C’est en plein cœur de la cité, dans un ancien hôtel particulier, que les juges de la Cour administrative d’appel de Nantes, compétente pour la Bretagne et les Pays de la Loire, soit douze départements, s’apprêtent à tenir séance ce jeudi matin 12 décembre. Au rôle ce jour-là, une dizaine d’affaires en droit de l’urbanisme et en droit de l’environnement, matières étroitement imbriquées, qui constituent les spécialités de cette cinquième chambre. « Cela va souvent ensemble, une même installation peut soulever les deux compétences. Par exemple, s’il s’agit d’un permis de construire pour une installation classée », confirme Sébastien Degommier, le président de la chambre, qui préside également les formations de jugement présentes au cours de la matinée. « Souvent, ce sont des affaires avec de forts enjeux qui touchent à l’économie, à la politique, à la protection de l’environnement », poursuit-il. C’est particulièrement vrai concernant la loi littorale de 1985 (C. urb., art. L. 121-1 s.) qui concerne quatre dossiers sur dix à l’ordre du jour, la juridiction nantaise récupérant le contentieux issu du plus grand littoral de France. En urbanisme, le taux d’annulation des jugements en appel est tout de même de 19,2 %. Et en cassation, 89,4 % des décisions d’appel seront maintenues contre 76,6 % en matière d’environnement où seul le taux de cassation est comptabilisé.
Les enjeux sont aussi d’ordre humains tels que « la propriété, le voisinage, la vie quotidienne des habitants avec des problématiques de normes parfois très complexes » et « des requérants qui peuvent arriver remontés ou émus », signale le Nantais. Il évoque quelques souvenirs d’audiences chargées ou tendues, plus rares néanmoins qu’au judiciaire, de particuliers en procédure depuis des années, venus dire combien leur vie était bouleversée par ce conflit lancinant. Les magistrats ont ici « un rôle de pacificateur », selon lui. « En tant que juge administratif, nous sommes amenés à concilier l’intérêt général poursuivi par l’administration avec ceux des personnes », considère-t-il. Or, ceux-ci, dans les faits et en droit, ne sont pas toujours compatibles. Mais l’administration ne l’emporte pas toujours. « Nous devons motiver correctement les décisions, en tenant compte de tous les arguments, en étant rigoureux et cohérents, afin que les justiciables les comprennent », estime le président de la cinquième chambre.
Des procédures de médiatisation existent également depuis 2016 afin de tenter d’obtenir un accord, en particulier sur des petits dossiers, à la demande du juge ou des parties. Ils représentent environ 2 500 cas par an à l’échelle nationale. Par ailleurs, la juridiction porte une attention particulière à l’oralité des débats, bien que la procédure administrative soit écrite et qu’aucun nouvel argument ne puisse être présenté à l’audience. Avant celle-ci, les parties ont été informées du sens des conclusions du rapporteur public et peuvent vouloir éclairer le juge sur un angle du dossier. « Sans cela, l’audience aurait moins d’intérêt, lance Sébastien Degommier qui signale que les juges demandent parfois aussi à se faire expliquer certains éléments. C’est rare mais parfois, nous pouvons être troublés et revoir notre position ».