« Je ne savais plus où j’étais. Je n’entendais plus rien et je voyais tout flou. Il y avait quelqu’un d’autre à ma place ». « Je devais le faire ». Ces propos, ce sont ceux d’Andy, 16 ans. Des phrases prononcées devant les enquêteurs qui l’interrogent pour le meurtre de ses parents et de ses frères jumeaux de dix ans, en Corse, en août 2009. Pris selon ses dires d’une « irrésistible pulsion », Andy était-il conscient au moment d’agir ? Devait-il comparaître devant une cour d’assises ? C’est la question que les juges et les experts se sont posés tout au long de la procédure judiciaire qui a conduit l’adolescent à être déclaré pénalement irresponsable à l’issu d’un procès en appel, en décembre 2013. Si le jeune homme comparaissait devant la cour, c’est avant tout parce que les juges d’instruction puis d’assises avaient estimé son discernement « altéré » au moment des faits. Car la loi est claire en cas d’abolition du discernement, autrement dit d’incapacité de l’auteur des faits à « comprendre et vouloir » comme le décrivait déjà le droit romain. « N’est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes », dit l’article 122-1 du code pénal. Ce qui compte, pour établir un tel diagnostic, c’est bien le lien direct entre la pathologie de la personne mise en cause et son acte.
En l’espèce, les experts étaient divisés. Un cas plutôt rare mais qui révèle certaines divergences entre les psychiatres. Auditionné dans le cadre d’un rapport de la Haute autorité de santé (HAS) remis en janvier 2007 à la Direction générale de la santé, l’expert psychiatre près la cour d’appel de Paris, Daniel Zagury expliquait : « c’est le plus souvent l’interprétation médico-légale qui oppose les experts, non le diagnostic rétrospectif. Dans certains cas, des divergences d’interprétation sont acceptables et, dans une certaine mesure, inévitables ». Le Dr Christian Jullier, expert près la cour d’appel de Marseille, fait lui état de « différentes sensibilités » : « certains experts estiment qu’avant tout, il faut que l’individu soit responsabilisé pour que son acte prenne un sens quel qu’il soit. Et préconisent qu’il comparaisse tout de même, en atténuant sa responsabilité ». C’est notamment l’école de pensée de l’historien du droit et psychanalyste, Pierre Legendre, qui dans son ouvrage Le crime du caporal Lorti estimait que ne pas juger les fous c’était leur dénier leur humanité. « Ca n’est pas très sérieux et c’est de la confusion entre la notion de loi au sens juridique et au sens psychanalytique », réfute le maître de conférences à l’Institut de criminologie de Nantes, Jean Danet qui participe le 6 juin prochain à la 7e édition des journées scientifiques de l’Université de Nantes, cette année orientée sur la question de la criminologie.