelles à l’exécution de la peine prononcée contre son agresseur

Il n’est pas très difficile de croiser des contempteurs de la Cour européenne des droits de l’homme toujours prompts à lui reprocher d’apporter des armes et des garanties superflues à des violeurs et à des assassins qu’il importe au plus haut point de punir impitoyablement dans les délais les plus expéditifs. Pour les amener progressivement à une meilleure appréciation de la réalité jurisprudentielle européenne, il faut leur suggérer la lecture de l’arrêt E.G. c. République de Moldova (CEDH 13 avr. 2021, req. n° 37882/13). Cet arrêt s’inscrit dans le prolongement de son essentiel arrêt M.C. c. Bulgarie (CEDH 4 déc. 2003, n° 39272/98, RSC 2004. 441, obs. F. Massias ; RTD civ. 2004. 364, obs. J.-P. Marguénaud ) suivant lequel il y a lieu de considérer que les obligations positives qui pèsent sur les États membres en vertu des articles 3 et 8 de la Convention commandent la criminalisation et la répression effective de tout acte sexuel non consensuel, y compris lorsque la victime n’a pas opposé de résistance physique. Cette fois, elle décide que l’exécution d’une condamnation pour abus sexuels fait partie intégrante de l’obligation positive incombant aux États en vertu des articles 3 et 8 de la Convention. Cette affirmation de principe, qui procède de l’extension d’une jurisprudence dégagée à propos des atteintes au droit à la vie, permet notamment à la Cour de désavouer fermement un État qui avait amnistié l’auteur d’une agression sexuelle condamné à cinq ans d’emprisonnement ferme. L’aménagement d’un véritable droit de la victime d’agressions sexuelles à l’exécution des peines prononcées contre son agresseur n’est pas précisément la preuve du laxisme de la Cour européenne des droits de l’homme…

Exemple rarissime de renversement de la présomption de protection équivalente des droits fondamentaux dans l’ordre juridique de l’Union européenne

On sait que, dans un souci de pacification des relations entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne qui protègent l’un et l’autre les droits fondamentaux, la Cour européenne des droits de l’homme, par son plus que célèbre arrêt Bosphorus c. Irlande du 30 juin 2005 (CEDH, gr. ch., 30 juin 2005, Bosphorus Hava Yolari Turizm ve Ticaret Anonim irketi c. Irlande, n° 45036/98, AJDA 2005. 1886, chron. J.-F. Flauss ; RFDA 2006. 566, note J. Andriantsimbazovina ; RTD eur. 2005. 749, note J.-P. Jacqué ; ibid. 2015. 235, obs. L. d’Ambrosio et D. Vozza ) confirmant sa compétence à l’égard des actes nationaux d’application du droit de l’Union européenne, a posé une présomption suivant laquelle ledit droit de l’Union offre une protection des droits fondamentaux équivalente à celle qui leur est apportée par la Convention européenne des droits de l’homme. Toutefois, cette présomption peut être renversée dans le cas où la protection d’un droit reconnu par la CEDH souffrirait du côté de l’Union européenne d’une insuffisance manifeste. Or le contrôle exercé par la Cour de Strasbourg ne débouche pratiquement jamais sur un constat d’insuffisance manifeste (on ne cite guère que l’exemple de l’arrêt Michaud c. France du 6 décembre 2012 [n° 12323/11, Dalloz actualité, 12 oct. 2012, obs. O. Bachelet ; AJDA 2013. 165, chron. L. Burgorgue-Larsen ; D. 2013. 284, et les obs. , note F. Defferrard ; ibid. 1647, obs. C. Mascala ; ibid. 2014. 169, obs. T. Wickers ; AJ pénal 2013. 160, obs. J. Lasserre Capdeville ; D. avocats 2013. 8, obs. L. Dargent ; ibid. 96, note W. Feugère ; RFDA 2013. 576, chron. H. Labayle, F. Sudre, X. Dupré de Boulois et L. Milano ; RSC 2013. 160, obs. J.-P. Marguénaud ; RTD eur. 2013. 664, obs. F. Benoît-Rohmer ; Rev. UE 2015. 353, étude M. Mezaguer ] qui aurait eu cette audace). Il faut donc accorder une attention particulière à l’arrêt Bivolaru et Moldovan c. France (CEDH 25 mars 2021, Bivolaru et Moldovan c. France, req. n° 40324/16, Dalloz actualité, 14 avr. 2021, art. B. Nicaud) qui, dans le domaine particulièrement sensible de l’exécution d’un mandat d’arrêt européen, a déduit, dans les circonstances particulières de l’espèce, l’existence d’une insuffisance manifeste de protection des droits fondamentaux de nature à renverser la présomption de protection équivalente et a constaté en conséquence la violation de l’article 3 de la Convention. Lorsqu’un mécanisme est tiré de son demi-sommeil, il faut s’attendre à des applications de plus en plus audacieuses…

