On connaissait la fameuse « erreur du menuisier », consistant à placer, dans les salles d’audience, les magistrats du parquet sur la même estrade que ceux du siège. Il faut croire que certains artisans n’ont vraiment pas le compas dans l’œil car, ici, c’est carrément le ministère public qui « préside ». Bienvenue dans la « phase parquet » des comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC), au tribunal judiciaire de Bobigny (Seine-Saint-Denis). Confidentielle, cette phase de négociation se déroule sans aucun public : le plus souvent, les avocats doivent eux-mêmes attendre leur tour hors de la salle. Le décorum est parfois rudimentaire, puisque les magistrats n’y portent pas systématiquement la robe. Depuis peu, ils ont en revanche des greffiers : « Avant, quand il fallait qu’on se mette à quatre pattes sous la table pour bidouiller l’imprimante, bonjour la solennité ! », se remémore une substitute.
C’est justement devant un procureur « en tenue bourgeoise » que vient se planter Mounir, la trentaine. « Pour rendre service », il a entrepris de passer l’examen de taxi pour le compte d’un tiers, avec une fausse carte d’identité. « Et vous ne vous êtes pas dit qu’il y avait embrouille ? », s’étonne le magistrat, avant de présenter sommairement cette procédure dite de « plaider coupable » : « Puisque vous avez reconnu les faits, et que vous les reconnaissez toujours devant moi, on va essayer de trouver une peine qui nous convienne, à vous et à moi. Ensuite, un juge vérifiera qu’on n’a pas fait n’importe quoi. » En correctionnelle classique, Mounir aurait risqué jusqu’à cinq ans et 75 000 €, mais en CRPC, le quantum maximal d’emprisonnement encouru est réduit de moitié (et plafonné à trois ans, ce qui n’a pas d’incidence dans ce cas précis). L’avocat sollicite une sanction financière et la non-inscription au casier. « 10 000 € d’amende, pour payer mes vacances ! », tonne le magistrat.