Le décret n° 2025-125 du 12 février 2025 relatif à la nouvelle procédure de saisie des rémunérations, dont l’entrée en vigueur est fixée au 1er juillet 2025 (art. 6, I), organise la nouvelle procédure déjudiciarisée de saisie des rémunérations. En effet, la saisie des rémunérations revêt encore pour quelques mois un caractère judiciaire, étant confiée au juge de l’exécution du lieu du domicile du débiteur (C. trav., art. R. 3252-7), qui en autorise la mise en œuvre par l’intermédiaire du greffe du tribunal judiciaire ou de l’une des chambres de proximité qui lui sont rattachées (C. trav., art. R. 3252-9 et R. 3252-10). Il s’agit de la dernière mesure d’exécution forcée mobilière à avoir un caractère judiciaire. La réforme de la saisie des rémunérations, qui a été contestée par le Conseil national des barreaux dans sa résolution du 12 mai 2023, poursuit trois objectifs : aligner l’ensemble des mesures d’exécution forcée mobilière, réaliser une économie d’environ 9 millions d’euros pour l’État (N. Hoffschir, La « nouvelle » procédure de saisie des rémunérations, Gaz. Pal. 2024, n° 3, spéc. p. 41) et recentrer l’office du juge de l’exécution afin de « garantir une intervention judiciaire efficace » (C. Roth, Les compétences du JEX mobilier depuis le 1er janvier 2020 : les saisies des rémunérations et les autres, Gaz. Pal. 2023, n° 21, spéc. p. 14).
La réforme participe à un mouvement plus vaste, initié par le législateur et soutenu par le droit européen (G. Payan, Feu la déjudiciarisation partielle de la procédure de saisies des rémunérations ? Pour un retour vers le futur, Lexbase 11 oct. 2023), qu’est la déjudiciarisation de la justice. Entendue comme étant le moyen d’évincer ou de faire reculer le juge, la déjudiciarisation a pris de l’ampleur à partir des années 2000, et ce, afin de désengorger les tribunaux. Cette idée est récurrente, en témoignent les rapports rendus (Rapport Guinchard du 30 juin 2008, Rapport Delmas-Goyon du 9 déc. 2013, Rapport des chantiers de la justice de janv. 2018, etc.) ou la mission d’urgence sur la déjudiciarisation annoncée par le garde des Sceaux le 20 novembre 2024. Si l’accent est actuellement mis sur l’instauration des modes amiables de règlement des conflits, les procédures civiles d’exécution forcée sont concernées depuis la loi du 9 juillet 1991, qui a confié la mise en œuvre des mesures mobilières à un huissier de justice. Pourtant, ce mouvement est souvent critiqué, notamment par le CNB, y compris lors de ses assemblées générales du 17 janvier 2025 et 7 février 2025, puisque les avocats ne sont pas toujours conviés et qu’il ne garantirait pas les droits du débiteur dans le cadre d’une mesure d’exécution forcée. L’économie doit-elle se faire au détriment des droits des plaideurs ? Toutefois le législateur poursuit le mouvement. Il ne faut néanmoins pas généraliser ce mouvement à toutes les procédures et contentieux (S. Cimamonti et J.-B. Perrier [dir.], Les enjeux de la déjudiciarisation, LGDJ, 2019). La déjudiciarisation ne peut conduire à évincer totalement le juge de l’exécution, ce qui explique, pour l’instant, le maintien du caractère judiciaire de la saisie immobilière. Mais n’est-elle pas la prochaine cible de ce mouvement de déjudiciarisation ?
La saisie des rémunérations est actuellement régie par les articles L. 3252-1 à L. 3252-13 et R. 3252-1 à R. 3252-44 du code du travail et L. 212-1 à L. 212-3 du code des procédures civiles d’exécution. Toutefois, la loi d’orientation et de programmation du ministère de la Justice 2023-2027 du 20 novembre 2023, en son article 47, a prévu la déjudiciarisation de la procédure de saisie des rémunérations à compter du 1er juillet 2025, en la confiant, non plus au juge de l’exécution, mais au commissaire de justice. Le Conseil constitutionnel a validé la nouvelle procédure (Cons. const. 16 nov. 2023, n° 2023-855 DC, Dalloz actualité, 28 nov. 2023, obs. F. Kieffer ; AJDA 2024. 397 , note M. Verpeaux
; ibid. 2023. 2144
; D. 2024. 1250, obs. E. Debaets et N. Jacquinot
; ibid. 1301, obs. A. Leborgne et J.-D. Pellier
; Dalloz IP/IT 2024. 231, obs. Cassandra Rotily et L. Archambault
; RTD com. 2023. 833, obs. E. Claudel
). Mentionnons qu’un bilan de la « nouvelle » saisie des rémunérations devra être adressé au ministre de la Justice par la Chambre nationale des commissaires de justice (N. Fricero, Un vent d’efficacité et de simplification souffle sur la saisie des rémunérations !, Dalloz actualité, 7 juin 2023). Une première remarque : la procédure de saisie des rémunérations a été confiée aux commissaires de justice ; ils ont donc l’obligation de prêter leur ministère ou leur concours, « sauf lorsque la mesure requise leur paraît revêtir un caractère illicite ou si le montant des frais paraît manifestement susceptible de dépasser le montant de la créance réclamée » et ils engagent leur responsabilité dans la conduite des opérations d’exécution (C. pr. exéc., art. L. 122-1 et L. 122-2).
La partie législative du code des procédures civiles d’exécution a, en conséquence, été modifiée. Ainsi, à compter du 1er juillet 2025, l’alinéa 5 de l’article L. 213-6 du code de l’organisation judiciaire sera abrogé et des dispositions communes à la saisie des rémunérations seront insérées aux articles L. 212-1 à L. 212-14 du code des procédures civiles d’exécution. Il ne manquait plus que la partie réglementaire, ce qui est chose faite avec la publication au Journal officiel du décret du 12 février 2025. Désormais, la saisie des rémunérations sera régie par les articles R. 3252-1 à R. 3252-5 du code du travail – précisons que le décret cite l’article R. 3251-1 du code du travail, lequel est inconnu – et par les nouveaux articles R. 212-1-1 à R. 212-1-42 du code des procédures civiles d’exécution.
Pour une majorité des règles, il ne s’agit que d’un transfert du code du travail vers le code des procédures civiles d’exécution, sans modification substantielle de leur contenu, mise à part l’inscription du rôle du commissaire de justice en lieu et place de celui joué par le greffe. Tel est le cas pour le concours d’une saisie des rémunérations avec une saisie administrative à tiers détenteur relative à une créance garantie par le privilège du Trésor public (C. trav., anc. art. R. 3252-37 ; C. pr. exéc., art. R. 212-1-33), avec une saisie administrative à tiers détenteur relative à une créance non garantie par le privilège du Trésor public (C. trav., anc. art. R. 3252-38 ; C. pr. exéc., art. R. 212-1-34), avec une demande de paiement direct d’une créance alimentaire (C. trav., anc. art. R. 3252-39 ; C. pr. exéc., art. R. 212-1-35) ou bien du délai de huit jours laissé au tiers saisi pour informer le commissaire de justice répartiteur de tout évènement qui suspend la saisie ou y met fin (C. trav., anc. art. R. 3252-26 ; C. pr. exéc., art. R. 212-1-31).