Regain d’intérêt pour la surveillance de l’exécution d’un arrêt pilote

On sait que, à partir de l’arrêt Broniowski c. Pologne (CEDH, gr. ch., 22 juin 2004, n° 31443/96, AJDA 2004. 1809, chron. J.-F. Flauss ; D. 2004. 2542 , obs. C. Bîrsan ), la Cour européenne des droits de l’homme s’est efforcée de conjurer les risques d’être asphyxiée sous le nombre des requêtes provoquées par une violation massive, systémique, de tel ou tel droit de l’homme sur une question donnée dans un État donné grâce à l’organisation spontanée d’une procédure dite de l’arrêt pilote. Elle lui permet d’ajourner l’examen de toutes les affaires semblables dont elle est saisie ou viendrait à être saisie et à prescrire à l’État défendeur un délai pour adopter de nouvelles règles générales répondant aux exigences de la CEDH en considération desquelles toutes les affaires en instance seront jugées ou rejugées par les juridictions nationales. Or la surveillance de l’exécution, dans le délai imparti, de l’arrêt pilote par l’État défendeur soulève de nombreuses difficultés. Certaines sont d’ordre politique comme celles qui sont survenues avec le Royaume-Uni à la suite de l’arrêt pilote Greens et M.T. (CEDH 23 nov. 2010, req. n° 60041/08, D. 2011. 193, obs. J.-F. Renucci ; RSC 2011. 226, obs. J.-P. Marguénaud ) relatif au droit de vote des détenus car une injonction européenne plus ou moins feutrée de modifier une loi dans un délai déterminé se situe quand même très haut sur l’échelle des atteintes à la souveraineté nationale. D’autres sont de nature technique car vérifier si l’État a bien appliqué de nouvelles règles respectueuses des droits de l’homme dans des milliers d’affaires est un travail d’une ampleur si monumentale que les risques d’asphyxie auraient été seulement décalés de quelques années. C’est bien pourquoi, dans son arrêt Burmych et autres c. Ukraine (CEDH, gr. ch., 12 oct. 2017, req. n° 46852/13, AJDA 2018. 150, chron. L. Burgorgue-Larsen ), arrêt atypique qui est un arrêt de radiation en regroupant en réalité plus de 12 000, elle a décidé qu’il incombait au seul comité des ministres du Conseil de l’Europe de surveiller l’exécution d’un arrêt pilote qui, en l’occurrence, se rapportait à l’inexécution prolongée des décisions de justice internes. Elle n’a pas pour autant abdiqué toute velléité de surveillance de l’exécution de ses arrêts pilotes. C’est ce que montre son arrêt Venken c. Belgique (CEDH 6 avr. 2021, req. n° 46130/14, Dalloz actualité, 15 avr. 2021, obs. S. Lavric). Se prononçant à nouveau sur la question du maintien prolongé d’internés dans des ailes psychiatriques de prison sans encadrement thérapeutique adapté, qui avait donné lieu à un arrêt pilote W.D. c. Belgique (CEDH 6 sept. 2016, req. n° 73548/13, AJ pénal 2017. 48, obs. C. Saas ), la Cour considère que, quatre ans après, elle doit prendre en compte et apprécier l’évolution de la situation depuis lors. L’important n’est pas qu’elle ait jugé que le droit belge avait évolué dans le sens européen indiqué : c’est que, lorsqu’il s’agit d’une appréciation générale et non pas d’une vérification dizaines de cas particuliers par dizaines de cas particuliers, elle garde décidément la main sur la surveillance de l’exécution de ses arrêts pilotes.

Renforcement des droits des étrangers menacés d’expulsion

Ce n’est pas seulement au sort des étrangers en voie d’expulsion ou de réacheminement également menacés par la covid-19 (v. supra « L’inauguration de la jurisprudence covid-19 ») que la Cour européenne des droits de l’homme s’est intéressée en mars-avril 2021. Indépendamment de toutes considérations sanitaires conjoncturelles, elle leur a en effet consacré trois autres arrêts qui méritent de retenir l’attention. Il s’agit tout d’abord de l’arrêt R.R. c. Hongrie (CEDH 2 mars 2021, req. n° 36037/17) qui a notamment relevé une violation de l’article 3 en raison des conditions de rétention dans une zone de transit où les enfants et les femmes enceintes ne disposaient pas de locaux et de soins adaptés à leur vulnérabilité particulière. En second lieu, il faut relever l’arrêt Hassine c. Roumanie (CEDH 9 mars 2021, req. n° 36328/13) qui constate une nouvelle violation des garanties procédurales prévues par l’article 1 du Protocole additionnel n° 7. Il importe d’observer qu’elle le fait en renvoyant, mutatis mutandis, aux principes applicables à la matière qui ont été décrits par son récent arrêt de grande chambre Muhammad et Muhammad c. Roumanie (CEDH 15 oct. 2020, req. n° 80982/12). Or, quand elle renvoie mutatis mutandis à un de ses précédents arrêts, c’est généralement pour dire un peu autre chose et un peu plus que ce qu’elle y avait exprimé. Ici, il semblerait que la locution latine serve à préciser que le seul fait que la décision d’expulsion a été prise par des hautes autorités judiciaires indépendantes, sans qu’il puisse être constaté qu’elles ont exercé concrètement les pouvoirs que la loi leur conférait, n’est pas de nature à pouvoir compenser les restrictions subies par l’intéressé dans l’exercice de ses droits procéduraux. C’est à un affinement interprétatif du volet procédural de l’article 3 de plus grande ampleur que procède l’arrêt K.I. c. France (CEDH 15 avr. 2021, req. n° 5560/19, AJDA 2021. 830 ) relatif à l’expulsion vers la Russie d’un ressortissant d’origine tchétchène. Il accepte, en effet, le principe d’une expulsion d’un réfugié dont le statut a été révoqué mais à la condition d’une appréciation ex nunc, complète et précise, par les autorités du risque de traitements inhumains et dégradants que l’intéressé allègue encourir en cas de mise à exécution de la mesure de renvoi.

Limitations de l’influence du droit à un procès équitable

Le droit à un procès équitable garanti par l’article 6, § 1, de la Convention est de très loin celui qui donne lieu au plus grand nombre de constats de violation : 23 %, soit pratiquement le quart pour 2020 d’après les statistiques annuelles récemment publiées sur le site de la Cour de Strasbourg. Aussi, à chaque livraison, il ne sera possible que d’en repérer quelques-unes dans la masse. Ce sera le cas pour cette fois de l’arrêt Bilgen c. Turquie (CEDH 9 mars 2021, req. n° 1571/07) qui en dresse un constat de violation en raison de l’absence de contrôle juridictionnel de la mutation d’un juge et de deux arrêts plus originaux parce qu’ils aboutissent à la solution contraire, beaucoup moins commune. Il s’agit de l’arrêt Gilligan c. Irlande (CEDH, arrêt de comité, 18 mars 2021, req. n° 55276/17) suivant lequel des condamnés pour trafic de stupéfiants qui avaient multiplié les manœuvres dilatoires et abusives ne pouvaient pas se plaindre de ce que les lenteurs considérables des procédures relatives à la saisie de leurs biens d’origine criminelle auraient porté atteinte à leur droit à un procès équitable. Il s’agit surtout de l’arrêt Hussein c. Belgique (CEDH 16 mars 2021, req. n° 45187/12) d’après lequel la limitation par un État de la compétence universelle de ses juridictions à l’égard des crimes de droit international humanitaire ne portait pas atteinte au droit à un procès équitable des parties civiles.

Multiplication des hypothèses de protection du droit à la liberté d’expression

En janvier et février 2021, la Cour européenne des droits de l’homme avait plutôt eu des occasions de rappeler que l’exercice du droit à la liberté d’expression comporte, selon les termes mêmes de l’article 10 qui le garantit, des droits et responsabilités qui en font le plus relatif des droits conventionnels. En mars et avril, la tendance dominante à élargir le domaine du droit à la liberté d’expression a repris le dessus. Elle l’a fait dans des hypothèses parfois un peu insolites. Ainsi, dans l’arrêt Tokes c. Roumanie (CEDH 27 avr. 2021, req. n° 15976/16), elle a admis la violation du droit à la liberté d’expression d’un homme politique hongrois condamné en Roumanie pour avoir arboré le drapeau sicule. Surtout dans l’arrêt Handzhiyski c. Bulgarie (CEDH 6 avr. 2021, req. n° 10783/14), elle a dressé le même constat à la requête d’un homme politique local condamné pour avoir coiffé d’un bonnet de père Noël la statue du fondateur du Parti social-démocrate bulgare Blagoev. La Cour a également protégé les droits d’adeptes de moyens de communication plus classiques dans les arrêts Eminagaoglu c. Turquie (CEDH 9 mars 2021, req. n° 76521/12, Dalloz actualité, 16 mars 2021, obs. S. Lavric) au bénéfice d’un procureur frappé d’une sanction disciplinaire pour avoir fait des déclarations aux médias et Matalas c. Grèce (CEDH 25 mars 2021, req. n° 1864/18, Dalloz actualité, 6 avr. 2021, obs. S. Lavric) à l’avantage d’un salarié pénalement condamné pour diffamation en raison de propos tenu dans le contexte d’un litige du travail. Il faut, en une matière si dense et si dépendante des turbulences de l’actualité, renoncer à l’exhaustivité. Il convient cependant d’insister sur les arrêts Murat Aksoy (CEDH 13 avr. 2021, req. n° 80/17) et Ahmet Hüsrev Antan c. Turquie (CEDH 13 avr. 2021, n° 13252/17) qui constatent des violations des articles 5 et 10 de la Convention en raison du placement, au lendemain de la tentative de coup d’État de juillet 2016, de journalistes en détention provisoire. Ces arrêts continuent à creuser un sillon jurisprudentiel s’efforçant de placer la liberté de la presse à l’abri des risques de privation de liberté physique des journalistes.

Prolongements de sillons jurisprudentiels

Il arrive que la Cour de Strasbourg élabore une jurisprudence de toute première importance que les aléas du contentieux européen ne lui donnent pas souvent l’occasion d’appliquer. Or, au cours de la période mars-avril 2021, il lui a été permis d’en réactiver trois.

La première a bénéficié du soutien d’un arrêt de grande chambre Mraovic c. Croatie (CEDH, gr. ch., 9 avr. 2021, req. n° 30373/13) qui en aura donc spectaculairement enraciné les principes. C’est celle qui préside au choix entre la poursuite de la procédure ou la radiation du rôle en cas de décès du requérant en cours d’instance européenne. En l’espèce, le décès d’un condamné à deux ans d’emprisonnement pour viol qui se plaignait d’une atteinte à son droit à un procès équitable a donné à la grande chambre devant laquelle l’affaire avait été renvoyée, l’opportunité de confirmer les règles suivantes : la procédure sera poursuivie si des héritiers ou des parents proches en ont exprimé la volonté ou s’il existe un intérêt légitime d’une personne désireuse de maintenir la requête ; la radiation du rôle s’imposera lorsqu’aucun héritier ou parent proche ne veut poursuivre l’instance. Dans cette seconde hypothèse, la Cour peut néanmoins décider de poursuivre l’examen de l’affaire s’il existe des circonstances spéciales touchant au respect des droits de l’homme tels que définis par la Convention parce que l’affaire soulève d’importantes questions qui auraient permis de clarifier, sauvegarder et développer des normes de protection prévues par la Convention. En l’occurrence, rien n’avait pu s’opposer à la radiation.

Quant à la décision d’irrecevabilité Parfitt c. Royaume-Uni (CEDH 22 avr. 2021, req. n° 18533/21), elle confirme ce que l’on comprenait déjà depuis la décision Gard c. Royaume-Uni (CEDH 27 juin 2017, req. n° 39793/17, AJ fam. 2017. 379, obs. A. Dionisi-Peyrusse ) : l’intérêt supérieur d’un enfant en état végétatif permanent ne s’oppose pas à la décision des autorités nationales d’interrompre le traitement. En conséquence, la Cour, déclarant irrecevable la requête de la mère qui invoquait le droit à la vie et le droit au respect de la vie privée et familiale, a mis fin à la mesure provisoire tendant à ce que l’enfant soit maintenu en vie jusqu’à ce qu’elle se prononce.

Enfin l’arrêt Cauchi c. Malte (CEDH 25 mars 2021, req. n° 14013/19), constatant une violation du droit au respect des biens d’une propriétaire que la loi réduisait à percevoir un loyer d’un montant dérisoire, renvoie par un cheminement tortueux passant par un autre arrêt rendu contre Malte le 15 septembre 2009 (il s’agit de l’arrêt Amato Gauci [n° 47045/06]), à l’arrêt pilote Hutten-Czapska c. Pologne (CEDH, gr. ch., 19 juin 2006, req. n° 35014/97) qui, face à une difficulté équivalente affectant l’ensemble des bailleurs polonais, n’avait pas hésité à affirmer que l’article 1er du Protocole n° 1 conférait aux propriétaires sinon le droit du moins « la possibilité de tirer un profit de leurs biens » (§ 239 de l’arrêt Hutten-Czapska)…